"Lisez cette œuvre et faites-la lire"
Jésus (Chapitre 38, Volume 10 ) à propos de
l’Évangile tel qu’il m’a été révélé.

L'Évangile de la Messe Paul VI
et l’Évangile tel qu’il m’a été révélé de Maria Valtorta.
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Dimanche 2 avril 2023 - Dimanche des Rameaux et de la Passion

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 26,14-75.27,1-66. 
L'un des douze Apôtres de Jésus, nommé Judas Iscariote, alla trouver les chefs des prêtres et leur dit : « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? » Ils lui proposèrent trente pièces d'argent. Dès lors, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer. Le premier jour de la fête des pains sans levain, les disciples vinrent dire à Jésus : « Où veux-tu que nous fassions les préparatifs de ton repas pascal ? » Il leur dit : « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui : 'Le Maître te fait dire : Mon temps est proche ; c'est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples. ' » Les disciples firent ce que Jésus leur avait prescrit et ils préparèrent la Pâque. Le soir venu, Jésus se trouvait à table avec les Douze. Pendant le repas, il leur déclara : « Amen, je vous le dis : l'un de vous va me livrer. » Profondément attristés, ils se mirent à lui demander, l'un après l'autre : « Serait-ce moi, Seigneur ? » Il leur répondit : « Celui qui vient de se servir en même temps que moi, celui-là va me livrer. Le Fils de l'homme s'en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux l'homme par qui le Fils de l'homme est livré ! Il vaudrait mieux que cet homme-là ne soit pas né ! » Judas, celui qui le livrait, prit la parole : « Rabbi, serait-ce moi ? » Jésus lui répond : « C'est toi qui l'as dit ! » Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit et le donna à ses disciples, en disant : « Prenez, mangez : ceci est mon corps. » Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, répandu pour la multitude en rémission des péchés. Je vous le dis : désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où je boirai un vin nouveau avec vous dans le royaume de mon Père. » Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. Alors Jésus leur dit : « Cette nuit, je serai pour vous tous une occasion de chute ; car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées. Mais après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée. » Pierre lui dit : « Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi, je ne tomberai jamais. » Jésus reprit : « Amen, je te le dis : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m'auras renié trois fois. » Pierre lui dit : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous les disciples en dirent autant. Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani et leur dit : « Restez ici, pendant que je m'en vais là-bas pour prier. » Il emmena Pierre, ainsi que Jacques et Jean, les deux fils de Zébédée, et il commença à ressentir tristesse et angoisse. Il leur dit alors : « Mon âme est triste à en mourir. Demeurez ici et veillez avec moi. » Il s'écarta un peu et tomba la face contre terre, en faisant cette prière : « Mon Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. » Puis il revient vers ses disciples et les trouve endormis ; il dit à Pierre : « Ainsi, vous n'avez pas eu la force de veiller une heure avec moi ? Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l'esprit est ardent, mais la chair est faible. » Il retourna prier une deuxième fois : « Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! » Revenu près des disciples, il les trouva endormis, car leurs yeux étaient lourds de sommeil. Il les laissa et retourna prier pour la troisième fois, répétant les mêmes paroles. Alors il revient vers les disciples et leur dit : « Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer ! La voici toute proche, l'heure où le Fils de l'homme est livré aux mains des pécheurs ! Levez-vous ! Allons ! Le voici tout proche, celui qui me livre. » Jésus parlait encore, lorsque Judas, l'un des Douze, arriva, avec une grande foule armée d'épées et de bâtons, envoyée par les chefs des prêtres et les anciens du peuple. Le traître leur avait donné un signe : « Celui que j'embrasserai, c'est lui : arrêtez-le. » Aussitôt, s'approchant de Jésus, il lui dit : « Salut, Rabbi ! », et il l'embrassa. Jésus lui dit : « Mon ami, fais ta besogne. » Alors ils s'avancèrent, mirent la main sur Jésus et l'arrêtèrent. Un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l'oreille. Jésus lui dit : « Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l'épée périront par l'épée. Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père, qui mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d'anges ? Mais alors, comment s'accompliraient les Écritures ? D'après elles, c'est ainsi que tout doit se passer. » A ce moment-là, Jésus dit aux foules : « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus m'arrêter avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j'étais assis dans le Temple où j'enseignais, et vous ne m'avez pas arrêté. Mais tout cela est arrivé pour que s'accomplissent les écrits des prophètes. » Alors les disciples l'abandonnèrent tous et s'enfuirent. Ceux qui avaient arrêté Jésus l'amenèrent devant Caïphe, le grand prêtre, chez qui s'étaient réunis les scribes et les anciens. Quant à Pierre, il le suivait de loin, jusqu'au palais du grand prêtre ; il entra dans la cour et s'assit avec les serviteurs pour voir comment cela finirait. Les chefs des prêtres et tout le grand conseil cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire condamner à mort. Ils n'en trouvèrent pas ; pourtant beaucoup de faux témoins s'étaient présentés. Finalement il s'en présenta deux, qui déclarèrent : « Cet homme a dit : 'Je peux détruire le Temple de Dieu et, en trois jours, le rebâtir. ' » Alors le grand prêtre se leva et lui dit : « Tu ne réponds rien à tous ces témoignages portés contre toi ? » Mais Jésus gardait le silence. Le grand prêtre lui dit : « Je t'adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Messie, le Fils de Dieu. » Jésus lui répond : « C'est toi qui l'as dit ; mais en tout cas, je vous le déclare : désormais vous verrez le Fils de l'homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel. » Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : « Il a blasphémé ! Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous venez d'entendre le blasphème ! Quel est votre avis ? » Ils répondirent : « Il mérite la mort. » Alors ils lui crachèrent au visage et le rouèrent de coups ; d'autres le giflèrent en disant : « Fais-nous le prophète, Messie ! qui est-ce qui t'a frappé ? » Quant à Pierre, il était assis dehors dans la cour. Une servante s'approcha de lui : « Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen ! » Mais il nia devant tout le monde : « Je ne sais pas ce que tu veux dire. » Comme il se retirait vers le portail, une autre le vit et dit aux gens qui étaient là : « Celui-ci était avec Jésus de Nazareth. » De nouveau, Pierre le nia : « Je jure que je ne connais pas cet homme. » Peu après, ceux qui se tenaient là s'approchèrent de Pierre : « Sûrement, toi aussi, tu fais partie de ces gens-là ; d'ailleurs ton accent te trahit. » Alors, il se mit à protester violemment et à jurer : « Je ne connais pas cet homme. » Aussitôt un coq chanta. Et Pierre se rappela ce que Jésus lui avait dit : « Avant que le coq chante, tu m'auras renié trois fois. » Il sortit et pleura amèrement. Le matin venu, tous les chefs des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire condamner à mort. Après l'avoir ligoté, ils l'emmenèrent pour le livrer à Pilate, le gouverneur. Alors Judas, le traître, fut pris de remords en le voyant condamné ; il rapporta les trente pièces d'argent aux chefs des prêtres et aux anciens. Il leur dit : « J'ai péché en livrant à la mort un innocent. » Ils répliquèrent : « Qu'est-ce que cela nous fait ? Cela te regarde ! » Jetant alors les pièces d'argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre. Les chefs des prêtres ramassèrent l'argent et se dirent : « Il n'est pas permis de le verser dans le trésor, puisque c'est le prix du sang. » Après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec cette somme le Champ-du-Potier pour y enterrer les étrangers. Voilà pourquoi ce champ a été appelé jusqu'à ce jour le Champ-du-Sang. Alors s'est accomplie la parole transmise par le prophète Jérémie : Ils prirent les trente pièces d'argent, le prix de celui qui fut mis à prix par les enfants d'Israël, et ils les donnèrent pour le champ du potier, comme le Seigneur me l'avait ordonné. On fit comparaître Jésus devant Pilate, le gouverneur, qui l'interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus déclara : « C'est toi qui le dis. » Mais, tandis que les chefs des prêtres et les anciens l'accusaient, il ne répondit rien. Alors Pilate lui dit : « Tu n'entends pas tous les témoignages portés contre toi ? » Mais Jésus ne lui répondit plus un mot, si bien que le gouverneur était très étonné. Or, à chaque fête, celui-ci avait coutume de relâcher un prisonnier, celui que la foule demandait. Il y avait alors un prisonnier bien connu, nommé Barabbas. La foule s'étant donc rassemblée, Pilate leur dit : « Qui voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ? ou Jésus qu'on appelle le Messie ? » Il savait en effet que c'était par jalousie qu'on l'avait livré. Tandis qu'il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : « Ne te mêle pas de l'affaire de ce juste, car aujourd'hui j'ai beaucoup souffert en songe à cause de lui. » Les chefs des prêtres et les anciens poussèrent les foules à réclamer Barabbas et à faire périr Jésus. Le gouverneur reprit : « Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ? » Ils répondirent : « Barabbas ! » Il reprit : « Que ferai-je donc de Jésus, celui qu'on appelle le Messie ? » Ils répondirent tous : « Qu'on le crucifie ! » Il poursuivit : « Quel mal a-t-il donc fait ? » Ils criaient encore plus fort : « Qu'on le crucifie ! » Pilate vit que ses efforts ne servaient à rien, sinon à augmenter le désordre ; alors il prit de l'eau et se lava les mains devant la foule, en disant : « Je ne suis pas responsable du sang de cet homme : cela vous regarde ! » Tout le peuple répondit : « Son sang, qu'il soit sur nous et sur nos enfants ! » Il leur relâcha donc Barabbas ; quant à Jésus, il le fit flageller, et le leur livra pour qu'il soit crucifié. Alors les soldats du gouverneur emmenèrent Jésus dans le prétoire et rassemblèrent autour de lui toute la garde. Ils lui enlevèrent ses vêtements et le couvrirent d'un manteau rouge. Puis, avec des épines, ils tressèrent une couronne, et la posèrent sur sa tête ; ils lui mirent un roseau dans la main droite et, pour se moquer de lui, ils s'agenouillaient en lui disant : « Salut, roi des Juifs ! » Et, crachant sur lui, ils prirent le roseau, et ils le frappaient à la tête. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l'emmenèrent pour le crucifier. En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix. Arrivés à l'endroit appelé Golgotha, c'est-à-dire : Lieu-du-Crâne, ou Calvaire, ils donnèrent à boire à Jésus du vin mêlé de fiel ; il en goûta, mais ne voulut pas boire. Après l'avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort ; et ils restaient là, assis, à le garder. Au-dessus de sa tête on inscrivit le motif de sa condamnation : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs. » En même temps, on crucifie avec lui deux bandits, l'un à droite et l'autre à gauche. Les passants l'injuriaient en hochant la tête : « Toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix ! » De même, les chefs des prêtres se moquaient de lui avec les scribes et les anciens, en disant : « Il en a sauvé d'autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! C'est le roi d'Israël : qu'il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui ! Il a mis sa confiance en Dieu ; que Dieu le délivre maintenant s'il l'aime ! Car il a dit : 'Je suis Fils de Dieu. ' » Les bandits crucifiés avec lui l'insultaient de la même manière. A partir de midi, l'obscurité se fit sur toute la terre jusqu'à trois heures. Vers trois heures, Jésus cria d'une voix forte : « Éli, Éli, lama sabactani ? », ce qui veut dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Quelques-uns de ceux qui étaient là disaient en l'entendant : « Le voilà qui appelle le prophète Élie ! » Aussitôt l'un d'eux courut prendre une éponge qu'il trempa dans une boisson vinaigrée ; il la mit au bout d'un roseau, et il lui donnait à boire. Les autres dirent : « Attends ! nous verrons bien si Élie va venir le sauver. » Mais Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l'esprit. Et voici que le rideau du Temple se déchira en deux, du haut en bas ; la terre trembla et les rochers se fendirent. Les tombeaux s'ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent, et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens. A la vue du tremblement de terre et de tous ces événements, le centurion et ceux qui, avec lui, gardaient Jésus, furent saisis d'une grande crainte et dirent : « Vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu ! » Il y avait là plusieurs femmes qui regardaient à distance : elles avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir. Parmi elles se trouvaient Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée. Le soir venu, arriva un homme riche, originaire d'Arimathie, qui s'appelait Joseph, et qui était devenu lui aussi disciple de Jésus. Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus. Alors Pilate ordonna de le lui remettre. Prenant le corps, Joseph l'enveloppa dans un linceul neuf, et le déposa dans le tombeau qu'il venait de se faire tailler dans le roc. Puis il roula une grande pierre à l'entrée du tombeau et s'en alla. Cependant Marie Madeleine et l'autre Marie étaient là, assises en face du tombeau. Quand la journée des préparatifs de la fête fut achevée, les chefs des prêtres et les pharisiens s'assemblèrent chez Pilate, en disant : « Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, de son vivant : 'Trois jours après, je ressusciterai. ' Donne donc l'ordre que le tombeau soit étroitement surveillé jusqu'au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent voler le corps et ne disent au peuple : 'Il est ressuscité d'entre les morts. ' Cette dernière imposture serait pire que la première. » Pilate leur déclara : « Je vous donne une garde ; allez, organisez la surveillance comme vous l'entendez. » Ils partirent donc et assurèrent la surveillance du tombeau en mettant les scellés sur la pierre et en y plaçant la garde.
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris 
Correspondance dans "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta
  • Traduction de 2017 : Tome 9, Ch 600, p 492
  • Ancienne traduction :  Tome 9, Ch 19, p 175
  • CD 9, piste 60
  • USB Tome 9, piste 60
C'est le commencement de la souffrance du Jeudi Saint. Les apôtres - ils sont dix - s'occupent activement de préparer le Cénacle. Judas, grimpé sur la table, regarde s'il y a de l'huile dans tous les lampions du grand lampadaire qui ressemble à une corolle de fuchsia double, car la tige de suspension est entourée de cinq ampoules qui ressemblent à des pétales, puis un second tour, plus bas, qui est une vraie couronne de petites flammes; puis il y a enfin trois petits lampions suspendus à des chaînettes qui semblent les pistils de la fleur lumineuse. Puis il saute par terre et aide André à disposer avec art la vaisselle sur la table sur laquelle on a étendu une nappe très fine. J'entends André qui dit: “Quel lin splendide!” Et l'Iscariote: “Un des meilleurs de Lazare. Marthe a voulu absolument l'apporter.” “Et ces calices? et ces amphores, alors?” observe Thomas qui a mis le vin dans les amphores précieuses et les regarde avec admiration en se regardant dans leurs fines panses et il en caresse les poignées ciselées d'un œil de connaisseur. “Qui sait quelle valeur, hein?” demande Judas Iscariote. “C'est travaillé au marteau. Mon père en serait fou. L'argent et l'or en feuilles se plient facilement à la chaleur. Mais traité ainsi… Un moment peut tout abîmer. Il suffit d'un coup mal donné. Il faut en même temps de la force et de la légèreté. Tu vois les poignées? Elles sont tirées de la masse et ne sont pas soudées. Choses de riches… Pense que toute la limaille et le dégrossissement se perdent. Je ne sais pas si tu me comprends.” “Hé! si je comprends! C'est comme fait un sculpteur.” “Tout à fait cela.” Tous admirent, puis retournent à leur travail. Tel dispose les sièges et tel autre prépare les crédences. Pierre et Simon entrent ensemble. “Oh! vous êtes venus finalement! Où êtes-vous allés de nouveau? Après être arrivés avec le Maître et nous, vous vous êtes enfuis de nouveau” dit l'Iscariote. “Encore une tâche avant l'heure” répond brièvement Simon. “Tu es mélancolique?” “Je crois qu'avec ce qu'on a entendu en ces jours et de ces lèvres que jamais on ne trouve mensongères, il y en a bien une raison.” “Et avec cette puanteur de… Bon! tais-toi, Pierre” murmure Pierre entre ses dents. “Toi aussi!… Tu me sembles fou depuis quelques jours. Tu as la figure d'un lapin sauvage qui sent derrière lui le chacal” répond Judas l'Iscariote. “Et toi, tu as le museau de la fouine. Toi aussi, tu n'es pas très beau depuis quelques jours. Tu regardes d'une façon… Tu as même l'œil de travers… Qui attends-tu ou qu'espères-tu voir? Tu sembles plein d'assurance, tu veux le faire paraître, mais tu as l'air de quelqu'un qui a peur” réplique Pierre. “Oh! Quant à la peur!… Tu n'es certainement pas un héros, toi non plus!” “Personne de nous ne l'est, Judas. Tu portes le nom du Macchabée, mais tu ne l'es pas. Moi, je dis avec mon nom: "Dieu fait grâce", mais je te jure que j'ai en moi le tremblement de qui sait porter malheur et d'être surtout dans la disgrâce de Dieu. Simon de Jonas, rebaptisé "la pierre", est mou maintenant comme de la cire près du feu. Il ne se cramponne plus par sa volonté. Lui, que je n'ai jamais vu trembler dans les plus violentes tempêtes! Mathieu, Barthélemy et Philippe semblent des somnambules. Mon frère et André ne font que soupirer. Les deux cousins, qui ont la douleur de la parenté avec celle de l'amour pour le Maître, regarde-les. Ils semblent déjà des vieillards. Thomas a perdu son entrain, et Simon semble redevenu le lépreux épuisé d'il y a maintenant trois ans tant il est creusé par la douleur, je dirais corrodé, livide, avili” lui répond Jean. “Oui. Il nous a tous suggestionnés par sa mélancolie” observe l'Iscariote. “Mon cousin Jésus, mon Maître et Seigneur et le vôtre, est et n'est pas mélancolique. Si tu veux dire par ce nom qu'il est triste à cause de la douleur excessive que tout Israël est en train de Lui donner, et que nous voyons, et l'autre douleur cachée que Lui seul voit, je te dis: "Tu as raison". Mais si tu uses de ce terme pour dire qu'il est fou, je te l'interdis” dit Jacques d'Alphée. “Et n'est-ce pas de la folie qu'une idée fixe de mélancolie? J'ai fait aussi des études profanes, et je sais. Il a trop donné de Lui-même. Maintenant il a l'esprit épuisé.” “Ce qui signifie de la démence. N'est-ce pas?” demande l'autre cousin Jude, apparemment calme. “Tout à fait cela! Il avait bien vu ton père, juste de sainte mémoire, à qui tu ressembles pour la justice et la sagesse! Jésus, triste destin d'une illustre maison trop vieille et frappée de sénilité psychique, a toujours eu une tendance à cette maladie, d'abord douce, puis toujours de plus en plus agressive. Tu as vu comme il a attaqué pharisiens et scribes, sadducéens et hérodiens. Il s'est rendu la vie impossible comme un chemin couvert d'éclats de quartz. Et c'est Lui qui les a semés. Nous… nous l'aimions tant que l'amour nous l'a caché. Mais ceux qui l'ont aimé sans l'idolâtrer: ton père, ton frère Joseph, et Simon au début, ont vu juste… nous devions ouvrir les yeux en les écoutant. Au contraire, nous avons été tous séduits par sa douce fascination de malade. Et maintenant… Hélas!” Jude Thaddée qui, aussi grand que l'Iscariote, est justement en face de lui et paraît l'écouter paisiblement, a un déclic violent et d'un puissant revers de main il couche Judas sur un des sièges et avec une colère contenue, sans éclat de voix, se penchant, siffle sur son visage de lâche, et Judas ne réagit pas, craignant peut-être que le Thaddée soit au courant de son crime: “Voilà pour la démence, reptile! Et c'est seulement parce que Lui est à côté et que c'est le soir de Pâque que je ne t'étrangle pas. Mais réfléchis, réfléchis bien! S'il Lui arrive du mal et qu'il n'est plus là pour arrêter ma force, personne ne te sauve. C'est comme si déjà tu avais la corde au cou et ce seront ces mains honnêtes et fortes d'artisan galiléen et de descendant du frondeur de Goliath qui feront ton affaire. Lève-toi, mollasson libertin! Et surveille ta conduite.” Judas se lève, livide, sans la moindre réaction. Et, ce qui me surprend, personne ne réagit au nouveau geste du Thaddée. Au contraire!… Il est clair que tous approuvent. L'ambiance est à peine redevenue tranquille que Jésus entre. Il se présente au seuil de la petite porte par laquelle sa grande taille passe difficilement, met le pied sur le petit palier et, avec son sourire doux et triste, dit en ouvrant les bras: “La paix soit avec vous.” Sa voix est lasse comme celle de quelqu'un qui souffre physiquement et moralement. Il descend, caresse la tête blonde de Jean qui est accouru près de Lui. Comme s'il ignorait tout, il sourit à son cousin Jude et il dit à l'autre cousin: “Ta mère te prie d'être doux avec Joseph. Tout à l'heure il a demandé aux femmes de mes nouvelles et des tiennes. Je regrette de ne l'avoir pas salué.” “Tu le feras demain,” “Demain?… Mais j'aurai toujours le temps de le voir… Oh! Pierre! Nous allons rester finalement un peu ensemble! Depuis hier, tu sembles pour Moi un feu follet. Je te vois, puis je ne te vois plus. Aujourd'hui je puis presque dire que je t'ai perdu. Toi aussi, Simon.” “Nos cheveux plutôt blancs que noirs peuvent t'assurer que nous ne nous sommes pas absentés par désir de la chair” dit Simon avec sérieux. “Bien que… à tout âge on peut avoir cette faim… Les vieux! Pires quelques jeunes…” dit l'Iscariote offensif. Simon le regarde et il va répliquer. Mais Jésus le regarde aussi et dit: “Tu as mal aux dents? Tu as la joue droite enflée et rouge.” “Oui, j'ai mal. Mais ce n'est pas la peine de s'en occuper.” Les autres ne disent rien, et l'affaire se termine ainsi. “Avez-vous fait tout ce qu'il fallait faire? Toi, Mathieu? Et toi, André? Et toi, Judas, as-tu pensé à l'offrande au Temple?” Les deux premiers, aussi bien que l'Iscariote, disent: “Tout est fait de ce que tu avais dit de faire pour aujourd'hui. Sois tranquille.” “Moi, j'ai apporté les primeurs de Lazare à Jeanne de Chousa, pour les enfants. Ils m'ont dit: "Elles étaient meilleurs ces pommes!" Elles avaient la saveur de la faim, celles-là! Et c'était tes pommes” dit Jean souriant et rêvant. Jésus aussi sourit à un souvenir… “J'ai vu Nicodème et Joseph” dit Thomas. “Tu les as vus? Tu as parlé avec eux?” demande l'Iscariote avec un intérêt exagéré. “Oui. Qu'y a-t-il d'étrange? Joseph est un bon client de mon père.” “Tu ne l'avais pas dit avant… C'est pour cela que j'ai été étonné!…” Judas essaie de dépailler l'impression, qu'il avait donnée d'abord, de son inquiétude pour la rencontre de Joseph et de Nicodème avec Thomas. “Il me semble étrange qu'ils ne soient pas venus ici pour te vénérer. Ni eux, ni Chousa, ni Manaën… Aucun des…” Mais l'Iscariote, avec un faux rire, interrompt Barthélemy et il dit: “Le crocodile se terre quand il le faut.” “Que veux-tu dire? Qu'insinues-tu?” demande Simon, agressif comme il n'a jamais été. “Paix, paix! Mais qu'avez-vous? C'est la soirée pascale! Jamais nous n'avons eu un si digne apparat pour consommer l'agneau. Consommons donc la cène dans un esprit de paix. Je vois que je vous ai beaucoup troublés par mes instructions de ces derniers soirs. Mais, vous voyez? J'ai fini! Maintenant je ne vous troublerai plus. Tout n'est pas dit de ce qui se rapporte à Moi. Seulement l'essentiel. Le reste… vous le comprendrez par la suite. Il vous sera dit… Oui. Il viendra Celui qui vous le dira! Jean, va avec Judas et un autre, prendre les coupes pour la purification. Et puis assoyons-nous à table.” Jésus est d'une douceur déchirante. Jean avec André, Jude Thaddée avec Jacques, apportent la vaste coupe, y versent l'eau et offrent l'essuie-mains à Jésus et à leurs compagnons qui font la même chose avec eux. La coupe (qui est un bassin de métal) est mise dans un coin. “Et maintenant à vos places. Moi ici, et ici (à droite) Jean et de l'autre côté mon fidèle Jacques. Les deux premiers disciples. Après Jean ma Pierre forte et après Jacques celui qui est comme l'air. On ne le remarque pas, mais il est toujours présent et réconforte: André. Près de lui, mon cousin Jacques. Tu ne te plains pas, doux frère, si je donne la première place aux premiers? Tu es le neveu du Juste dont l'esprit palpite et plane sur Moi en cette soirée plus que jamais. Aie la paix, père de ma faiblesse enfantine, chêne à l'ombre duquel se restaurèrent la Mère et le Fils! Aie la paix!… Après Pierre: Simon… Simon, viens ici un moment. Je veux fixer ton visage loyal. Après, je ne te verrai plus que mal car les autres me couvriront ta figure honnête. Merci, Simon. De tout” et il l'embrasse. Simon, quand il le laisse, va à sa place portant ses mains à son visage en marquant son affliction. “En face de Simon, mon Bartholmaï, deux honnêtetés et deux sagesses qui se reflètent. Ils sont bien ensemble. Et tout près, toi, Jude mon frère. Ainsi je te vois… et il me semble être à Nazareth… quand quelque fête nous réunissait tous à une table… Et aussi à Cana… Tu te souviens? Nous étions ensemble. Une fête… une fête de noces… le premier miracle… l'eau changée en vin… Aujourd'hui aussi une fête… et aujourd'hui aussi il y aura un miracle… le vin changera de nature… et il sera…” Jésus se plonge dans ses pensées, la tête inclinée, et comme isolé dans son monde secret. Les autres le regardent et ne parlent pas. Il relève la tête et fixe Judas Iscariote auquel il dit: “Tu seras en face de Moi.” “Tu m'aimes à ce point? Plus que Simon, que tu veux toujours m'avoir en face de Toi?” “Tellement. Tu l'as dit.” “Pourquoi, Maître?” “Parce que tu es celui qui a fait plus que tous pour cette heure.” Judas jette un regard changé sur le Maître et sur ses compagnons. Sur le premier avec un air de compassion, sur les autres avec un air de triomphe. “Et à côté de toi, d'une part Mathieu, de l'autre Thomas.” “Alors Mathieu à ma gauche et Thomas à ma droite.” “Comme tu veux, comme tu veux” dit Mathieu. “Il me suffit d'avoir bien en face de moi mon Sauveur.” “Le dernier, Philippe. Voilà, vous voyez? Qui n'est pas à côté de Moi du côté d'honneur, a l'honneur d'être en face de Moi.” Jésus, debout à sa place, verse dans le grand calice placé devant Lui (tous ont de hauts calices, mais Lui en a un beaucoup plus grand en plus de celui des autres. Ce doit être le calice rituel). Il verse le vin. Il l'élève, l'offre, le repose. Puis tous ensemble demandent sur le ton du psaume: “Pourquoi cette cérémonie?” Question de pure forme, on le comprend, rituelle. Jésus, en chef de famille, y répond: “Ce jour rappelle notre libération de l'Égypte. Que soit béni Jéovah qui a créé le fruit de la vigne.” Il boit une gorgée de ce vin qu'il a offert et passe le calice aux autres. Puis il offre le pain, en fait des morceaux, le distribue, ensuite les légumes trempés dans la sauce rougeâtre qui est dans quatre saucières. Une fois terminée cette partie du repas, ils chantent des psaumes tous en chœur. On apporte de la crédence sur la table et on place en face de Jésus le grand plateau de l'agneau rôti. Pierre qui a le rôle de… première partie du chœur, si vous voulez, demande: “Pourquoi cet agneau ainsi présenté?” “En souvenir de quand Israël fut sauvé par l'agneau immolé. Le premier-né ne mourut pas là où le sang brillait sur les montants de la porte et sur l'architrave. Et ensuite, alors que l'Égypte pleurait ses fils premiers-nés qui étaient morts, depuis le palais royal jusqu'aux taudis, les hébreux, commandés par Moïse, se mirent en marche vers la terre de la libération et de la promesse. Les côtés déjà ceints, les sandales aux pieds, le bourdon en main, le peuple d'Abraham s'empressa de se mettre en marche en chantant les hymnes de la joie” Tous se lèvent debout et entonnent: “Quand Israël sortit d'Égypte et la maison de Jacob du milieu d'un peuple barbare, la Judée devint son sanctuaire” etc. Maintenant Jésus découpe l'agneau, verse un nouveau calice, le passe après en avoir bu. Puis ils chantent encore: “Enfants, louez le Seigneur. Que soit béni le Nom de l'Éternel maintenant et toujours dans les siècles. De l'orient à l'occident Il doit être loué” etc. Jésus donne les parts en faisant attention que chacun soit bien servi, exactement comme un père de famille parmi ses fils qui lui sont tous chers. Il est solennel, un peu triste, alors qu'il dit: “J'ai ardemment désiré de manger avec vous cette Pâque. Cela a été mon désir des désirs depuis qu'éternellement j'ai été le "Sauveur". Je savais que cette heure précéderait cette autre, et la joie de me donner mettait à l'avance ce soulagement à mon martyre… J'ai ardemment désiré de manger avec vous cette Pâque car jamais plus je ne goûterai du fruit de la vigne jusqu'à ce que soit venu le Royaume de Dieu. Alors je m'assiérai de nouveau avec les élus au Banquet de l'Agneau, pour les noces des Vivants avec le Vivant. Mais y viendront seulement ceux qui auront été humbles et purs de cœur comme je le suis.” “Maître, tout à l'heure tu as dit que qui n'a pas l'honneur de la place, a celui d'être en face de Toi. Comment alors pouvons-nous savoir qui est le premier d'entre nous?” demande Barthélemy. “Tous et personne. Une fois… nous revenions fatigués… avec la nausée de la rancœur des pharisiens. Mais vous n'étiez pas las pour discuter entre vous qui était le plus grand… Un enfant accourut près de Moi… un de mes petits amis… Et son innocence adoucit mon dégoût de tant de choses. Ce n'était pas pour dernière votre humanité opiniâtre. Où es-tu maintenant, petit Benjamin à la réponse sage, venue à toi du Ciel car, ange comme tu l'étais, l'Esprit te parlait? Je vous ai dit alors: "Si quelqu'un veut être le premier qu'il soit le dernier et le serviteur de tous". Et je vous ai donné en exemple l'enfant sage. Maintenant je vous dis: "Les rois des nations les dominent. Et les peuples opprimés, tout en les haïssant, les acclament et on les appelle les rois 'Bienfaiteurs', 'Pères de la Patrie', mais la haine couve sous le respect menteur". Mais parmi vous qu'il n'en soit pas ainsi. Que le plus grand soit comme le plus petit, le chef comme celui qui sert. Qui, en fait, est le plus grand? Celui qui est à table ou celui qui sert? C'est celui qui est à table. Et pourtant, Moi je vous sers, et d'ici peu, je vous servirai davantage. Vous êtes ceux qui ont été avec Moi dans les épreuves, et Moi je dispose pour vous d'une place dans mon Royaume, de même que j'y serai Roi selon la volonté du Père, afin que vous mangiez et buviez à ma table éternelle et que vous soyez assis sur des trônes pour juger les douze tribus d'Israël. Vous êtes restés avec Moi dans les épreuves… Il n'y a que cela qui vous donne de la grandeur aux yeux du Père.” “Et ceux qui viendront? Ils n'auront pas de place dans le Royaume? Nous seuls?” “Oh! que de princes dans ma Maison! Tous ceux qui auront été fidèles au Christ dans les épreuves de la vie seront des princes dans mon Royaume, car ceux qui auront persévéré jusqu'à la fin dans le martyre de l'existence seront pareils à vous qui êtes restés avec Moi dans mes épreuves. Je m'identifie avec ceux qui croient en Moi. La Douleur que j'embrasse pour vous et pour tous les hommes, je la donne comme enseigne à ceux qui sont particulièrement élus. Celui qui me sera fidèle dans la Douleur sera un de mes bienheureux, pareil à vous, ô mes aimes.” “Nous avons persévéré jusqu'à la fin.” “Tu le crois, Pierre? Et Moi, je te dis que l'heure de l'épreuve n'est pas encore venue. Simon, Simon de Jonas, voilà que Satan a demandé de vous vanner comme le grain. J'ai prié pour toi, pour que ta foi ne vacille pas. Toi, quand tu te seras repenti, confirme tes frères.” “Je sais que je suis un pécheur. Mais je serai fidèle à Toi jusqu'à la mort. Je n'ai pas ce péché. Je ne l'aurai jamais.” “Ne sois pas orgueilleux, mon Pierre. Cette heure changera une infinité de choses qui avant étaient ainsi et qui maintenant seront différentes. Combien!… Elles apportent et imposent des nécessités nouvelles. Vous le savez. Je vous l'ai toujours dit, même quand nous allions par des chemins écartés, parcourus par des bandits: "Ne craignez pas, il ne vous arrivera aucun mal parce que les anges du Seigneur sont avec nous. Ne vous préoccupez de rien". Vous rappelez-vous quand je vous disais: "N'ayez pas d'inquiétudes pour ce que vous devez manger et pour le vêtement. Le Père sait de quoi nous avons besoin"? Je vous disais aussi: "L'homme est beaucoup plus qu'un passereau et que la fleur qui aujourd'hui est de l'herbe et demain est du foin. Et pourtant le Père a soin aussi de la fleur et du petit oiseau. Pouvez-vous alors douter qu'Il n'ait pas soin de vous?" Je vous disais encore: "Donnez à qui vous demande, à celui qui vous offense présentez l'autre joue". Je vous disais: "N'ayez pas de bourse ni de bâton". Parce que je vous ai enseigné l'amour et la confiance. Mais maintenant… Maintenant ce n'est plus ce temps. Maintenant je vous dis: "Vous est-il rien manqué jusqu'à maintenant? Avez-vous jamais été offensés?” “Rien, Maître. Et Toi seul as été offensé.” “Vous voyez donc que ma parole était vraie. Mais maintenant les anges ont tous été rappelés par leur Seigneur. C'est l'heure des démons… Avec leurs ailes d'or, eux, les anges du Seigneur, se couvrent les yeux, s'enveloppent et souffrent de ce que leurs ailes ne soient pas couleur du chagrin, car c'est une heure de deuil, de deuil cruel, sacrilège… Il n'y a pas d'anges sur la Terre ce soir. Ils sont près du trône de Dieu pour couvrir de leur chant les blasphèmes du monde déicide et les pleurs de l'Innocent. Et nous sommes seuls… Vous et Moi: seuls. Et les démons sont les maîtres de l'heure. Aussi maintenant nous allons prendre les apparences et les mesures des pauvres hommes qui se défient et n'aiment pas. Maintenant que celui qui a une bourse prenne aussi une besace, que celui qui n'a pas d'épée vende son manteau et en achète une, car cela aussi est dit de Moi dans l'Ecriture et doit s'accomplir: "Il a été compté parmi les malfaiteurs". En vérité tout ce qui me concerne a son but.” Simon, qui s'est levé pour aller au coffre où il a déposé son riche manteau - c'est en effet que ce soir tous ont pris leurs meilleurs habits, et ont par conséquent leurs poignards, damasquinés mais très courts, plutôt couteaux que poignards, à leurs riches ceintures - prend deux épées, deux épées véritables, longues, légèrement courbes, et les porte à Jésus: “Pierre et moi, nous sommes armés ce soir. Nous avons celles-ci, mais les autres n'ont que le court poignard.” Jésus prend les épées, les observe, en dégaine une et essaie le tranchant sur l'ongle. C'est une vue étrange et cela fait une impression encore plus étrange de voir cette arme féroce dans les mains de Jésus. “Qui vous les a données?” demande l'Iscariote alors que Jésus observe en silence. Et Judas paraît sur les épines… “Qui? Je te rappelle que mon père était noble et puissant.” “Mais Pierre…” “Eh bien? Depuis quand dois-je rendre compte des cadeaux que je veux faire à mes amis?” Jésus lève la tête après avoir rengainé l'arme et la rend au Zélote. “C'est bien, elles suffisent. Tu as bien fait de les prendre. Mais maintenant, avant que l'on boive le troisième calice, attendez un moment. Je vous ai dit que le plus grand est pareil au plus petit et que Moi je suis le serviteur à cette table, et que je vous servirai davantage. Jusqu'à présent je vous ai donné de la nourriture, service pour le corps. Maintenant je veux vous donner une nourriture pour l'esprit. Ce n'est pas un plat du rituel ancien. Il appartient au nouveau rite. J'ai voulu me baptiser avant d'être le "Maître". Pour répandre la Parole, ce baptême suffisait. Maintenant le Sang sera répandu. Il faut un nouveau baptême même pour vous qui pourtant avez été purifiés, par le Baptiste en son temps, et même aujourd'hui au Temple. Mais cela ne suffit pas encore. Venez que je vous purifie. Suspendez le repas. Il y a quelque chose de plus élevé et de plus nécessaire que la nourriture donnée au ventre pour le remplir, même si c'est une nourriture sainte comme celle du rite pascal. Et c'est un esprit pur, disposé à recevoir le don du Ciel qui déjà descend pour se faire un trône en vous et vous donner la Vie. Donner la Vie à qui est pur.” Jésus se lève, fait lever Jean pour sortir plus facilement de sa place, va à un coffre et quitte son vêtement rouge pour le plier et le déposer sur le manteau déjà plié, se ceint la taille d'un grand essuie-mains, puis va à un autre bassin encore vide et propre. Il y verse de l'eau, le porte au milieu de la pièce près de la table, et le met sur un tabouret. Les apôtres le regardent étonnés. “Vous ne me demandez pas ce que je fais?” “Nous ne savons pas. Je te dis que nous sommes déjà purifiés” répond Pierre. “Et je te répète que cela n'a pas importance. Ma purification servira à celui qui est déjà pur à être plus pur.” Il s'agenouille, délace les sandales de l'Iscariote et lui lave les pieds l'un après l'autre. Il est facile de le faire car les lits-sièges sont tournés de façon que les pieds sont vers l'extérieur. Judas est stupéfait et ne dit rien. Seulement quand Jésus, avant de chausser le pied gauche et de se lever, fait le geste de lui baiser le pied droit déjà chaussé, Judas retire vivement son pied et frappe avec la semelle la bouche divine. Il le fait sans le vouloir. Ce n'est pas un coup fort, mais il me donne tant de douleur. Jésus sourit et à l'apôtre qui Lui demande: “T'ai-je fait mal? Je ne voulais pas… Pardon”, il dit: “Non, ami. Tu l'as fait sans malice et cela ne me fait pas mal.” Judas le regarde. Un regard troublé, fuyant… Jésus passe à Thomas, puis à Philippe… il suit le côté étroit de la table et arrive à son cousin Jacques. Il le lave, et en se levant le baise au front. Il passe à André qui rougit de honte et fait des efforts pour ne pas pleurer, il le lave, le caresse comme un enfant. Puis c'est Jacques de Zébédée qui ne cesse de murmurer: “Oh! Maître! Maître! Maître! Tu t'anéantis, mon sublime Maître!” Jean a déjà délacé ses sandales et alors que Jésus se penche pour lui essuyer les pieds, il s'incline pour baiser ses cheveux. Mais Pierre!… Il n'est pas facile de le persuader de se prêter à ce rite! “Toi, me laver les pieds? N'y pense pas! Tant que je suis en vie, je ne le permettrai pas. Je suis un ver, tu es Dieu. Chacun à sa place.” “Ce que je fais, tu ne peux le comprendre maintenant, mais par la suite, tu le comprendras. Laisse-moi faire.” “Tout ce que tu veux, Maître. Veux-tu me couper le cou? Fais-le. Mais me laver les pieds, tu ne le feras pas.” “Oh! mon Simon! Tu ne sais pas que si je ne te lave pas tu n'auras pas part à mon Royaume? Simon, Simon! Tu as besoin de cette eau pour ton âme et pour le tant de chemin que tu dois faire. Tu ne veux pas venir avec Moi? Si je ne te lave pas, tu ne viens pas dans mon Royaume.” “Oh! mon Seigneur béni! Mais alors lave-moi tout entier! Pieds, mains et tête!” “Celui qui, comme vous, a pris un bain n'a besoin que de se laver les pieds, puisqu'il est entièrement pur. Les pieds… L'homme avec ses pieds va dans les ordures. Et ce serait encore peu car, je vous l'ai dit, ce n'est pas ce qui entre et sort avec la nourriture qui souille, et ce n'est pas ce qui va sur les pieds, en route, qui contamine l'homme. Mais c'est ce qui couve et mûrit dans son cœur et sort de là pour contaminer ses actions et ses membres. Et les pieds de l'homme à l'âme impure vont aux orgies, à la luxure, aux commerces illicites, aux crimes… Ce sont donc parmi les membres du corps, ceux qui ont une grande partie à purifier… avec les yeux, avec la bouche… Oh! homme! homme! Créature parfaite un jour, le premier! Et ensuite tellement corrompu par le Séducteur! Et il n'y avait pas de malice en toi, ô homme, et pas de péché!… Et maintenant? Tu es tout entier malice et péché, et il n'y a pas de parties de toi qui ne pèche pas!” Jésus lave les pieds à Pierre, les baise, et Pierre pleure et il prend dans ses grosses mains les mains de Jésus, les passe sur ses yeux et les baise ensuite. Simon aussi a quitté ses sandales et se laisse laver. Mais ensuite, quand Jésus va passer à Barthélemy, Simon s'agenouille et Lui baise les pieds en disant: “Purifie-moi de la lèpre du péché comme tu m'as purifié de la lèpre du corps, pour que je ne sois pas confondu à l'heure du jugement, mon Sauveur!” “Ne crains pas, Simon. Tu viendras dans la Cité céleste blanc comme la neige.” “Et moi, Seigneur? À ton vieux Bartholmaï que dis-tu? Tu m'as vu sous l'ombre du figuier et tu as lu dans mon cœur. Et maintenant que vois-tu, et où me vois-tu? Rassure un pauvre vieux qui craint de ne pas avoir la force et le temps pour arriver à ce que tu veux qu'il soit.” Barthélemy est très ému. “Toi aussi, ne crains pas. J'ai dit alors: "Voici un vrai israélite en qui il n'y a pas de fraude". Maintenant je dis: "Voilà un vrai chrétien, digne du Christ". Où je te vois? Sur un trône éternel, vêtu de pourpre. Je serai toujours avec toi.” C'est le tour de Jude Thaddée. Celui-ci, quand il voit Jésus à ses pieds, ne sait pas se contenir, il penche la tête sur son bras appuyé à la table et il pleure. “Ne pleure pas, doux frère. Tu es maintenant comme quelqu'un qui doit supporter qu'on lui enlève un nerf et il te paraît ne pas pouvoir le supporter. Mais ce sera une brève douleur. Puis… oh! tu seras heureux parce que tu m'aimes. Tu t'appelles Jude, et tu es comme notre grand Jude: comme un géant. Tu es celui qui protège. Tes actions sont du lion et du lionceau qui rugit. Tu découvriras les impies qui reculeront devant toi, et les gens iniques seront terrifiés. Moi, je sais. Sois courageux. Une éternelle union resserrera et rendra parfaite notre parenté dans le Ciel.” Il le baise lui aussi sur le front comme l'autre cousin. “Je suis pécheur, Maître. Pas à moi…” “Tu étais pécheur, Mathieu. Maintenant tu es l'Apôtre. Tu es une de mes "voix". Je te bénis. Ces pieds, que de chemin ils ont fait pour avancer toujours, vers Dieu… L'âme les excitait et ils ont quitté tout chemin qui n'était pas mon chemin. Avance. Sais-tu où finit le sentier? Sur le sein du Père qui est le mien et le tien” Jésus a fini. Il enlève la serviette, se lave les mains dans de l'eau propre, reprend son vêtement, retourne à sa place et dit alors qu'il s'assied à sa place: “Maintenant vous êtes purs, mais pas tous. Seulement ceux qui ont eu la volonté de l'être.” Il fixe Judas de Kériot qui fait semblant de ne pas entendre, occupé à expliquer à son compagnon Mathieu comment son père se décida à l'envoyer à Jérusalem, conversation inutile dont le seul but est de donner une contenance à Judas qui, malgré son audace, doit se sentir mal à l'aise. Jésus pour la troisième fois verse du vin dans le calice commun. Il boit, fait boire. Puis il entonne et les autres font un chœur: “J'aime parce que le Seigneur écoute la voix de ma prière, parce qu'Il tend son oreille vers moi. Je l'invoquerai toute ma vie. J'étais entouré des douleurs de mort” etc. Un moment d'arrêt, puis il recommence à chanter: “J'ai eu foi, c'est pour cela que j'ai parlé. Mais j'ai été fortement humilié. Et je disais dans mon trouble: "Tout homme est menteur".” Il regarde fixement Judas. La voix de mon Jésus, fatiguée ce soir, reprend sa force quand il s'écrie: “Elle est précieuse devant Dieu la mort des saints” et “Tu as brisé mes chaînes. Je te sacrifierai une hostie de louange en invoquant le nom du Seigneur” etc. Un autre bref arrêt dans le chant et puis il reprend: “Louez tous le Seigneur, ô nations; louez-le tous les peuples. Car elle s'est affermie sur nous sa miséricorde et la vérité du Seigneur dure éternellement.” Un autre arrêt bref et puis un long hymne: “Célébrez le Seigneur car Il est bon, car sa miséricorde dure éternellement…” Judas de Kériot chante tellement faux que par deux fois Thomas lui redonne le ton de sa puissante voix de baryton et le regarde fixement. Les autres aussi le regardent car généralement il est bien dans le ton de sa voix, j'ai compris, qu'il en est orgueilleux comme du reste. Mais ce soir! Certaines phrases le troublent au point qu'il chante faux et de même des regards de Jésus qui soulignent certaines phrases. L'une d'elles: “Il vaut mieux avoir confiance en Dieu que d'avoir confiance en l'homme.” Une autre: “Bousculé, j'ai vacillé et j'allais tomber, mais le Seigneur m'a soutenu.” Une autre c'est: “Je ne mourrai pas, mais je vivrai et je raconterai les œuvres du Seigneur.” Et enfin ces deux, que je dis maintenant, étranglent la voix dans la gorge du Traître: “La pierre rejetée par les constructeurs est devenue la pierre d'angle” et “Béni celui qui vient au nom du Seigneur!” Le psaume fini, pendant que Jésus découpe des tranches de l'agneau et les présente, Mathieu demande à Judas de Kériot: “Mais tu te sens mal?” “Non. Laisse-moi tranquille. Ne t'occupe pas de moi.” Mathieu hausse les épaules. Jean, qui a entendu, dit: “Le Maître aussi n'est pas bien. Qu'as-tu mon Jésus? Ta voix est faible comme celle d'un malade ou de quelqu'un qui a beaucoup pleuré” et il l'embrasse en restant la tête sur la poitrine de Jésus. “Il a seulement beaucoup parlé, comme moi j'ai beaucoup marché et pris froid” dit Judas nerveux. Et Jésus, sans lui répondre, dit à Jean: “Tu me connais désormais… et tu sais ce qui me fatigue…” L'agneau est presque consommé. Jésus, qui a très peu mangé en buvant seulement une gorgée de vin à chaque calice et en buvant par contre beaucoup d'eau comme s'il était fiévreux, recommence à parler: “Je veux que vous compreniez mon geste de tout à l'heure. Je vous ai dit que le premier est comme le dernier, et que je vous donnerai une nourriture qui n'est pas corporelle. C'est une nourriture d'humilité que je vous ai donnée, pour votre esprit. Vous m'appelez Maître et Seigneur. Vous dites bien car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez le faire l'un pour l'autre. Je vous ai donné l'exemple afin que vous fassiez comme j'ai fait. En vérité je vous dis: le serviteur n'est pas plus que le Maître, et l'apôtre n'est pas plus que Celui qui l'a fait tel. Cherchez à comprendre ces choses. Si ensuite, en les comprenant, vous les mettez en pratique vous serez bienheureux. Mais vous ne serez pas tous bienheureux. Je vous connais. Je sais qui j'ai choisi. Je ne parle pas de tous de la même manière, mais je dis ce qui est vrai. D'autre part doit s'accomplir ce qui est écrit à mon sujet: "Celui qui a mangé le pain avec Moi, a levé son talon sur Moi". Je vous dis tout avant que cela n'arrive, pour que vous n'ayez pas de doutes sur Moi. Quand tout sera accompli, vous croirez encore davantage que Je suis Moi. Celui qui m'accueille, accueille Celui qui m'a envoyé: le Père Saint qui est dans les Cieux, et celui qui accueillera ceux que je lui enverrai il m'accueillera Moi-même. Car je suis avec le Père et vous êtes avec Moi… Mais maintenant accomplissons le rite.” Il verse de nouveau du vin dans le calice commun et avant d'en boire et d'en faire boire il se lève, et tous se lèvent avec Lui et il chante de nouveau un des psaumes d'auparavant: “J'ai eu foi, et c'est pour cela que j'ai parlé…” et puis un autre qui n'en finit pas. Beau… mais sans fin! Je crois le retrouver, pour le commencement et la longueur, dans le psaume 118. Ils le chantent ainsi. Un morceau tous ensemble, puis à tour de rôle chacun dit un verset et les autres un morceau ensemble, et ainsi jusqu'à la fin. Je crois qu'à la fin ils ont soif! Jésus s'assied, il ne s'allonge pas. Il reste assis, comme nous, et il parle: “Maintenant que l'ancien rite est accompli, je célèbre le nouveau rite. Je vous ai promis un miracle d'amour. C'est l'heure de le faire. C'est pour cela que j'ai désiré cette Pâque. Dorénavant voilà l'Hostie qui sera consommée dans un perpétuel rite d'amour. Je vous ai aimés pour toute la vie de la Terre, mes chers amis. Je vous ai aimés pour toute l'éternité, mes fils. Et je veux vous aimer jusqu'à la fin. Il n'y a pas de chose plus grande que celle-là. Rappelez-vous-en. Je m'en vais, mais nous resterons unis pour toujours grâce au miracle que maintenant j'accomplis.” Jésus prend un pain encore entier, le met sur le calice rempli. Il bénit et offre l'un et l'autre, puis il partage le pain, en fait treize morceaux et en donne un à chacun des apôtres en disant: “Prenez et mangez. Ceci est mon Corps. Faites ceci en mémoire de Moi qui m'en vais.” Il donne le calice et dit: “Prenez et buvez. Ceci est mon Sang. Ceci est le calice du nouveau pacte dans le Sang et par mon Sang qui sera répandu pour vous pour la rémission de vos péchés et pour vous donner la Vie. Faites ceci en mémoire de Moi.” Jésus est très triste. Tout sourire, toute trace de lumière, de couleur l'ont abandonné. Il a déjà un visage d'agonie. Les apôtres le regardent angoissés. Jésus se lève en disant: “Ne bougez pas. Je reviens tout de suite.” Il prend le treizième morceau de pain, prend le calice et sort du Cénacle. “Il va trouver sa Mère” murmure Jean. Et Jude Thaddée soupire: “Pauvre femme!” Pierre demande tout bas: “Crois-tu qu'elle sache?” “Elle sait tout. Elle a toujours tout su.” Ils parlent tous à voix très basse comme devant un mort. “Mais croyez-vous que vraiment…” demande Thomas qui ne veut pas encore croire. “Et en doutes-tu? C'est son heure” répond Jacques de Zébédée. “Que Dieu nous donne la force d'être fidèles” dit le Zélote. “Oh! moi…” va dire Pierre. Mais Jean, qui est aux aguets, dit: “Chut! Le voici.” Jésus rentre. Il a dans les mains le calice vide. Sur le fond il y a à peine une trace de vin, et sous la lumière du lampadaire elle semble vraiment du sang. Judas Iscariote, qui a devant lui le calice, le regarde comme fasciné, et puis il détourne son regard. Jésus l'observe et il a un frisson que ressent Jean, appuyé comme il l'est sur sa poitrine. “Mais dis-le! Tu trembles…” s'écrie-t-il. “Non. Je ne tremble pas de fièvre… Je vous ai tout dit et je vous ai tout donné. Je ne pouvais vous donner davantage. C'est Moi-même que je vous ai donné.” Il a son doux geste des mains qui, d'abord jointes, se séparent maintenant et s'écartent alors qu'il baisse la tête comme pour dire: “Excusez-moi si je ne puis davantage. C'est ainsi.” “Je vous ai tout dit, et je vous ai tout donné. Et je répète. Le nouveau rite est accompli. Faites ceci en mémoire de Moi. Je vous ai lavé les pieds pour vous apprendre à être humbles et purs comme votre Maître. Car je vous dis qu'en vérité les disciples doivent être comme le Maître. Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en. Même quand vous serez haut placés, souvenez-vous-en. Le disciple n'est pas plus que le Maître. Comme je vous ai lavés, faites-le entre vous. C'est-à-dire aimez-vous comme des frères, en vous aidant l'un l'autre, en vous vénérant réciproquement, en étant un exemple l'un pour l'autre. Et soyez purs. Pour être dignes de manger le Pain vivant descendu du Ciel et pour avoir en vous et par Lui la force d'être mes disciples dans un monde ennemi qui vous haïra à cause de mon Nom. Mais l'un de vous n'est pas pur. L'un de vous me trahira. De cela, mon esprit est fortement troublé… La main de celui qui me trahit est avec Moi sur cette table, et ni mon amour, ni mon Corps, ni mon Sang, ni ma parole ne le rappellent ni ne le font repentir. Je lui pardonnerais en allant à la mort pour lui aussi.” Les disciples se regardent terrifiés. Ils se scrutent, se suspectant l'un l'autre. Pierre fixe l'Iscariote dans un réveil de tous ses doutes. Jude Thaddée se lève brusquement pour regarder à son tour l'Iscariote au-dessus de Mathieu. Mais l'Iscariote a tant d'assurance! À son tour, il regarde fixement Mathieu comme s'il le suspectait, puis il fixe Jésus et sourit en demandant: “Serait-ce moi, celui-là?” Il paraît le plus sûr de son honnêteté et qu'il parle ainsi pour ne pas laisser tomber la conversation. Jésus répète son geste en disant: “Tu le dis, Judas de Simon. Ce n'est pas Moi, c'est toi qui le dis. Je ne t'ai pas nommé. Pourquoi t'accuses-tu? Interroge ton admoniteur intérieur, ta conscience d'homme, la conscience que le Dieu Père t'a donnée pour te conduire en homme, et rends-toi compte si elle t'accuse. Tu le sauras avant tous. Mais si elle te rassure, pourquoi dis-tu une parole et penses-tu à une chose dont il est anathème même d'en parler ou d'y penser par plaisanterie?” Jésus parle avec calme. Il semble qu'il soutienne la thèse proposée comme peut le faire un savant à sa classe. L'émoi est grand, mais le calme de Jésus l'apaise. Cependant Pierre qui soupçonne le plus Judas - peut-être le Thaddée aussi, mais il le paraît moins, désarmé comme il l'est par la désinvolture de l'Iscariote - tire Jean par la manche. Quand Jean, qui s'est tout serré contre Jésus en entendant parler de trahison, se tourne, il lui murmure: “Demande-lui qui c'est.” Jean reprend sa position et lève seulement la tête comme pour baiser Jésus et en même temps Lui murmure à l'oreille: “Maître, qui est-ce?” Et Jésus, très doucement, en lui rendant le baiser dans les cheveux: “Celui auquel je vais donner un morceau de pain trempé.” Et prenant un pain encore entier, pas le reste de celui qui a servi pour l'Eucharistie, en détache une grosse bouchée, la trempe dans la sauce de l'agneau dans le plateau, il allonge le bras au-dessus de la table et dit: “Prends, Judas. Tu aimes cela.” “Merci, Maître. Oui, j'aime cela” et ne sachant pas ce qu'est cette bouchée, il la mange, alors que Jean, horrifié, va jusqu'à fermer ses yeux pour ne pas voir l'horrible rire de l'Iscariote pendant qu'il mange à belles dents le pain accusateur. “Bon! Va, maintenant que je t'ai fait plaisir” dit Jésus à Judas. “Tout est accompli, ici (il marque beaucoup ce mot). Ce qui reste encore à faire ailleurs, fais-le vite, Judas de Simon.” “Je t'obéis de suite, Maître. Ensuite je te rejoindrai au Gethsémani. Tu vas là, n'est-ce pas, comme toujours?” “J'y vais… comme toujours… oui.” “Qu'a-t-il à faire?” demande Pierre. “Il va seul?” “Je ne suis pas un enfant” plaisante Judas qui met son manteau. “Laisse-le aller. Lui et Moi savons ce qu'il y a à faire” dit Jésus. “Oui, Maître.” Pierre se tait. Peut-être pense-t-il qu'il a péché en soupçonnant son compagnon. La main sur le front, il réfléchit. Jésus serre Jean sur son cœur et se tourne pour lui murmurer dans les cheveux: “Ne dis rien à Pierre pour le moment. Ce serait un scandale inutile.” “Adieu, Maître. Adieu, amis.” Judas salue. “Adieu” dit Jésus. Et Pierre: “Je te salue, garçon.” Jean, la tête presque sur le sein de Jésus, murmure: “Satan!” Jésus seul l'entend et soupire. Ici tout s'arrête, mais Jésus dit: “Je suspends par pitié pour toi. Je te donnerai la fin de la Cène à un autre moment.” (la cène continue) Il y a quelques minutes de silence absolu. Jésus a la tête inclinée, en caressant machinalement les cheveux blonds de Jean. Puis il se secoue, lève la tête, tourne son regard, a un sourire qui réconforte les disciples. Il dit: “Quittons la table et asseyons-nous tous les uns près des autres, comme autant de fils autour de leur père.” Ils prennent les lits-sièges qui étaient derrière la table (ceux de Jésus, Jean, Jacques, Pierre, Simon, André et du cousin Jacques) et ils les portent de l'autre côté. Jésus prend place sur le sien, toujours entre Jacques et Jean. Mais quand il voit qu'André va s'asseoir à la place laissée par l'Iscariote, il crie: “Non, pas là.” Un cri impulsif que son extrême prudence ne réussit pas à empêcher. Puis il se reprend en parlant ainsi: “Il n'est Pas besoin de tant de place. En restant assis, on peut tenir sur eux seuls. Ils suffisent. Je vous veux très proches.” Jacques de Zébédée appelle Pierre: “Assieds-toi ici. Moi, je m'assois sur ce petit tabouret, aux pieds de Jésus.” “Que Dieu te bénisse, Jacques! Je le désirais tant!” dit Pierre, et il se serre contre son Maître qui est ainsi serré de près par Jean et Pierre, avec Jacques à ses pieds. Jésus sourit: “Je vois que commence à opérer la parole dite auparavant. Les bons frères s'aiment. Moi aussi, je te dis, Jacques: "Que Dieu te bénisse". Ce geste aussi, l'Éternel ne l'oubliera pas, et tu le trouveras là-haut. Moi je puis tout ce que je demande. Vous l'avez vu. Il a suffi d'un de mes désirs pour que le Père accorde au Fils de se donner en Nourriture à l'homme. Avec ce qui vient d'arriver le Fils de l'homme a été glorifié car c'est un témoignage de pouvoir le miracle qui n'est possible qu'aux amis de Dieu. Plus le miracle est grand et plus est sûre et profonde cette divine amitié. C'est un miracle qui, par sa forme, sa durée et sa nature, par son étendue et les limites qu'il atteint, est le plus fort qui puisse exister. Je vous le dis: il est si puissant, surnaturel, inconcevable pour l'homme orgueilleux, que bien peu le comprendront comme il doit être compris et que beaucoup le négligeront. Que dirai-je alors? Condamnation pour eux? Non. Je dirai: pitié! Mais plus grand est le miracle, plus grande est la gloire qui en revient à son auteur. C'est Dieu Lui-même qui dit: "Voilà, mon bien-aimé a voulu cela, il l'a eu, et c'est Moi qui le Lui ai accordé, parce qu'il possède une grande grâce à mes yeux". Et ici Il dit: "Il a une grâce sans limites comme est infini le miracle accompli par Lui". De même à la gloire qui revient à l'auteur du miracle de la part de Dieu il y a la gloire qui de son auteur revient au Père. Car toute gloire spirituelle, venant de Dieu, revient à sa source. Et la gloire de Dieu, bien qu'elle soit infinie, s'accroît toujours plus et brille par la gloire de ses saints. C'est pourquoi je vous dis: de même que le Fils de l'homme a été glorifié par Dieu, ainsi Dieu a été glorifié par le Fils de l'homme. J'ai glorifié Dieu en Moi-même. À son tour Dieu glorifiera son Fils en Lui. C'est bientôt qu'Il va le glorifier. Exulte, Toi qui reviens à ton Siège, ô Essence spirituelle de la Seconde Personne! Exulte, ô chair qui vas remonter après un si long exil dans la fange. Et ce n'est pas le Paradis d'Adam, mais le Paradis sublime du Père qui va t'être donné comme demeure. S'il a été dit que par la stupeur d'un commandement de Dieu, donné par la bouche d'un homme, le soleil s'est arrêté, que n'arrivera-t-il pas dans les astres quand ils verront le prodige de la Chair de l'Homme monter et prendre place à la droite du Père dans sa Perfection de matière glorifiée? Mes petits enfants, c'est pour peu de temps encore que je reste avec vous. Et vous, ensuite, vous me chercherez comme des orphelins cherchent leur père mort. Et en pleurant, vous irez en parlant de Lui et vous frapperez en vain à son tombeau muet, et puis encore vous frapperez aux portes azurées du Ciel, avec votre âme lancée dans une suppliante recherche d'amour, disant: "Où est notre Jésus? Nous le voulons. Sans Lui, il n'y a plus de lumière dans le monde, ni de joie, ni d'amour. Rendez-le nous, ou bien laissez-nous entrer. Nous voulons être où il est". Mais, pour le moment, vous ne pouvez venir où je vais. Je l'ai dit aussi aux juifs: "Ensuite vous me chercherez, mais où je vais vous ne pouvez venir". Je le dis aussi à vous. Pensez à la Mère… Elle non plus ne pourra venir où je vais. Et pourtant j'ai quitté le Père pour venir à elle et me faire Jésus dans son sein sans tache. Et pourtant c'est de l'Inviolée que je suis venu dans l'extase lumineuse de ma Naissance. Et c'est de son amour, devenu lait, que je me suis nourri. Je suis fait de pureté et d'amour car Marie m'a nourri de sa virginité fécondée par l'Amour parfait qui vit dans le Ciel. Et pourtant c'est par elle que j'ai grandi, en lui coûtant fatigues et larmes… Et pourtant je lui demande un héroïsme tel que jamais il n'en a été accompli, et par rapport auquel celui de Judith et de Jahel sont des héroïsmes de pauvres femmes discutant avec leur rivale près de la fontaine de leur village. Et pourtant personne ne lui est pareil quand il s'agit de m'aimer. Et, malgré cela, je la laisse et je vais où elle ne viendra que dans beaucoup de temps. Pour elle ce n'est pas le commandement que je vous donne à vous: "Sanctifiez-vous année par année, mois par mois, jour par jour, heure par heure, pour pouvoir venir à Moi quand ce sera votre heure". En elle est toute grâce et toute sainteté. C'est la créature qui a tout eu et qui a tout donné. Il n'y a rien à ajouter ni à enlever. C'est le très saint témoignage de ce que peut Dieu. Mais pour être certain qu'il y a en vous la capacité de pouvoir me rejoindre, et d'oublier la douleur du deuil de la séparation de votre Jésus, je vous donne un commandement nouveau. Et c'est que vous vous aimiez les uns les autres. Comme je vous ai aimés, de même aimez-vous l'un l'autre. C'est par cela que l'on saura que vous êtes mes disciples. Quand un père a de nombreux fils, par quoi reconnaît-on qu'ils sont tels? Pas tellement par l'aspect physique - car il y a des hommes qui sont semblables à un autre homme avec lequel ils n'ont aucun rapport de sang ni non plus de nation -mais par l'amour commun pour la famille, pour leur père, et entre eux. Et le père une fois mort, la bonne famille ne se désagrège pas, parce qu'il y a un même sang et que c'est toujours celui qui vient de la semence du père, et il noue des liens que la mort elle-même ne délie pas parce que l'amour est plus fort que la mort. Or, si vous vous aimez même après que je vous aurai quittés, tous reconnaîtront que vous êtes mes fils et par conséquent mes disciples et que vous êtes frères entre vous, ayant eu un seul père.” “Seigneur Jésus, mais où vas-tu?” demande Pierre. “Je vais où, pour le moment, tu ne peux me suivre. Mais plus tard tu me suivras.” “Et pourquoi pas maintenant? Je t'ai toujours suivi depuis que tu m'as dit: "Suis-moi". J'ai tout quitté sans regret… Or, si tu t'en allais sans ton pauvre Simon, en me laissant sans Toi, mon Tout, alors que pour Toi j'ai quitté le peu de bien que j'avais, ce ne serait pas juste ni beau de ta part. Tu vas à la mort? C'est bien. Mais moi aussi je viens. Allons ensemble dans l'autre monde. Mais auparavant je t'aurai défendu. Je suis prêt à donner ma vie pour Toi.” “Tu donneras ta vie pour Moi? Maintenant? Maintenant non. En vérité, oh! c'est en vérité que je te le dis: le coq n'aura pas encore chanté que tu m'auras renié trois fois. Maintenant c'est encore la première veille. Puis viendra la seconde… et puis la troisième. Avant que résonne le chant du coq tu auras par trois fois renié ton Seigneur.” “Impossible, Maître ! Je crois à tout ce que tu dis, mais pas à cela. Je suis sûr de moi.” “Maintenant, pour l'instant tu es sûr, mais c'est parce que tu m'as encore. Tu as Dieu avec toi. D'ici peu le Dieu Incarné sera pris et vous ne l'aurez plus. Et Satan, après vous avoir déjà appesantis - ton assurance elle-même est une ruse de Satan, un poids pour t'appesantir - vous effraiera. Il vous insinuera: "Dieu n'existe pas. Moi j'existe". Et pourtant, bien que votre esprit sera aveuglé par l'épouvante, vous raisonnerez encore, et vous comprendrez que quand Satan est le maître du moment, le Bien est mort et le Mal agissant, l'esprit abattu et l'humain triomphant. Alors vous resterez comme des guerriers sans chef, poursuivis par l'ennemi, et dans votre frayeur de vaincus vous courberez l'échine devant le vainqueur, et pour n'être pas tués vous renierez le héros tombé - Mais, je vous en prie, que votre cœur ne se trouble pas. Croyez en Dieu, et croyez aussi en Moi. Croyez en Moi, contre toutes les apparences. Qu'il croie dans ma miséricorde et dans celle du Père aussi bien celui qui reste que celui qui fuit. Aussi bien celui qui se tait que celui qui ouvrira la bouche pour dire: "Je ne le connais pas". Croyez également dans mon pardon. Et croyez que quelles que soient dans l'avenir vos actions, dans le Bien et dans ma Doctrine, dans mon Église par conséquent, elles vous donneront une même place dans le Ciel. Dans la maison de mon Père il y a beaucoup de demeures. S'il n'en était pas ainsi, je vous l'aurais dit. Car je vais en avant, vous préparer une place pour vous. N'agissent-ils pas ainsi les bons pères quand ils doivent amener ailleurs leur petite famille? Ils vont à l'avance préparer la maison, le mobilier, les provisions, et puis ils viennent prendre leurs enfants les plus chers. Ils agissent ainsi par amour, pour que rien ne manque aux petits et qu'ils ne souffrent pas dans le nouveau village. J'agis de même et pour le même motif. Maintenant je m'en vais. Et quand j'aurai préparé une place pour chacun dans la Jérusalem céleste, je viendrai de nouveau, je vous prendrai avec Moi pour que vous soyez avec Moi où je suis, où il n'y aura ni mort, ni deuil, ni larmes, ni cris, ni faim, ni douleur, ni ténèbres, ni feu, mais seulement lumière, paix, béatitude et chant. Oh! chant des Cieux très hauts quand les douze élus seront sur les trônes avec les douze patriarches des douze tribus d'Israël, et chanteront dans l'ardeur du feu de l'amour spirituel, dressés sur la mer des béatitudes, le cantique éternel qui aura pour arpège l'éternel alléluia de l'armée angélique… Je veux que vous soyez là où je serai. Et vous savez où je vais et vous en connaissez le chemin.” “Mais, Seigneur! Nous ne savons rien. Tu ne nous dis pas où tu vas. Comment pouvons-nous savoir le chemin à prendre pour venir vers Toi et pour abréger l'attente?” dit Thomas. “Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie. Vous me l'avez entendu dire et expliquer plusieurs fois et, en vérité certains, qui ne savaient même pas qu'il existe un Dieu, se sont avancés sur le chemin, sur mon chemin et ont déjà de l'avance sur vous. Oh! où es-tu, brebis perdue de Dieu que j'ai ramenée au bercail? Où es-tu, toi dont l'âme est ressuscitée?” “Qui? De qui parles-tu? De Marie de Lazare? Elle est à côté, avec ta Mère. Tu la veux? Ou bien tu veux Jeanne? Certainement elle est dans son palais, mais si tu veux, nous allons l'appeler…” “Non. Pas elles… Je pense à celle qui ne sera dévoilée que dans le Ciel… et à Fotinaï… Elles m'ont trouvé et n'ont plus quitté mon chemin. À l'une j'ai indiqué le Père comme Dieu vrai et l'Esprit comme lévite dans cette adoration individuelle. À l'autre, qui ne savait même pas qu'elle avait un esprit, j'ai dit: "Mon nom est Sauveur. Je sauve celui qui a bonne volonté de se sauver. Je suis Celui qui cherche ceux qui sont perdus pour leur donner la Vie, la Vérité et la Pureté. Qui me cherche me trouve". Et toutes deux ont trouvé Dieu… Je vous bénis. Eves faibles devenues plus fortes que Judith… Je viens, où vous êtes je viens… Vous me consolez… Soyez bénies!…” “Montre-nous le Père, Seigneur, et nous serons pareilles à elles” dit Philippe. “Depuis si longtemps je suis avec vous, et toi, Philippe, tu ne m'as pas encore connu? Qui me voit mon Père. Comment donc peux-tu dire: "Montre-nous le Père"? Tu n'arrives pas à croire que je suis dans le Père et le Père est en Moi? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de Moi-même. Mais le Père qui demeure en Moi accomplit toutes mes œuvres, et vous ne croyez pas que je suis dans le Père et Lui est en Moi? Que dois-je dire pour vous faire croire? Mais si vous ne croyez pas aux paroles, croyez au moins aux œuvres. Je vous dis et je vous le dis avec vérité: celui qui croit en Moi fera les œuvres que je fais, et en fera encore de plus grandes, parce que je vais au Père. Et tout ce que vous demanderez au Père en mon nom je le ferai pour que le Père soit glorifié en son Fils. Et je ferai ce que vous me demanderez au nom de mon Nom. Mon Nom est connu, pour ce qu'il est réellement, à Moi seul, au Père qui m'a engendré et à l'Esprit qui procède de notre amour. Et par ce Nom tout est possible. Qui pense, à mon Nom avec amour m'aime, et obtient. Mais il ne suffit pas de m'aimer. Il faut observer mes commandements pour avoir le véritable amour. Ce sont les œuvres qui témoignent des sentiments, et au nom de cet amour, je prierai le Père, et Lui vous donnera un autre Consolateur pour qu'Il reste pour toujours avec vous. Quelqu'un que Satan et le monde ne peuvent atteindre, l'Esprit de Vérité que le monde ne peut recevoir et ne peut frapper, car il ne le voit pas et ne le connaît pas. Il s'en moquera. Mais Lui est si élevé que le mépris ne pourra l'atteindre alors que, compatissant au-delà de toute mesure, Il sera toujours avec celui qui l'aime, même s'il est pauvre et faible. Vous le connaîtrez car Il demeure déjà avec vous et bientôt sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins. Je vous l'ai déjà dit: "Je reviendrai à vous". Mais je viendrai avant que ce soit l'heure de venir vous prendre pour aller dans mon Royaume. Je viendrai à vous. D'ici peu, le monde ne me verra plus. Mais vous me voyez et vous me verrez parce que je vis et vous vivez, parce que je vivrai et vous aussi vivrez. Ce jour-là, vous saurez que je suis en mon Père, et vous en Moi, et Moi en vous. En effet, celui qui accueille mes préceptes et les observe, celui-là m'aime, et celui qui m'aime sera aimé de mon Père et il possédera Dieu car Dieu est charité et celui qui aime a Dieu en lui. Et je l'aimerai car en lui je verrai Dieu, et je me manifesterai à lui en me faisant connaître dans les secrets de mon amour, de ma sagesse, de ma Divinité Incarnée. Ce seront mes retours parmi les fils de l'homme que j'aime bien qu'ils soient faibles et même ennemis. Mais ceux-ci seront seulement faibles. Et je les fortifierai et je leur dirai: "Lève-toi!", je dirai: "Viens dehors!", je dirai: "Suis-moi", je dirai: "Écoute", je dirai: "Écris"… et vous êtes parmi ceux-ci.” “Pourquoi, Seigneur, te manifestes-tu à nous et pas au monde?” demande Jude Thaddée. “Parce que vous m'aimez et observez mes paroles. Celui qui agira ainsi sera aimé de mon Père et Nous viendrons à lui et Nous établirons notre demeure chez lui, en lui. Alors que celui qui ne m'aime pas n'observe pas mes paroles et agit selon la chair et le monde. Maintenant sachez que ce que je vous ai dit n'est pas parole de Jésus de Nazareth, mais parole du Père parce que Je suis le Verbe du Père qui m'a envoyé. Je vous ai dit ces choses en parlant ainsi, avec vous, parce que je veux vous préparer Moi-même à la possession complète de la Vérité et de la Sagesse. Mais vous ne pouvez encore comprendre et vous souvenir. Pourtant, quand viendra à vous le Consolateur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, alors vous pourrez comprendre et Lui vous enseignera tout et vous rappellera ce que je vous ai dit. Je vous laisse ma paix. Je vous donne ma paix. Je vous la donne non comme la donne le monde, ni même comme jusqu'à présent je vous l'ai donnée: le salut béni du Béni à ceux qui sont bénis. Plus profonde est la Paix que maintenant je vous donne. En cet adieu, je vous communique Moi-même, mon Esprit de paix, comme je vous ai communiqué mon Corps et mon Sang, pour qu'en vous reste une force dans la bataille imminente. Satan et le monde vont déchaîner la guerre contre votre Jésus. C'est leur heure. Ayez en vous la Paix, mon Esprit qui est un esprit de paix, car je suis le Roi de la Paix. Ayez-la pour ne pas être trop abandonnés. Celui qui souffre avec la paix de Dieu en lui, souffre mais sans blasphème et sans désespoir. Ne pleurez pas. Vous avez bien entendu que j'ai dit: "Je vais au Père et puis je reviendrai". Si vous m'aimiez au-delà de la chair vous vous réjouiriez, car je vais au Père après un si long exil… Je vais vers Celui qui est plus grand que Moi et qui m'aime. Je vous l'ai dit maintenant, avant que cela s'accomplisse, comme je vous ai dit toutes les souffrances du Rédempteur avant d'aller vers elles afin que, quand tout sera accompli, vous croyiez toujours plus en Moi. Ne vous troublez pas ainsi! Ne vous effrayez pas. Votre cœur a besoin d'équilibre… Je n'ai plus que peu à vous parler… et j'ai encore tant à dire! Arrivé au terme de mon évangélisation, il me semble n'avoir encore rien dit et tant, tant, tant il reste encore à faire. Votre état augmente cette sensation. Et que dirai-je, alors? Que j'ai manqué à mon devoir? Ou que vous êtes si durs de cœur que cela n'a servi à rien? Vais-je douter? Non. Je me fie à Dieu et je vous confie à Lui vous, mes bien-aimés. Lui accomplira l'œuvre de son Verbe. Je ne suis pas comme un père qui meurt et n'a d'autre lumière que l'humaine. J'espère en Dieu., Et même en sentant en Moi se presser tous les conseils dont je vois que vous avez besoin et en voyant fuir le temps, je vais tranquille vers mon sort. Je sais que sur les semences tombées en vous, va descendre une rosée qui les fera toutes germer, et puis viendra le soleil du Paraclet, et elles deviendront un arbre puissant. Il va venir le prince de ce monde, avec qui je n'ai rien à faire. Et, si ce n'avait été dans un but de rédemption, il n'aurait rien pu sur Moi. Mais cela arrive afin que le monde sache que j'aime le Père et que je l'aime jusqu'à l'obéissance qui me soumet à la mort et que je fais ce qu'Il m'a ordonné. C'est l'heure de partir. Levez-vous, et écoutez les ultimes paroles. Je suis la vraie Vigne et c'est mon Père qui la cultive. Tout sarment qui ne porte pas de fruit Lui le coupe et celui qui porte du fruit Il le taille pour qu'il en porte encore plus. Vous êtes déjà purifiés par ma parole. Demeurez en Moi et Moi en vous pour continuer à être tels. Le sarment détaché de la vigne ne peut faire de fruit. Il en est ainsi pour vous si vous ne restez pas en Moi. Je suis la Vigne et vous les sarments. Celui qui reste uni à Moi porte des fruits abondants. Mais si l'un se détache, il devient un rameau sec que l'on jette au feu et que l'on brûle, car sans l'union avec Moi, vous ne pouvez rien faire. Restez donc en Moi, et que mes paroles restent en vous, puis demandez ce que vous voulez et cela vous sera fait. Mon Père sera toujours d'autant plus glorifié que vous porterez davantage de fruit et que vous serez davantage mes disciples. Comme le Père m'a aimé, il en est de même pour Moi avec vous. Demeurez dans mon amour qui sauve. En m'aimant vous serez obéissants, et l'obéissance fait croître l'amour réciproque. Ne dites pas que je me répète. Je connais votre faiblesse, et je veux que vous vous sauviez. Je vous ai dit ces choses pour que la joie que j'ai voulu vous donner soit en vous et soit complète. Aimez-vous, aimez-vous! C'est mon nouveau commandement. Aimez-vous réciproquement plus que chacun de vous ne s'aime lui-même. Il n'y a pas de plus grand amour que celui de qui donne sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis et Moi, je donne ma vie pour vous. Faites ce que je vous enseigne et commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître, alors que vous, vous savez ce que je fais. Vous savez tout de Moi. Je vous ai manifesté non seulement Moi-même, mais aussi le Père et le Paraclet, et tout ce que j'ai entendu de Dieu. Ce n'est pas vous qui vous êtes choisis. Mais c'est Moi qui vous ai choisis et je vous ai élus pour que vous alliez parmi les peuples et que vous fassiez du fruit en vous et dans les cœurs de ceux qui seront évangélisés, et que votre fruit demeure, et que le Père vous donne tout ce que vous demanderez en mon nom. Ne dites pas: "Et alors si tu nous as choisis, pourquoi as-tu choisi un traître? Si tu connais tout, pourquoi as-tu fait cela?" Ne vous demandez pas non plus qui est celui-là. Ce n'est pas un homme, c'est Satan. Je l'ai dit à l'ami fidèle et je l'ai laissé dire par le fils aimé. C'est Satan. Si Satan ne s'était pas incarné, l'éternel singe de Dieu, en une chair mortelle, ce possédé n'aurait pas pu se soustraire à mon pouvoir de Jésus. J'ai dit: "possédé". Non. Il est beaucoup plus: il est anéanti en Satan.” “Pourquoi, Toi qui as chassé les démons, ne l'as-tu pas délivré?” demande Jacques d'Alphée. “Le demandes-tu par amour pour toi, craignant de l'être? Ne le crains pas.” “Moi alors?” “Moi?” “Moi?” “Taisez-vous. Je ne dis pas ce nom. J'use de miséricorde, et vous, faites la même chose.” “Mais pourquoi ne l'as-tu pas vaincu? Tu ne le pouvais pas?” “Je le pouvais. Mais pour empêcher Satan de s'incarner pour me tuer, j'aurais dû exterminer la race humaine avant la Rédemption. Qu'aurais-je racheté alors?” “Dis-le-moi, Seigneur, dis-le-moi!” Pierre s'est glissé à genoux et secoue Jésus avec frénésie, comme s'il était en proie au délire. “Est-ce moi? Est-ce moi? Je m'examine? Il ne me semble pas. Mais Toi… Tu as dit que je te renierai… Et je tremble… Oh! quelle horreur si c'était moi!…” “Non, Simon de Jonas, pas toi.” “Pourquoi m'as-tu enlevé mon nom de "Pierre"? Je suis donc redevenu Simon? Tu le vois? Tu le dis!… C'est moi! Mais comment ai-je pu? Dites-le… dites-le vous… Quand est-ce que j'ai pu devenir traître?… Simon?… Jean?… Mais parlez!…” “Pierre, Pierre, Pierre! Je t'appelle Simon parce que je pense à notre première rencontre quand tu étais Simon. Et je pense comment tu as toujours été loyal dès le premier moment. Ce n'est pas toi. Je te le dis Moi: Vérité.” “Qui alors?” “Mais c'est Judas de Kériot! Tu ne l'as pas encore compris?” crie le Thaddée qui n'arrive plus à se contenir. “Pourquoi ne me l'as-tu pas dit avant? Pourquoi?” crie aussi Pierre. “Silence. C'est Satan. Il n'a pas d'autre nom. Où vas-tu, Pierre?” “Le chercher.” “Dépose tout de suite ce manteau et cette arme. Ou bien je dois te chasser et te maudire?” “Non, non! Oh! mon Seigneur! Mais moi… mais moi… Je suis peut-être malade de délire, moi? Oh! Oh!” Pierre pleure après s'être jeté par terre aux pieds de Jésus. “Je vous donne le commandement de vous aimer et de pardonner. Avez-vous compris? Si dans le monde il y a aussi la haine, qu'en vous il n'y ait que l'amour. Pour tous. Combien de traîtres vous trouverez sur votre route! Mais vous ne devez pas haïr et rendre le mal pour le mal. Autrement le Père vous haïra. Avant vous, j'ai été haï et trahi, Moi. Et pourtant, vous le voyez, je ne hais pas. Le monde ne peut aimer ce qui n'est pas comme lui. Il ne vous aimera donc pas. Si vous lui apparteniez il vous aimerait, mais vous n'êtes pas du monde, car je vous ai pris du milieu du monde, et c'est pour cela que vous êtes haïs. Je vous ai dit: le serviteur n'est pas plus que le maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi. S'ils m'ont écouté, ils vous écouteront vous aussi. Mais ils feront tout à cause de mon nom parce qu'ils ne connaissent pas, ne veulent pas connaître Celui qui m'a envoyé. Si je n'étais pas venu et si je n'avais pas parlé, ils ne seraient pas coupables, mais maintenant leur péché est sans excuse. Ils ont vu mes œuvres, entendu mes paroles, et pourtant ils m'ont haï, et avec Moi le Père, parce que le Père et Moi, nous sommes une seule Unité avec l'Amour. Mais il était écrit: "Tu m'as haï sans raison". Cependant quand sera venu le Consolateur, l'Esprit de vérité qui procède du Père, ce sera Lui qui rendra témoignage de Moi, et vous aussi, vous me rendrez témoignage parce que dès le début vous avez été avec Moi. Ceci je vous le dis pour que, quand ce sera l'heure, vous ne soyez pas abattus et scandalisés. Il va venir le temps où ils vous chasseront des synagogues et où celui qui vous tuera pensera rendre ainsi un culte à Dieu. Ils n'ont connu ni le Père ni Moi. C'est là leur excuse. Je ne vous ai pas dit ces choses en les développant autant avant maintenant, parce que vous étiez comme des enfants à peine nés. Mais maintenant la mère vous quitte. Je m'en vais. Vous devez vous accoutumer à une autre nourriture. Je veux que vous la connaissiez. Personne ne me demande plus: "Où vas-tu?" La tristesse vous rend muets. Et pourtant, c'est un bien pour vous aussi que je m'en aille, autrement le Consolateur ne viendra pas. C'est Moi qui vous l'enverrai. Et quand Il sera venu, par le moyen de la sagesse et de la parole, les œuvres et l'héroïsme qu'Il versera en vous, Il convaincra le monde de son péché déicide et de la justice de ma sainteté. Et le monde sera nettement divisé en réprouvés, ennemis de Dieu, et en croyants. Ces derniers seront plus ou moins saints, selon leur volonté. Mais le jugement du prince du monde et de ses serviteurs sera fait. Je ne puis vous en dire davantage car vous ne pouvez encore comprendre. Mais Lui, le Divin Paraclet, vous donnera la Vérité entière car Il ne parlera pas de Lui-même, mais Il dira tout ce qu'Il aura entendu de l'esprit de Dieu et Il vous annoncera l'avenir. Il prendra ce qui vient de Moi, c'est-à-dire de ce qui encore appartient au Père, et vous le dira. Encore un peu de temps pour se voir, ensuite vous ne me verrez plus. Et ensuite encore un peu de temps, et puis vous me verrez. Vous murmurez entre vous et dans votre cœur. Écoutez une parabole. La dernière de votre Maître. Quand une femme a conçu et arrive à l'heure de l'enfantement, elle est dans une grande affliction car elle souffre et gémit. Mais quand son petit enfant est venu au jour, et qu'elle le serre sur son cœur, toute peine cesse et la tristesse se change en joie parce qu'un homme est venu au monde. Ainsi pour vous. Vous pleurerez et le monde rira de vous, mais ensuite votre tristesse se changera en joie. Une joie que le monde ne connaîtra jamais. Vous êtes tristes maintenant, mais quand vous me reverrez, votre cœur deviendra plein d'une joie que personne n'aura plus le pouvoir de vous ravir. Une joie tellement pleine qu'elle estompera tout besoin de demander à la fois pour l'esprit et pour le cœur et pour la chair. Vous vous repaîtrez seulement de ma vue, oubliant toute autre chose. Mais justement, à partir de ce moment-là vous pourrez tout demander en mon nom, et cela vous sera donné par le Père pour que vous ayez toujours plus de joie. Demandez, demandez. Et vous recevrez. L'heure vient où je pourrai vous parler ouvertement du Père. Ce sera parce que vous aurez été fidèles dans l'épreuve et tout sera surmonté. Votre amour sera parfait du fait qu'il vous aura donné la force dans l'épreuve. Et ce qui vous manquera, je vous l'ajouterai en le prenant de mon immense trésor et en disant: "Père, tu le vois. Ils m'ont aimé en croyant que je suis venu de Toi". Descendu dans le monde, maintenant je le quitte et je vais au Père, et je prierai pour vous.” “Oh! maintenant, tu t'expliques. Maintenant nous savons ce que tu veux dire et que tu sais tout et que tu réponds sans que personne t'interroge. Vraiment tu viens de Dieu!” “Vous croyez maintenant? À la dernière heure? Cela fait trois ans que je vous parle! Mais déjà en vous opère le Pain qui est Dieu et le Vin qui est Sang qui n'est pas venu de l'homme et vous donne le premier frisson de la déification. Vous deviendrez des dieux si vous persévérez dans mon amour et dans ma possession. Non pas comme l'a dit Satan à Adam et Eve, mais comme je vous le dis. C'est le vrai fruit de l'arbre du Bien et de la Vie. Le Mal est vaincu en qui s'en nourrit, et la Mort est morte. Qui en mange vivra éternellement et deviendra "dieu" dans le Royaume de Dieu. Vous serez des dieux si vous restez en Moi. Et pourtant voilà… bien qu'ayant en vous ce Pain et ce Sang, puisque arrive l'heure où vous serez dispersés, vous vous en irez pour votre compte et vous me laisserez seul… Mais je ne suis pas seul. J'ai le Père avec Moi. Père, Père! Ne m'abandonne pas! Je vous ai tout dit… Pour vous donner la paix, ma paix. Vous serez encore opprimés. Mais ayez foi. J'ai vaincu le monde.” Jésus se lève, ouvre les bras en croix et dit avec un visage lumineux la sublime prière au Père. Jean la rapporte intégralement. Les apôtres pleurent plus ou moins ouvertement et bruyamment. Pour finir, ils chantent un hymne. Jésus les bénit, puis il ordonne: “Mettons nos manteaux maintenant et partons. André, dis au chef de maison de laisser tout ainsi, par ma volonté. Demain… cela vous fera plaisir de revoir ce lieu.” Jésus le regarde. Il paraît bénir les murs, le mobilier, tout. Puis il prend son manteau et s'éloigne, suivi des disciples. Près de Lui se trouve Jean auquel il s'appuie. “Tu ne salues pas la Mère?” Lui demande le fils de Zébédée. “Non. Tout est déjà fait. Ne faites pas de bruit.” Simon, qui a allumé une torche à la lampe, éclaire le vaste corridor qui va à la porte. Pierre ouvre avec précaution le portail et ils sortent tous sur le chemin et puis, faisant jouer une clef, ils ferment du dehors et ils se mettent en route.
Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie http://www.mariavaltorta.com/

Dimanche 26 mars 2023 - Cinquième dimanche de Carême

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 11,1-45.
Un homme était tombé malade. C"était Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de sa soeur Marthe. (Marie est celle qui versa du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. Lazare, le malade, était son frère.) Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura pourtant deux jours à l'endroit où il se trouvait ; alors seulement il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs cherchaient à te lapider, et tu retournes là-bas ? » Jésus répondit : « Ne fait-il pas jour pendant douze heures ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu'il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n'est pas en lui. » Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s'est endormi ; mais je m'en vais le tirer de ce sommeil. » Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s'il s'est endormi, il sera sauvé. » Car ils pensaient que Jésus voulait parler du sommeil, tandis qu'il parlait de la mort. Alors il leur dit clairement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n'avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) dit aux autres disciples : « Allons-y nous aussi, pour mourir avec lui ! » Quand Jésus arriva, il trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie était tout près de Jérusalem - à une demi-heure de marche environ - beaucoup de Juifs étaient venus manifester leur sympathie à Marthe et à Marie, dans leur deuil. Lorsque Marthe apprit l'arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait à la maison. Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. Mais je sais que, maintenant encore, Dieu t'accordera tout ce que tu lui demanderas. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu'il ressuscitera au dernier jour, à la résurrection. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ; et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois ; tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. » Ayant dit cela, elle s'en alla appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t'appelle. » Marie, dès qu'elle l'entendit, se leva aussitôt et partit rejoindre Jésus. Il n'était pas encore entré dans le village ; il se trouvait toujours à l'endroit où Marthe l'avait rencontré. Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie, et lui manifestaient leur sympathie, quand ils la virent se lever et sortir si vite, la suivirent, pensant qu'elle allait au tombeau pour y pleurer. Elle arriva à l'endroit où se trouvait Jésus ; dès qu'elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. » Quand il vit qu'elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus fut bouleversé d'une émotion profonde. Il demanda : « Où l'avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Viens voir, Seigneur. » Alors Jésus pleura. Les Juifs se dirent : « Voyez comme il l'aimait ! » Mais certains d'entre eux disaient : « Lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » Jésus, repris par l'émotion, arriva au tombeau. C'était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du mort, lui dit : « Mais, Seigneur, il sent déjà ; voilà quatre jours qu'il est là. » Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l'ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m'as exaucé. Je savais bien, moi, que tu m'exauces toujours ; mais si j'ai parlé, c'est pour cette foule qui est autour de moi, afin qu'ils croient que tu m'as envoyé. » Après cela, il cria d'une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains attachés, le visage enveloppé d'un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » Les nombreux Juifs, qui étaient venus entourer Marie et avaient donc vu ce que faisait Jésus, crurent en lui.
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris 
Correspondance dans "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta
  • Traduction de 2017 : Tome 8, Ch 547, p 433
  • Ancienne traduction :  Tome 8, Ch 7, p 47
  • CD 8, piste 15
  • USB Tome 8, piste 15
(chapitre 8) Jésus vient à Béthanie par Ensémès. Ils doivent avoir fait une marche vraiment fatigante par les sentiers casse-cou des monts Adamin. Les apôtres, essoufflés, ont du mal à suivre Jésus qui va rapidement, comme si l'amour l'emportait sur ses ailes de feu. Jésus sourit radieux alors qu'il marche en avant de tous, la tête droite sous les rayons tièdes du soleil de midi. Avant qu'ils arrivent aux premières maisons de Béthanie, les voit un jeune garçon déchaussé qui va vers la fontaine près du village avec un broc de cuivre vide. Il pousse un cri, met le broc par terre et s'en va en courant, de toute la vitesse de ses petites jambes, vers le village. “Certainement il va prévenir que tu arrives” observe Jude Thaddée après avoir souri comme tous de la résolution… énergique du jeune garçon qui a même abandonné son broc à la merci du premier passant. La petite ville, vue ainsi d'auprès de la fontaine, qui est un peu en haut, paraît tranquille, comme déserte. Seule la fumée grise qui s'élève des cheminées indique que dans les maisons les femmes sont occupées à préparer le repas de midi. Quelque grosse voix d'homme parmi les oliviers et les vergers vastes et silencieux avertit que les hommes sont au travail. Malgré cela Jésus préfère prendre un petit chemin qui passe en arrière du village pour pouvoir arriver chez Lazare sans attirer l'attention des habitants. Ils sont presque à moitié route quand ils entendent derrière eux le jeune garçon de tout à l'heure qui les dépasse en courant et puis s'arrête au milieu de la route pour, pensif, regarder Jésus… “Paix à toi, petit Marc, tu as eu peur de Moi que tu t'es enfui?” demande Jésus en le caressant. “Moi, non, Seigneur, je n'ai pas eu peur. Mais comme pendant plusieurs jours Marthe et Marie ont envoyé des serviteurs sur les routes qui viennent ici pour voir si tu venais, maintenant que je t'ai vu, je suis accouru pour dire que tu venais…” “Tu as bien fait. Les sœurs vont préparer leurs cœurs à me voir.” “Non, Seigneur. Les sœurs ne vont rien se préparer car elles ne savent rien. Ils n'ont pas voulu que je le dise. Ils m'ont pris quand j'ai dit, en entrant dans le jardin: "Il y a le Rabbi", et ils m'ont chassé dehors en disant: "Tu es un menteur ou un sot. Lui désormais ne vient plus car il est certain désormais qu'il ne peut pas faire le miracle". Et comme je disais que c'était bien Toi, ils m'ont donné deux gifles comme je n'en avais encore jamais reçues… Regarde ici mes joues rouges. Elles me brûlent! Et ils m'ont poussé dehors en disant: "Cela pour te purifier d'avoir regardé un démon". Et je te regardais pour voir si tu étais devenu un démon. Mais je ne le vois pas. Tu es toujours mon Jésus beau comme les anges dont parle maman.” Jésus se penche pour baiser ses petites joues souffletées en disant: “Ainsi va passer la démangeaison. Je suis peiné que tu aies souffert pour Moi…” “Moi, non, Seigneur, car ces gifles m'ont valu deux baisers de Toi” et il s'attache en en espérant d'autres. “Dis un peu, Marc, qui t'a chassé? Ceux de Lazare?” demande le Thaddée. “Non. Les juifs. Ils viennent pour le deuil tous les jours. Il y en a tant! Ils sont dans la maison et dans le jardin. Ils viennent tôt, et s'en vont tard. Ils semblent les maîtres. Ils maltraitent tout le monde. Tu vois qu'il n'y a personne dans les rues? Les premiers jours, on venait pourvoir… mais ensuite… Maintenant il n'y a que nous les enfants qui tourniquons pour… Oh! mon broc! Maman qui attend l'eau… Elle va me battre elle aussi!…” Tous sourient de sa désolation devant la perspective d'autres claques et Jésus lui dit: “Va vite alors…” “C'est que… je voulais entrer avec Toi et te voir faire le miracle…” et il termine. “… et voir leurs figures… pour me venger des gifles…” “Cela non. Tu ne dois pas désirer la vengeance. Tu dois être bon et pardonner… Mais ta mère attend l'eau…” “Moi, j'y vais, Maître. Je sais où habite Marc. J'expliquerai à la femme et je te rejoindrai…” dit Jacques de Zébédée. Et il s'en va en courant. Ils se remettent en marche lentement et Jésus tient par la main l'enfant ravi… Les voilà à la grille du jardin. Ils la suivent. De nombreuses montures y sont attachées, surveillées par les serviteurs de chaque propriétaire. Le chuchotement qui vient d'eux attire l'attention de quelques juifs qui se tournent vers le portail ouvert, juste au moment où Jésus pose le pied à la limite du jardin. “Le Maître!” disent les premiers qui le voient, et ce mot court comme le bruissement du vent d'un groupe à l'autre, se propage, s'en va, comme une vague venue de loin et qui se brise sur la rive, jusque contre les murs de la maison et y pénètre, apporté certainement par de nombreux juifs présents ou par quelques pharisiens, rabbi ou scribe ou sadducéen, répandus çà et là. Jésus y entre très lentement alors que tous, tout en accourant de tous côtés, s'écartent du sentier où il marche. Et comme personne ne le salue, Lui ne salue personne comme s'il ne connaissait même pas un grand nombre de ceux qui sont rassemblés là pour le regarder la colère et la haine dans les yeux, sauf un petit nombre qui sont secrètement ses disciples ou qui du moins ont le cœur droit et qui, s'ils ne l'aiment pas comme disciples, le respectent comme juste. De ce nombre sont Joseph, Nicodème, Jean, Eléazar, un autre Jean scribe, vu à la multiplication des pains, et encore un autre Jean, qui rassasia les gens à la descente de la montagne des béatitudes, Gamaliel avec son fils, Josué, Joachim, Manaën, le scribe Joël d'Abia, rencontré au Jourdain dans l'épisode de Sabéa, Joseph Barnabé disciple de Gamaliel, Chouza qui regarde Jésus de loin, un peu intimidé de le revoir après sa méprise, ou peut-être retenu par le respect humain et n'osant pas s'avancer comme ami. Il est certain qu'il n'est salué ni par les amis, ni par ceux qui l'observent sans rancœur, ni par ses ennemis, et Jésus ne salue pas. Il a seulement fait une vague inclination en mettant le pied dans l'allée. Puis il a continué tout droit comme s'il était étranger à la foule nombreuse qui l'entoure. Le jeune garçon marche toujours à son côté, dans ses vêtements de petit paysan, avec ses pieds nus d'enfant pauvre, mais le visage lumineux de quelqu'un qui est en fête, avec ses petits yeux noirs, vifs, bien ouverts pour tout voir… et pour défier tout le monde… Marthe sort de la maison au milieu d'un groupe de juifs venus pour rendre visite et parmi lesquels se trouvent Elchias et Sadoc. De sa main elle protège ses yeux las de pleurer, gênés par la lumière, pour voir où est Jésus. Elle le voit. Elle se détache de ceux qui l'accompagnent et court vers Jésus à quelques pas du bassin rendu tout brillant par les rayons du soleil. Elle se jette aux pieds de Jésus après s'être inclinée et elle les baise et, en éclatant en sanglots, elle dit: “Paix à Toi, Maître!” Jésus aussi, dès qu'il l'a vue près de Lui, lui a dit: “Paix à toi!” et il a levé la main pour la bénir, en laissant aller celle de l'enfant que Barthélemy a prise tout en l'attirant un peu en arrière. Marthe poursuit: “Mais il n'y a plus de paix pour ta servante.” Elle lève son visage vers Jésus en restant encore à genoux. Et dans un cri de douleur que l'on entend bien dans le silence qui s'est fait elle s'écrie: “Lazare est mort! Si tu avais été là il ne serait pas mort. Pourquoi n'es-tu pas venu plus tôt, Maître?” Elle a un ton involontaire de reproche en posant cette question. Puis elle revient au ton accablé de quelqu'un qui n'a plus la force de faire des reproches et dont l'unique réconfort est de rappeler les dernières actions et les derniers désirs d'un parent auquel on a cherché à donner ce qu'il désirait et pour qui on n'a pas de remords dans le cœur: “Il t'a tant appelé, Lazare, notre frère!… Maintenant, tu vois! Je suis désolée et Marie pleure sans pouvoir se donner la paix. Et lui n'est plus ici. Tu sais si nous l'aimions! Nous espérions tout de Toi!…” Un murmure de compassion pour la femme et de reproche à l'adresse de Jésus, un assentiment à la pensée sous-entendue: “et tu pouvais nous exaucer car nous. le méritions à cause de l'amour que nous avons pour Toi, et Toi, au contraire, tu nous as déçues” court de groupe en groupe parmi des hochements de tête ou des regards moqueurs. Seuls quelques secrets disciples, disséminés dans la foule ont des regards de compassion pour Jésus qui écoute, très pâle et affligé, la femme désolée qui Lui parle. Gamaliel, les bras croisés dans son ample et riche vêtement de laine très fine, orné de nœuds bleus, un peu à part dans le groupe de jeunes où se trouve son fils et Joseph Barnabé, regarde fixement Jésus, sans haine et sans amour. Marthe, après s'être essuyée le visage, recommence à parler: “Mais même maintenant j'espère car je sais que tout ce que tu demanderas à ton Père, te sera accordé.” Une douloureuse, héroïque profession de foi, dite d'une voix que les larmes font trembler, avec un regard qui tremble d'angoisse, avec l'ultime espérance qui lui tremble dans le cœur. “Ton frère ressuscitera. Lève-toi, Marthe.” Marthe se lève tout en restant courbée en vénération devant Jésus auquel elle répond: “Je le sais, Maître. Il ressuscitera au dernier jour.” “Je suis la Résurrection et la Vie. Quiconque croit en Moi, même s'il est mort, vivra. Et celui qui croit et vit en Moi ne mourra pas éternellement. Crois-tu tout cela?” Jésus, qui d'abord avait parlé d'une voix plutôt basse uniquement à Marthe, élève la voix pour dire ces phrases où il proclame sa puissance de Dieu, et son timbre parfait résonne comme une trompette d'or dans le vaste jardin. Un frémissement presque d'épouvante secoue l'assistance. Mais ensuite certains raillent en secouant la tête. Marthe, à laquelle Jésus semble vouloir transfuser une espérance de plus en plus forte en tenant la main appuyée sur son épaule, lève son visage qu'elle gardait penché. Elle le lève vers Jésus, en fixant ses yeux affligés dans les lumineuses pupilles du Christ et serrant ses mains sur sa poitrine, elle répond avec une angoisse différente: “Oui, Seigneur. Je crois cela. Je crois que tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant, venu dans le monde. Et que tu peux tout ce que tu veux. Je crois. Maintenant, je vais prévenir Marie” et elle s'éloigne rapidement en disparaissant dans la maison. Jésus reste où il était, ou plutôt il fait quelques pas en avant et s'approche du parterre qui entoure le bassin. Le parterre est tout éclairé de ce côté par la fine poussière du jet d'eau qu'un vent léger pousse de ce côté comme un plumet d'argent, et il paraît se perdre, Jésus, dans la contemplation du frétillement des poissons sous le voile de l'eau limpide, dans leurs jeux qui mettent des virgules d'argent et des reflets d'or dans le cristal des eaux frappées par le soleil. Les juifs l'observent. Ils se sont involontairement séparés en groupes bien distincts. D'un côté, en face de Jésus, tous ceux qui Lui sont hostiles, habituellement divisés entre eux par esprit sectaire, maintenant d'accord pour s'opposer à Jésus. À côté de Lui, derrière les apôtres, auxquels s'est réuni Jacques de Zébédée, Joseph, Nicodème et les autres d'esprit bienveillant. Plus loin, Gamaliel, toujours à sa place et avec la même attitude, est seul, car son fils et ses disciples se sont séparés de lui pour se répartir entre les deux groupes principaux pour être plus près de Jésus. Avec son cri habituel: “Rabboni!” Marie sort de la maison en courant, les bras tendus vers Jésus. Elle se jette à ses pieds qu'elle baise en sanglotant. Divers juifs, qui étaient dans la maison avec elle et qui l'ont suivie, unissent à ses pleurs leurs pleurs d'une sincérité douteuse. Maximin aussi, Marcelle, Sara, Noémi ont suivi Marie ainsi que tous ses serviteurs et de fortes lamentations s'élèvent. Je crois que dans la maison il n'est resté personne. Marthe, en voyant pleurer ainsi Marie, redouble elle aussi ses pleurs. “Paix à toi, Marie. Lève-toi! Regarde-moi! Pourquoi ces pleurs semblables à ceux des gens qui n'ont pas d'espérance?” Jésus se penche pour dire doucement ces paroles, ses yeux dans les yeux de Marie qui, restant à genoux, reposant sur ses talons, tend vers Lui ses mains dans un geste d'invocation et ne peut parler tant elle sanglote: “Ne t'ai-je pas dit d'espérer au-delà de ce qui est croyable pour voir la gloire de Dieu? Est-ce que par hasard ton Maître est changé pour que tu aies raison d'être ainsi angoissée?” Mais Marie ne recueille pas les mots qui veulent déjà la préparer à une joie trop forte après tant d'angoisse, et elle crie, finalement maîtresse de sa voix: “Oh! Seigneur! Pourquoi n'es-tu pas venu plus tôt? Pourquoi t'es-tu tellement éloigné de nous? Tu le savais que Lazare était malade! Si tu avais été ici, il ne serait pas mort, mon frère. Pourquoi n'es-tu pas venu? Je devais lui montrer encore que je l'aimais. Il devait vivre. Je devais lui montrer que je persévérais dans le bien. Je l'ai tant angoissé, mon frère! Et maintenant! Maintenant que je pouvais le rendre heureux, il m'a été enlevé! Tu pouvais me le laisser, donner à la pauvre Marie la joie de le consoler après lui avoir donné tant de douleur. Oh! Jésus! Jésus! Mon Maître! Mon Sauveur! Mon espérance!” et elle s'abat de nouveau, le front sur les pieds de Jésus qui se trouvent de nouveau lavés par les pleurs de Marie, et elle gémit: “Pourquoi as-tu fait cela, ô Seigneur?! Même à cause de ceux qui te haïssent et se réjouissent de ce qui arrive… Pourquoi as-tu fait cela, Jésus?!” Mais il n'y a pas de reproche dans le ton de la voix de Marie comme dans celui de Marthe, il y a seulement l'angoisse de quelqu'une, qui outre sa douleur de sœur, a aussi celle d'une disciple qui sent amoindrie dans le cœur d'un grand nombre l'opinion de son Maître. Jésus, très penché pour entendre ces paroles qu'elle murmure la face contre terre, se redresse et dit à haute voix: “Marie, ne pleure pas! Ton Maître aussi souffre de la mort de l'ami fidèle… car il a dû le laisser mourir…” Oh! quelles railleries et quels regards de joie livide il y a sur les visages des ennemis du Christ! Ils le voient vaincu, et s'en réjouissent, alors que les amis deviennent de plus en plus tristes. Jésus dit encore plus fort: “Mais, je te le dis: ne pleure pas. Lève-toi! Regarde-moi! Crois-tu que Moi qui t'ai tant aimée j'ai fait cela sans motif? Peux-tu croire que je t'ai donné cette douleur inutilement? Viens. Allons vers Lazare. Où l'avez-vous mis?” Jésus, plutôt que Marie et Marthe, qui ne parlent pas prises comme elles le sont par des pleurs plus forts, interroge tous les autres, surtout ceux qui, sortis avec Marie de la maison, semblent les plus troublés. Ce sont peut-être des parents plus âgés, je ne sais pas. Et ceux-ci répondent à Jésus, visiblement affligé: “Viens et vois” et ils se dirigent vers l'endroit où se trouve le tombeau à l'extrémité du verger, là où le sol a des ondulations et des veines de roche calcaire qui affleurent à la surface du sol. Marthe, à côté de Jésus qui a forcé Marie à se lever et il la conduit, car elle est aveuglée par ses larmes, montre de la main à Jésus où se trouve Lazare et quand ils sont près de l'endroit elle dit aussi: “C'est ici, Maître, que ton ami est enseveli” et elle indique la pierre posée obliquement à l'entrée du tombeau. Jésus pour s'y rendre, suivi de tout le monde, a dû passer devant Gamaliel. Mais ils ne se sont pas salués. Ensuite Gamaliel s'est uni aux autres en s'arrêtant comme tous les pharisiens les plus rigides à quelques mètres du tombeau, alors que Jésus s'avance tout près avec les sœurs, Maximin et ceux qui sont peut-être des parents. Jésus contemple la lourde pierre qui sert de porte au tombeau et forme un lourd obstacle entre Lui et l'ami éteint, et il pleure. Les larmes des sœurs redoublent et de même celles des intimes et familiers. “Enlevez cette pierre” crie Jésus tout d'un coup, après avoir essuyé ses larmes. Tous ont un geste d'étonnement et un murmure court dans le rassemblement qui a grossi de quelques habitants de Béthanie qui sont entrés dans le jardin et se sont mis à la suite des hôtes. Je vois certains pharisiens qui se touchent le front en secouant la tête comme pour dire: “Il est fou!” Personne n'exécute l'ordre. Même chez les plus fidèles, on éprouve de l'hésitation, de la répugnance à le faire. Jésus répète plus fort son ordre, effrayant encore davantage les gens pris par deux sentiments opposés et qui, après avoir pensé à fuir, s'approchent tout à coup davantage pour voir, défiant la puanteur toute proche du tombeau que Jésus veut faire ouvrir. “Maître, ce n'est pas possible” dit Marthe en s'efforçant de retenir ses pleurs pour parler: “Il y a déjà quatre jours qu'il est là dessous. Et tu sais de quel mal il est mort! Seul notre amour pouvait le soigner… Maintenant la puanteur est certainement plus forte malgré les onguents… Que veux-tu voir? Sa pourriture?… On ne peut pas… même à cause de l'impureté de la corruption et…” “Ne t'ai-je pas dit que si tu crois tu verras la gloire de Dieu? Enlevez cette pierre, je le veux!” C'est un cri de volonté divine… Un “oh!” étouffé sort de toutes les poitrines. Les visages deviennent blêmes, certains tremblent comme s'il était passé sur tous un vent glacial de mort. Marthe fait un signe à Maximin et celui-ci ordonne aux serviteurs de prendre les outils pouvant servir à remuer la lourde pierre. Les serviteurs s'en vont rapidement pour revenir avec des pics et des leviers robustes. Ils travaillent en faisant entrer la pointe brillante des pics entre la roche et la pierre, et ensuite ils remplacent les pics par des leviers robustes et enfin ils soulèvent avec attention la pierre en la faisant glisser d'un côté et en la traînant ensuite avec précaution contre la paroi rocheuse. Une puanteur infecte sort du sombre trou et fait reculer tout le monde. Marthe demande tout bas: “Maître, tu veux y descendre? Si oui, il faut des torches…” mais elle est livide à la pensée qu'il doit le faire. Jésus ne lui répond pas. Il lève les yeux vers le ciel, met ses bras en croix et prie d'une voix très forte, en scandant les mots: “Père! Je te remercie de m'avoir exaucé. Je le savais que Tu m'exauces toujours, mais je le dis pour ceux qui sont présents ici, pour le peuple qui m'entoure, pour qu'ils croient en Toi, en Moi, et que Tu m'as envoyé!” Il reste encore ainsi un moment et il semble ravi en extase tellement il est transfiguré alors que, sans plus émettre aucun son, il dit des paroles secrètes de prière ou d'adoration, je ne sais. Ce que je sais, c'est qu'il a tellement outrepassé l'humain, qu'on ne peut le regarder sans se sentir le cœur trembler dans la poitrine. Il semble devenir lumière en perdant son aspect corporel, se spiritualiser, grandir et même s'élever de terre. Tout en gardant la couleur de ses cheveux, de ses yeux, de sa peau, de ses vêtements, au contraire de ce qui se passa à la transfiguration du Thabor durant laquelle tout devint lumière et éclat éblouissant, il paraît dégager de la lumière et que tout ce qui est de Lui devient lumière. La lumière semble l'entourer d'un halo, en particulier son visage levé vers le ciel, certainement ravi dans la contemplation du Père. Il reste ainsi quelque temps, puis redevient Lui: l'Homme, mais d'une majesté puissante. Il s'avance jusqu'au seuil du tombeau. Il déplace ses bras - que jusqu'à ce moment il avait gardés ouverts en croix, les paumes tournées vers le ciel - en avant, les paumes vers la terre, et par conséquent les mains se trouvent déjà à l'intérieur du tunnel du tombeau, toutes blanches dans ce tunnel obscur. Il plonge le feu bleu de ses yeux, dont l'éclat miraculeux est aujourd'hui insoutenable, dans cette obscurité muette, et d'une voix puissante, avec un cri plus fort que celui par lequel il commanda sur le lac aux vents de tomber, d'une voix que je ne Lui ai jamais entendue dans aucun miracle, il crie: “Lazare! Viens dehors!” L'écho répercute sa voix dans la cavité du tombeau et se répand ensuite à travers tout le jardin, se répercute contre les ondulations du terrain de Béthanie, je crois qu'il s'en va jusqu'aux premiers escarpements au-delà des champs et revient de là, répété et amorti, comme un ordre qui ne peut faillir. Il est certain que de tous les côtés, on entend à nouveau: “dehors! dehors! dehors!” Tous éprouvent un frisson plus intense, et si la curiosité les cloue tous à leurs places, les visages pâlissent et les yeux s'écarquillent alors que les bouches s'entrouvrent involontairement avec déjà dans la gorge le cri de stupeur. Marthe, un peu en arrière et de côté, est comme fascinée en regardant Jésus. Marie tombe à genoux, elle qui ne s'est jamais écartée de son Maître, elle tombe à genoux au bord du tombeau, une main sur sa poitrine pour calmer les palpitations de son cœur, l'autre qui inconsciemment et convulsivement tient un pan du manteau de Jésus, et on se rend compte qu'elle tremble car le manteau a de légères secousses imprimées par la main qui le tient. Quelque chose de blanc semble émerger du plus profond du souterrain. C'est d'abord une petite ligne convexe, puis elle fait place à une forme ovale, puis à l'ovale se substituent des lignes plus amples, plus longues, de plus en plus longues. Et celui qui était mort, serré dans ses bandes, avance lentement, toujours plus visible, fantomatique, impressionnant. Jésus recule, recule, insensiblement, mais continuellement à mesure que Lazare avance. La distance entre les deux reste donc la même. Marie est contrainte de lâcher le pan du manteau, mais elle ne bouge pas de l'endroit où elle est. La joie, l'émotion, tout, la cloue à l'endroit où elle était. Un “oh!” de plus en plus net sort des gorges d'abord fermées par la douleur de l'attente. C'est d'abord un murmure à peine distinct qui se change en voix, et la voix devient un cri puissant. Lazare est désormais au bord du tombeau et il s'arrête là, raide, muet, semblable à une statue de plâtre à peine ébauchée et donc informe, une longue chose, mince à la tête, mince aux jambes, plus large au tronc, macabre comme la mort elle-même, spectrale, dans la blancheur des bandes contre le fond sombre du tombeau. Au soleil qui l'enveloppe, les bandes paraissent çà et là laisser couler la pourriture… Jésus crie d'une voix forte: “Débarrassez-le et laissez-le aller. Donnez-lui des vêtements et de la nourriture.” “Maître!…” dit Marthe, et elle voudrait peut-être en dire davantage, mais Jésus la regarde fixement, la subjuguant de son regard étincelant, et il dit: “Ici! Tout de suite! Tout de suite, apportez un vêtement. Habillez-le en présence de tout le monde et donnez-lui à manger.” Il commande et ne se retourne jamais pour regarder ceux qui sont derrière et autour de Lui. Son œil regarde seulement Lazare, Marie qui est près du ressuscité sans souci de la répulsion que donnent à tous les bandes souillées, et Marthe qui halète comme si son cœur allait éclater et qui ne sait si elle doit crier sa joie ou pleurer… Les serviteurs se hâtent d'exécuter les ordres. Noémi s'en va en courant la première et la première revient avec les vêtements qu'elle tient pliés sur son bras. Quelques-uns délient les lacets des bandelettes après avoir retroussé leurs manches et relevé leurs vêtements pour qu'ils ne touchent pas la pourriture qui coule. Marcelle et Sara reviennent avec des amphores de parfums, suivies de serviteurs les uns avec des bassins et des brocs fumants d'eau chaude, les autres avec des plateaux, des bols pleins de lait, du vin, des fruits, des fouaces recouvertes de miel. Les bandelettes étroites et très longues, de lin, me semble-t-il, avec des lisières des deux côtés, certainement tissées pour cet usage, se déroulent comme des rouleaux de ganse d'une grande bobine et s'entassent sur le sol, alourdies par les aromates et la pourriture. Les serviteurs les écartent en se servant de bâtons. Ils ont commencé par la tête, et là aussi il y a la pourriture qui s'est écoulée du nez, des oreilles, de la bouche. Le suaire placé sur le visage est tout trempé de ces souillures et le visage de Lazare que l'on voit très pâle, squelettique, avec les yeux tenus fermés par des pommades mises dans les orbites, avec les cheveux collés et de même la barbiche du menton, en est tout souillé. Le drap descend lentement, le suaire mis autour du corps, à mesure que les bandelettes descendent, descendent, descendent, libérant le tronc qu'elles avaient comprimé pendant de nombreux jours, et rendant une forme humaine à ce qu'elles avaient d'abord rendu semblable à une grande chrysalide. Les épaules osseuses, les bras squelettiques, les côtes à peine couvertes de peau, le ventre creusé, apparaissent lentement. À mesure que les bandes tombent, les sœurs, Maximin, les serviteurs, s'empressent d'enlever la première couche de crasse et de baume, et s'y appliquent en changeant continuellement l'eau rendue détergente par les aromates qu'on y a mis jusqu'à ce que la peau apparaisse nette. Lorsqu'on a dégagé le visage de Lazare et qu'il peut regarder, il dirige son regard vers Jésus avant même de regarder ses sœurs. Il oublie tout et s'abstrait de tout ce qui arrive pour regarder, avec un sourire d'amour sur ses lèvres pâles et une larme lumineuse au fond des yeux, son Jésus. Jésus aussi lui sourit et a une lueur de larme dans le coin de l'œil, mais sans parler il dirige le regard de Lazare vers le ciel. Lazare comprend et remue les lèvres dans une prière silencieuse. Marthe croit qu'il veut dire quelque chose sans avoir encore de voix et elle demande: “Que me dis-tu, mon Lazare?” “Rien, Marthe. Je remerciais le Très-Haut.” La prononciation est assurée, la voix forte. Les gens poussent de nouveau un “oh!” étonné. Désormais ils l'ont dégagé jusqu'aux hanches, libéré et propre, et ils peuvent le revêtir de la tunique courte, une sorte de chemisette qui dépasse l'aine pour retomber sur les cuisses. On le fait asseoir pour dégager ses jambes et les laver. Quand elles apparaissent, Marthe à Marie poussent un grand cri en montrant les jambes et les bandelettes. Sur les bandelettes qui serraient les jambes, et sur le suaire posé par dessous, les écoulements purulents sont si abondants qu'ils forment des grosses gouttes sur les toiles, mais les jambes visiblement sont tout à fait cicatrisées. Seules les cicatrices rouges-bleuâtres indiquent où elles étaient gangrenées. Tous les gens crient plus fort leur étonnement. Jésus sourit et aussi Lazare qui regarde un instant ses jambes guéries, puis s'abstrait de nouveau pour regarder Jésus. Il semble ne pouvoir se rassasier de le voir. Les juifs, pharisiens, sadducéens, scribes, rabbis, s'approchent avec précaution pour ne pas souiller leurs vêtements. Ils regardent de tout près Lazare, ils regardent de tout près Jésus. Mais ni Lazare ni Jésus ne s'occupent d'eux: ils se regardent et tout le reste est inexistant. Voilà que l'on met les sandales à Lazare. Il se lève, agile, sûr de lui. Il prend le vêtement que Marthe lui présente et l'enfile tout seul, lie sa ceinture, ajuste les plis. Le voilà, maigre et pâle, mais semblable à tout le monde. Il se lave encore les mains et les bras jusqu'aux coudes après avoir retroussé ses manches. Et puis avec une nouvelle eau il se lave de nouveau le visage et la tête, jusqu'à ce qu'il se sente tout à fait net. Il essuie ses cheveux et son visage, rend la serviette au serviteur et va tout droit vers Jésus. Il se prosterne, Lui baise les pieds. Jésus se penche, le relève, le serre contre son cœur en lui disant: “Bien revenu, mon ami. Que la paix soit avec toi et la joie. Vis pour accomplir ton heureuse destinée. Lève ton visage pour que je te donne le baiser de salutation.” Il dépose un baiser sur les joues et Lazare Lui rend son baiser. C'est seulement après avoir vénéré et embrassé le Maître que Lazare parle à ses sœurs et les embrasse, puis il embrasse Maximin et Noémi qui pleurent de joie, et certains autres dont je crois qu'ils lui sont apparentés ou amis très intimes. Puis il embrasse Joseph, Nicodème, Simon le Zélote et quelques autres. Jésus va personnellement trouver un serviteur qui a sur les bras un plateau avec de la nourriture et il prend une fouace avec du miel, une pomme, une coupe de vin et il offre le tout à Lazare, après les avoir offerts et bénits, pour qu'il se restaure. Et Lazare mange avec l'appétit de quelqu'un qui se porte bien. Tout le monde pousse encore un “oh!” d'étonnement. Jésus semble ne voir que Lazare, mais en réalité il observe tout et tout le monde. Voyant qu'avec des gestes de colère Sadoc avec Elchias, Canania, Félix, Doras et Cornelius et d'autres sont sur le point de s'éloigner, il dit à haute voix: “Attends un moment, Sadoc. J'ai un mot à te dire, à toi et aux tiens.” Ils s'arrêtent avec une figure de criminels. Joseph d'Arimathie fait un geste effaré et fait signe au Zélote de retenir Jésus. Mais Lui est déjà en train d'aller vers le groupe haineux, et il dit à haute voix: “Est-ce que cela te suffit, Sadoc, ce que tu as vu? Tu m'as dit un jour que pour croire tu avais besoin, toi et tes pareils, de voir recomposé, en bonne santé, un homme décomposé. Es-tu rassasié de la putréfaction que tu as vue? Es-tu capable de reconnaître que Lazare était mort et que maintenant il est vivant et sain comme il ne l'était pas depuis des années? Je le sais. Vous êtes venus ici pour les tenter, pour mettre en eux plus de douleur et le doute. Vous êtes venus ici pour me chercher, espérant me trouver caché dans la pièce du mourant. Vous êtes venus ici, non par un sentiment d'amour et le désir d'honorer celui qui s'était éteint mais pour vous assurer que Lazare était réellement mort, et vous avez continué de venir, vous réjouissant toujours plus à mesure que le temps passait. Si les choses étaient allées comme vous l'espériez, comme désormais vous croyiez qu'elles iraient, vous auriez eu raison de vous réjouir. L'Ami qui guérit tout le monde, mais ne guérit pas l'ami. Le Maître qui récompense la foi de tout le monde, mais pas celle de ses amis de Béthanie. Le Messie impuissant devant la réalité de la mort. Voilà ce qui vous donnait raison de vous réjouir. Mais voilà: Dieu vous a répondu. Nul prophète n'a jamais pu rassembler ce qui était décomposé, en plus que mort. Dieu l'a fait. Voilà le témoignage vivant de ce que je suis. Il y eut un jour où Dieu prit de la boue, lui donna une forme et y insuffla l'esprit de vie et ce fut l'homme. J'y étais pour dire: "Que l'on fasse l'homme à notre image et à notre ressemblance", car je suis le Verbe du Père. Aujourd'hui, Moi, le Verbe, j'ai dit à ce qui était encore moins que de la boue: à la corruption: "Vis" et la corruption s'est faite de nouveau chair, une chair intègre, vivante, palpitante. La voici qui vous regarde. Et à la chair j'ai réuni l'esprit qui gisait depuis des jours dans le sein d'Abraham. Je l'ai rappelé par ma volonté car je puis tout, Moi, le Vivant, Moi, le Roi des rois auquel sont soumises toutes les créatures et toutes les choses. Maintenant, que me répondez-vous?” Il est devant eux, grand, fulgurant de majesté, vraiment Juge et Dieu. Ils ne répondent pas. Lui insiste: “Ce n'est pas encore assez pour croire, pour accepter l'inéluctable?” “Tu n'as tenu qu'une partie de la promesse. Ce n'est pas le signe de Jonas…” dit brutalement Sadoc. “Vous aurez aussi celui-là. J'ai promis et je tiendrai ma promesse” dit le Seigneur. “Un autre présent ici, attend un autre signe, et il l'aura. Et comme c'est un juste, il l'acceptera. Vous non. Vous resterez ce que vous êtes.” Il fait un demi-tour sur Lui-même et il voit Simon, le synhédriste, fils d'Éli-Anna. Il le fixe, le fixe. Il laisse de côté ceux de tout à l'heure et, arrivé en face de lui, il lui dit, à voix basse mais nette: “C'est heureux pour toi que Lazare ne se rappelle pas son séjour parmi les morts! Qu'as-tu fait de ton père, Caïn?” Simon s'enfuit en poussant un cri de peur qui se change en un hurlement de malédiction: “Sois maudit, Nazaréen!” à laquelle Jésus répond: “Ta malédiction monte vers le Ciel et du Ciel le Très-Haut te la renvoie. Tu es marqué du signe, ô malheureux!” Il revient en arrière, parmi les groupes étonnés, presque effrayés. Il rencontre Gamaliel qui se dirige vers la route. Il le regarde et Gamaliel le regarde. Jésus lui dit sans s'arrêter: “Tiens-toi prêt, ô rabbi. Le signe viendra bientôt. Je ne mens jamais.” Le jardin se vide lentement. Les juifs sont abasourdis, mais la plupart giclent de la colère par tous leurs pores. Si leurs regards pouvaient le réduire en cendres, Jésus serait complètement pulvérisé. Ils parlent, discutent entre eux en s'en allant, si bouleversés maintenant par leur défaite qui ne peuvent plus cacher sous une apparence hypocrite d'amitié le but de leur présence à cet endroit. Ils s'en vont sans saluer ni Lazare ni ses sœurs. Il reste en arrière certains qui ont été conquis au Seigneur par le miracle. Parmi eux se trouve Joseph Barnabé qui se jette à genoux devant Jésus et l'adore. Un autre est le scribe Joël d'Abia qui fait la même chose avant de partir à son tour, et d'autres encore que je ne connais pas mais qui doivent être influents. Pendant ce temps, Lazare, entouré de ses plus intimes, s'est retiré dans la maison. Joseph, Nicodème et les autres bons saluent Jésus et s'en vont. Partent avec de profondes salutations les juifs qui étaient restés auprès de Marthe et Marie. Les serviteurs ferment la grille. La maison redevient tranquille. Jésus regarde autour de Lui. Il voit de la fumée et des flammes au fond du jardin, dans la direction du tombeau. Jésus, seul, debout au milieu d'un sentier, dit: “La putréfaction qui va être annulée par le feu… La putréfaction de la mort… Mais celle des cœurs… de ces cœurs, aucun feu ne l'annulera… Pas même le feu de l'Enfer. Elle sera éternelle… Quelle horreur!… Plus que la mort… Plus que la corruption… Et… Mais qui te sauvera, ô Humanité, si tu aimes tant d'être corrompue! Tu veux être corrompue. Et Moi… Moi j'ai arraché au tombeau un homme par une seule parole… Et avec un flot de paroles… et de douleurs, je ne pourrai arracher au péché l'homme, les hommes, des millions d'hommes.” Il s'assoit et avec ses mains se couvre le visage, accablé… Un serviteur qui passe le voit. Il va à la maison. Peu après Marie sort de la maison. Elle va trouver Jésus, légère comme si elle ne touchait pas le sol. Elle s'approche, Lui dit doucement: “Rabboni, tu es las… Viens, ô mon Seigneur. Tes apôtres fatigués sont allés dans l'autre maison, tous, sauf Simon le Zélote… Tu pleures, Maître? Pourquoi?…” Elle s'agenouille aux pieds de Jésus… l'observe… Jésus la regarde. Il ne répond pas. Il se lève et se dirige vers la maison, suivi de Marie. Ils entrent dans une salle. Lazare n'y est pas, ni non plus le Zélote, mais il y a Marthe, heureuse, transfigurée par la joie. Elle s'adresse à Jésus pour expliquer: “Lazare est allé au bain pour se purifier encore. Oh! Maître! Maître! Que te dire!” Elle l'adore de toute elle-même. Elle remarque la tristesse de Jésus et elle dit: “Tu es triste, Seigneur? Tu n'es pas heureux que Lazare…” Il lui vient un soupçon: “Oh! Tu es réservé avec moi. J'ai péché. C'est vrai.” “Nous avons péché, ma sœur” dit Marie. “Non, pas toi… Oh! Maître. Marie n'a pas péché. Marie a su obéir, moi seule ai désobéi. Je t'ai envoyé appeler, parce que… parce que je ne pouvais plus les entendre insinuer que tu n'étais pas le Messie, le Seigneur… et je pouvais plus le voir souffrir… Lazare te désirait tant. Il t'appelait tant… Pardonne-moi, Jésus.” “Et toi, tu ne parles pas, Marie?” demande Jésus. “Maître… moi… Je n'ai souffert alors que comme femme. Je souffrais parce que… Marthe, jure, jure ici, devant le Maître que jamais, jamais tu ne parleras à Lazare de son délire… Mon Maître… je t'ai connu tout à fait, ô Divine Miséricorde, dans les dernières heures de Lazare. Oh! mon Dieu! Mais comme tu m'as aimée, Toi, Toi qui m'as pardonnée, Toi, Dieu, Toi, Pur, Toi… si mon frère, qui pourtant m'aime, mais qui est homme, seulement homme, au fond de son cœur ne m'a pas tout pardonné?! Non, je m'exprime mal. Il n'a pas oublié mon passé et quand la faiblesse de la mort a émoussé en lui sa bonté que je croyais oublieuse du passé, il a crié sa douleur, son indignation pour moi… Oh!…” Marie pleure… “Ne pleure pas, Marie. Dieu t'a pardonnée et a oublié. L'âme de Lazare aussi a pardonné et a oublié, a voulu oublier. L'homme n'a pas pu tout oublier, et quand la chair a dominé par son dernier spasme la volonté affaiblie, l'homme a parlé.” “Je n'en éprouve pas d'indignation, Seigneur. Cela m'a servi à t'aimer davantage et à aimer encore plus Lazare. Dès lors moi aussi je t'ai désiré, car j'étais trop angoissée de penser que Lazare était mort sans paix à cause de moi… et ensuite, ensuite, quand je t'ai vu méprisé par les juifs… quand j'ai vu que tu ne venais pas même après la mort, pas même après que je t'avais obéi en espérant au-delà de ce qui est croyable, en espérant jusqu'à ce que le tombeau s'ouvre, alors mon esprit aussi a souffert. Seigneur, si j'avais à expier, et certainement je l'avais, j'ai expié, Seigneur…” “Pauvre Marie! Je connais ton cœur. Tu as mérité le miracle et que cela t'affermisse dans ton espérance et ta foi.” “Mon Maître, j'espérerai et je croirai toujours désormais. Je ne douterai plus, jamais plus, Seigneur. Je vivrai de foi. Tu m'as donné la capacité de croire ce qui est incroyable.” “Et toi, Marthe, as-tu appris? Non, pas encore. Tu es ma Marthe mais tu n'es pas encore ma parfaite adoratrice. Pourquoi agis-tu au lieu de contempler? C'est plus saint. Tu vois? Ta force, parce qu'elle était trop tournée vers les choses terrestres, a cédé à la constatation de faits terrestres qui semblent parfois sans remède. En vérité les choses humaines n'ont pas de remède, si Dieu n'intervient pas. La créature, à cause de cela, a besoin de savoir croire et contempler, d'aimer jusqu'au bout des forces de l'homme tout entier, avec sa pensée, son âme, sa chair, son sang, avec toutes les forces de l'homme, je le répète. Je te veux forte, Marthe. Je te veux parfaite. Tu n'as pas su obéir parce que tu n'as pas su croire et espérer complètement, et tu n'as pas su croire et espérer parce que tu n'as pas su aimer totalement. Mais Moi, je t'en absous. Je te pardonne, Marthe. J'ai ressuscité Lazare aujourd'hui. Maintenant je te donne un cœur plus fort. À lui j'ai rendu la vie. À toi, j'infuse la force d'aimer, croire et espérer parfaitement. Maintenant soyez heureuses et en paix. Pardonnez à ceux qui vous ont offensé ces jours-ci…” “Seigneur, en cela j'ai péché. Il y a un instant j'ai dit au vieux Canania qui t'avait méprisé les autres jours: "Qui a triomphé? Toi ou Dieu? Ton mépris ou ma foi? Le Christ est le Vivant et il est la Vérité. Moi, je savais que sa gloire aurait resplendi plus grande, et toi, vieillard, refais ton âme si tu ne veux pas connaître la mort".” “Tu as bien parlé. Mais ne discute pas avec les méchants, Marie. Et pardonne. Pardonne si tu veux m'imiter… Voici Lazare. J'entends sa voix.” En effet Lazare rentre, vêtu à neuf et bien rasé, bien peigné et la chevelure parfumée. Avec lui se trouvent Maximin et le Zélote. “Maître!” Lazare s'agenouille encore pour l'adorer. Jésus lui met la main sur la tête et sourit en disant: “L'épreuve est surmontée, mon ami. Pour toi et pour tes sœurs. Maintenant soyez heureux et forts pour servir le Seigneur. Que te rappelles-tu, ami, du passé? Je veux parler de tes derniers moments?” “Un grand désir de te voir et une grande paix au milieu de l'amour des sœurs.” “Et qu'est-ce qui t'affligeait le plus de quitter en mourant?” “Toi, Seigneur, et mes sœurs. Toi parce que je ne pouvais plus te servir, elles parce qu'elles m'ont donné toute joie…” “Oh! moi, frère!” soupire Marie. “Toi, plus que Marthe. Tu m'as donné Jésus et la mesure de ce qu'est Jésus. Et Jésus t'a donnée à moi. Tu es le don de Dieu, Marie.” “Tu le disais aussi en mourant…” dit Marie et elle étudie le visage de son frère. “Parce que c'est ma constante pensée.” “Mais moi, je t'ai donné tant de douleur…” “La maladie aussi m'a donné de la douleur. Mais, par elle, j'espère avoir expié les fautes du vieux Lazare et d'être ressuscité, purifié pour être digne de Dieu. Toi et moi: tous deux ressuscités pour servir le Seigneur, et Marthe au milieu de nous, elle qui fut toujours la paix de la maison.” “Tu l'entends, Marie? Lazare dit des paroles de sagesse et de vérité. Maintenant je me retire et vous laisse à votre joie…” “Non, Seigneur, reste avec nous. Ici. Reste à Béthanie et dans ma maison. Ce sera beau…” “Je resterai. Je veux te récompenser de tout ce que tu as souffert. Marthe, ne sois pas triste. Marthe pense m'avoir affligé. Mais ma peine n'est pas autant pour vous que pour ceux qui ne veulent pas se racheter. Eux haïssent de plus en plus. Ils ont le venin dans le cœur… Eh bien… pardonnons.” “Pardonnons, Seigneur” dit Lazare avec son doux sourire… et sur cette parole tout prend fin.
Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie http://www.mariavaltorta.com/