"Lisez cette œuvre et faites-la lire"
Jésus (Chapitre 38, Volume 10 ) à propos de
l’Évangile tel qu’il m’a été révélé.

L'Évangile de la Messe Paul VI
et l’Évangile tel qu’il m’a été révélé de Maria Valtorta.
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Dimanche 27 juin 2010, Treizième dimanche du temps ordinaire

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 9,51-62.
Comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem. Il envoya des messagers devant lui ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu'il se dirigeait vers Jérusalem. Devant ce refus, les disciples Jacques et Jean intervinrent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire ? » Mais Jésus se retourna et les interpella vivement. Et ils partirent pour un autre village. En cours de route, un homme dit à Jésus : « Je te suivrai partout où tu iras. » Jésus lui déclara : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l'homme n'a pas d'endroit où reposer la tête. » Il dit à un autre : « Suis-moi. » L'homme répondit : « Permets-moi d'aller d'abord enterrer mon père. » Mais Jésus répliqua : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va annoncer le règne de Dieu. » Un autre encore lui dit : « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d'abord faire mes adieux aux gens de ma maison. » Jésus lui répondit : « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas fait pour le royaume de Dieu. »
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Correspondance dans "l’Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta : Tome 8, Ch 36, p 312 - CD 8, piste 114 -
Tersa est tellement environnée d'oliveraies luxuriantes qu'il faut en être bien proche pour remarquer que la ville est là. Une enceinte de jardins potagers d'une fertilité merveilleuse fait pour les maisons un dernier abri contre le vent. Dans les jardins, la chicorée, les salades, les légumes, les jeunes plantes de cucurbitacées, les arbres fruitiers, les tonnelles, fondent et entrelacent leurs verts de nuances variées. Les fleurs apportent la promesse des fruits et les petits fruits promettent leurs délices. Les petites fleurs de la vigne et celles des oliviers plus précoces pleuvent, au passage d'un petit vent plutôt énergique, et saupoudrent le sol d'une neige blanche verte. De derrière un rideau de roseaux et de saules qui ont poussé près d'un canal desséché mais au fond encore humide, en entendant le bruit des pas de ceux qui arrivent, émergent les huit apôtres envoyés en avant précédemment. Ils sont visiblement inquiets et affligés et font signe de s'arrêter. Ils courent en avant. Quand ils sont assez proches pour qu'on puisse les entendre sans qu'ils aient besoin de crier, ils disent: “En allez-vous! En allez-vous! En arrière, dans la campagne. On ne peut entrer dans la ville. Pour un peu ils nous lapideraient. Écartez-vous, là, dans ce bosquet et nous allons parler…” Ils poussent en arrière dans le fond du canal desséché Jésus, les trois apôtres, le garçon, les femmes, impatients de s'éloigner sans être vus, et ils disent: “Qu'on ne nous voie pas ici. Partons! Partons!” Inutilement Jésus, Jude et les deux fils de Zébédée cherchent à savoir ce qui est arrivé. Inutilement ils disent: “Mais Judas de Simon? Mais Élise?” Les huit ne veulent rien entendre. Marchant dans le fouillis des tiges et des plantes aquatiques, les pieds lacérés par les joncs, frappés au visage par les saules et les roseaux, glissant sur la vase du fond, s'accrochant aux herbes, s'appuyant aux bords, se couvrant de boue, ils s'éloignent ainsi, poussés par derrière par les huit qui marchent avec la tête presque tournée pour voir si de Tersa il sort quelqu'un à leur poursuite. Mais sur la route il n'y a que le soleil qui commence le crépuscule, et un chien maigre qui erre. Finalement ils sont près d'un fourré de ronces qui sert de limite à une propriété. Derrière le fourré, un champ de lin dont le vent fait onduler les hautes tiges qui commencent à sortir leurs fleurs de couleur bleu ciel. “Là, là-dedans. En restant assis, personne ne nous verra, et à la tombée de la nuit nous partirons…” dit Pierre en essuyant sa sueur…” “Où?” demande Jude d'Alphée. “Nous avons les femmes.” “Nous irons n'importe où. Du reste les prés sont pleins de foin coupé, cela fera un lit. Pour les femmes, nous ferons des tentes avec nos manteaux et nous veillerons.” “Oui. Il suffit de ne pas être vus et de descendre à l'aube vers le Jourdain. Tu avais raison, Maître, de ne pas vouloir la route de Samarie. Pour nous qui sommes pauvres, il vaut mieux les voleurs que les samaritains!…” dit Barthélemy encore hors d'haleine. “Mais qu'est-il arrivé en somme? C'est Judas qui a fait quelque…” dit le Thaddée. Thomas l'interrompt: “Judas a reçu certainement des coups. J'en suis fâché pour Élise…” “Tu as vu Judas?” “Moi, non. Mais il est facile d'être prophètes. S'il s'est dit ton apôtre, certainement il a été frappé. Maître, ils ne veulent pas de Toi.” “Oui, ils se sont tous révoltés contre Toi.” “Ce sont de vrais samaritains.” Ils parlent tous ensemble. Jésus impose le silence à tous et il dit: “Qu'un seul parle. Toi, Simon le Zélote, qui es le plus calme.” “Seigneur, c'est vite dit. Nous sommes entrés dans la ville, et personne ne nous a dérangés tant qu'ils n'ont pas su qui nous sommes, tant qu'ils ont cru que nous étions des pèlerins de passage. Mais nous avons demandé - il fallait bien le faire - si un homme jeune, grand, brun, vêtu de rouge et avec un taleth à bandes rouges et blanches, accompagné d'une femme âgée, maigre, avec des cheveux plutôt blancs que noirs et un vêtement gris très foncé, étaient entrés dans la ville et s'ils avaient cherché le Maître galiléen et ses compagnons. Alors ils se sont fâchés tout de suite… Peut-être nous n'aurions pas dû parler de Toi. Nous nous sommes certainement trompés… Mais dans les autres endroits nous avions été accueillis si bien que… Je ne comprends pas ce qui est arrivé!… Ils semblaient des vipères ceux qui, il y a seulement trois jours, étaient respectueux avec Toi!…” Le Thaddée l'interrompt: “Travail de juifs…” “Je ne crois pas. Je ne le crois pas à cause des reproches qu'ils nous ont fait et de leurs menaces. Moi, je crois… Ou plutôt je suis sûr, nous sommes sûrs que la cause de la colère des samaritains c'est que Jésus a repoussé leur offre de protection. Ils criaient: "Partez! Partez! Vous et votre Maître! Il veut aller adorer sur le Moriah. Qu'il y aille, et qu'il meure, Lui et tous les siens. Il n'y a pas de place parmi nous pour ceux qui ne nous considèrent pas comme amis, mais seulement comme des serviteurs. Nous ne voulons pas d'autres ennuis si ce n'est pas compensé par le profit. Des pierres au lieu de pain pour le Galiléen, les chiens pour l'attaquer au lieu de maisons pour l'accueillir". Ainsi parlaient-ils et ils en disaient davantage. Et comme nous insistions pour savoir au moins ce qu'il en était de Judas, ils ont pris des pierres pour nous frapper et ils ont réellement lancés les chiens. Et ils criaient entre eux: "Mettons-nous près de toutes les entrées. Si Lui vient, nous nous vengerons". Nous avons fui. Une femme - il y a toujours quelqu'un de bon, même parmi les mauvais - nous a poussés dans son jardin et de là nous a conduits par un sentier entre les jardins jusqu'au canal qui était sans eau, car on avait irrigué avant le sabbat et elle nous a cachés là. Et puis elle nous a promis de nous donner des nouvelles de Judas. Mais elle n'est plus venue. Mais attendons-la ici, car elle a dit que si elle ne nous trouve pas dans le canal, elle viendra ici.” Il y a de nombreux commentaires. Certains continuent d'accuser les juifs. Certains font à Jésus un léger reproche, un reproche voilé sous les mots: “Tu as parlé trop clairement à Sichem et puis tu t'es éloigné. Pendant ces trois jours, ils ont décidé qu'il est inutile qu'ils s'illusionnent et qu'ils se fassent tort pour quelqu'un qui ne les satisfait pas… et ils te chassent…” Jésus répond: “Je ne me repens pas d'avoir dit la vérité et de faire mon devoir. Maintenant ils ne comprennent pas. D'ici peu, ils comprendront ma justice et me vénéreront plus que si je ne l'avais pas respectée, et qui est plus grande que l'amour que j'ai pour eux.” “Voilà! Voilà la femme sur la route. Elle ose se faire voir…” dit André. “Ne va-t-elle pas nous trahir, hein?” dit Barthélemy soupçonneux. “Elle est seule!” “Elle pourrait être suivie par des gens cachés dans le canal…” Mais la femme, qui avance avec un panier sur la tête, continue sa route et dépasse les champs de lin où attendent Jésus et les apôtres et puis elle prend un sentier et disparaît… pour réapparaître à l'improviste derrière ceux qui l'attendent et qui se retournent presque effrayés en entendant le froissement des herbes. La femme parle aux huit qu'elle connaît: “Voilà! Pardonnez-moi si je vous ai fait beaucoup attendre… Je ne voulais pas qu'on me suive. J'ai dit que j'allais chez ma mère… Je sais… Et j'ai apporté ici de quoi vous restaurer. Le Maître… Qui est-ce? Je veux le vénérer.” “Voici le Maître.” La femme, qui a déposé son panier, se prosterne en disant: “Pardonne la faute de mes concitoyens. S'il n'y avait pas eu des gens pour les exciter… Mais ils en ont influencé un grand nombre à propos de ton refus…” “Je n'ai pas de rancœur, femme. Lève-toi et parle. As-tu des nouvelles de mon apôtre et de la femme qui était avec lui?” “Oui. Chassés comme des chiens, ils sont en dehors de la ville, de l'autre côté, attendant qu'il fasse nuit. Ils voulaient revenir vers Enon pour te chercher. Ils voulaient venir ici, sachant que leurs compagnons y étaient. J'ai dit que non, qu'ils ne le fassent pas. Qu'ils restent tranquilles et que je vous conduirai vers eux et je le ferai dès le crépuscule. Par un heureux hasard, mon époux est absent et je suis libre de quitter la maison. Je vous conduirai chez une de mes sœurs, mariée sur les terres de la plaine. Vous dormirez là sans dire qui vous êtes, pas à cause de Mérod, mais à cause des hommes qui sont avec elle. Ce ne sont pas des samaritains: ils sont de la Décapole, établis ici. Mais il vaut mieux…” “Que Dieu te récompense. Les deux disciples ont-ils été blessés?” “L'homme un peu. La femme pas du tout. Et certainement le Très-Haut l'a protégée car elle, fièrement, a protégé son fils de sa personne quand les habitants ont pris des pierres. Oh! quelle femme courageuse! Elle criait: "C'est ainsi que vous frappez quelqu'un qui ne vous a pas offensés? Et vous ne me respectez pas, moi qui le défends et qui suis mère? N'avez-vous pas de mères, vous tous qui ne respectez pas quelqu'une qui a engendré? Êtes-vous nés d'une louve, ou bien vous êtes vous faits de boue et de fumier?" et elle regardait les agresseurs en tenant son manteau ouvert pour défendre l'homme et, pendant ce temps, elle reculait en le poussant hors de la ville… Et maintenant encore elle le réconforte en disant: "Que le très-Haut veuille, ô mon Judas, faire de ce sang répandu pour le Maître un baume pour ton cœur". Mais il est peu blessé. L'homme a peut-être plus de peur que de mal. Mais maintenant prenez et mangez. Pour les femmes il y a du lait qu'on vient de traire et du pain avec du fromage et des fruits. Je n'ai pas pu cuire de la viande, j'aurais trop tardé. Ici il y a du vin pour les hommes. Mangez, pendant que le soir descend puis, par des chemins sûrs, nous irons trouver les deux, et ensuite chez Mérod.” “Que Dieu te récompense encore” dit Jésus et il offre et distribue la nourriture, en mettant de côté deux parts pour ceux qui sont éloignés. “Non. Non. J'ai pensé à eux et leur ai porté sous mes vêtements des œufs et du pain, avec un peu de vin et d'huile pour les blessures. Mangez, pendant que je surveille la route…” Ils mangent, mais l'indignation dévore les hommes, et les femmes accablées sont nonchalantes. Toutes, sauf Marie de Magdala. Ce qui effraie et humilie les autres a toujours pour elle l'effet d'une liqueur qui excite les nerfs et son courage. Les yeux lancent des éclairs vers la ville hostile. Seule la présence de Jésus qui a déjà dit de ne pas avoir de rancœur, retient des paroles méprisantes. Ne pouvant parler ni agir, elle déverse sa colère sur le pain innocent qu'elle mord d'une manière tellement significative que le Zélote ne peut se retenir de lui dire en souriant: “Heureusement pour les gens de Tersa qu'ils ne peuvent tomber entre tes mains! Tu ressembles à un fauve enchaîné, Marie!” “J'en suis un. Tu as vu juste. Et aux yeux de Dieu j'ai plus de mérite de me retenir d'entrer là-bas, comme ils le méritent, que pour tout ce que j'ai fait jusqu'ici pour expier.” “Brave, Marie! Dieu t'a pardonné des fautes plus grandes que la leur.” “C'est vrai. Eux t'ont offensé, toi, mon Dieu, une fois, et suggestionnés par autrui. Et moi… de nombreuses fois… et par ma propre volonté… et je ne puis être intransigeante ni orgueilleuse…” Elle rebaisse les yeux sur son pain sur lequel tombent deux larmes. Marthe lui met la main sur les genoux en lui disant à voix basse: “Dieu t'a pardonnée. Ne te mortifie plus… Rappelle-toi ce que tu as eu: notre Lazare…” “Je ne me mortifie pas. C'est de la reconnaissance, c'est de l'émotion… Et la constatation que je n'ai pas encore cette miséricorde que j'ai si largement reçue… Pardonne-moi, Rabboni!” dit-elle en levant ses yeux splendides auxquels l'humilité a rendu leur douceur. “On ne refuse jamais le pardon à qui est humble de cœur, Marie.” Le soir descend, en teintant l'air d'une nuance délicate de violet. Les choses un peu éloignées se confondent. Les tiges de lin dont la grâce était si visible, se fondent à présent en une masse sombre. Les oiseaux se taisent dans les feuillages. La première étoile s'allume. La première cigale fait retentir son crissement dans l'air. C'est le soir. “Nous pouvons aller. Ici, dans les champs, on ne nous verra pas. Venez avec assurance. Je ne vous trahis pas. Je ne le fais pas pour en tirer profit. Je demande seulement au ciel la pitié, car de pitié, nous en avons tous besoin” dit la femme en soupirant. Ils se lèvent, ils la suivent. Ils passent au large de Tersa, au milieu des champs et des jardins déjà obscurs, mais pas assez loin pour ne pas voir les hommes autour des feux au point de départ des routes… “Ils nous guettent…” dit Mathieu. “Maudits!” siffle Philippe entre ses dents. Pierre ne parle pas, mais il agite ses bras vers le ciel dans un appel ou une protestation muette. Mais Jacques et Jean de Zébédée qui se sont parlé sans arrêt là-bas, un peu en avant des autres, reviennent sur leurs pas pour dire: “Maître, si Toi, à cause de la perfection de ton amour, tu ne veux pas recourir au châtiment, veux-tu que nous le fassions? Veux-tu que nous disions au feu du ciel de descendre et de consumer ces pécheurs? Tu nous as dit que nous pouvions tout ce que nous demandions avec foi et…” Jésus qui marchait un peu penché, comme s'il était fatigué, se redresse brusquement et les foudroie de deux regards qui étincellent à la lumière de la lune. Les deux reculent en silence, effrayés devant ce regard. Jésus, en les fixant toujours ainsi, leur dit: “Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. Le Fils de l'homme n'est pas venu pour perdre les âmes mais pour les sauver. Vous ne vous rappelez pas ce que je vous ai dit? J'ai dit dans la parabole du bon grain et de l'ivraie: "Pour l'instant laissez le bon grain et l'ivraie croître ensemble, car à vouloir les séparer maintenant, vous risqueriez d'arracher le bon grain avec l'ivraie. Laissez-les donc jusqu'à la moisson. Au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs: ramassez maintenant l'ivraie et liez-la en bottes pour la brûler et rentrez le bon grain dans mon grenier".” Jésus a déjà modéré son indignation envers les deux qui, à cause d'une colère qu'avait suscitée leur amour pour lui, demandaient de punir ceux de Tersa et qui maintenant se tiennent tête basse devant Lui. Il les prend par le coude, l'un à droite, l'autre à gauche, et se remet en route en les conduisant ainsi et en parlant à tous qui s'étaient serrés autour de Lui quand il s'était arrêté. “En vérité, je vous dis que le temps de la moisson est proche, ma première moisson, et pour beaucoup, il n'y en aura pas une seconde. Mais - louons-en le Très-Haut -certains qui dans mon temps n'ont pas su devenir épi de bon grain, après la purification du sacrifice pascal renaîtront avec une âme nouvelle. Jusqu'à ce jour, je ne m'acharnerai contre personne… Après ce sera la justice…” “Après la Pâque?” demande Pierre. “Non. Après le temps. Je ne parle pas de ces hommes, de maintenant. Je regarde les siècles futurs. L'homme ne cesse de se renouveler comme les moissons dans les champs, et les récoltes se suivent. Et Moi, je laisserai ce qu'il faut pour que ceux qui viendront à l'avenir puissent se faire bon grain. S'ils ne le veulent pas, à la fin du monde, mes anges sépareront l'ivraie du bon grain. Alors ce sera le Jour éternel de Dieu seul. Pour l'instant, dans le monde, c'est le jour de Dieu et de Satan. Le Premier semant le Bien, le second jetant parmi les semences de Dieu son ivraie de damnation, ses scandales, ses iniquités, ses semences qui font naître l'iniquité et les scandales. Car toujours il y aura des gens pour exciter contre Dieu, comme ici, avec ceux-ci qui, en vérité, sont moins coupables que ceux qui les poussent au mal.” “Maître, chaque année on se purifie à la Pâque des Azymes, mais toujours on reste ce qu'on était. Est-ce que peut-être ce sera différent cette année?” demande Mathieu. “Très différent.” “Pourquoi? Explique-nous.” “Demain… Demain, ou quand nous serons en route, et que Judas de Simon sera avec nous, je vous le dirai.” “Oh! oui. Tu nous le diras et nous nous rendrons meilleurs… En attendant, pardonne-nous, Jésus” dit Jean. “Je vous ai bien appelé par votre vrai nom. Mais le tonnerre ne fait pas de mal. La foudre, oui, peut tuer. Pourtant souvent le tonnerre annonce la foudre. Ainsi en arrive-t-il à celui qui n'enlève pas de son esprit tout désordre contre l'amour. Aujourd'hui il demande de pouvoir punir. Demain il punit sans demander. Après -demain il punit même sans raison. Il est facile de descendre… Aussi je vous dis de vous dépouiller de toute dureté de cœur envers votre prochain. Faites comme je fais, et vous serez sûrs de ne pas vous tromper. M'avez-vous peut-être jamais vu me venger de quelqu'un qui m'afflige?” “Non, Maître. Tu…” “Maître! Maître! Nous sommes ici, Élise et moi. Oh! Maître, quel souci pour Toi! Et quelle peur de mourir…” dit Judas de Kériot en débouchant de derrière des rangs de vigne et en courant vers Jésus. Une bande lui entoure le front. Élise, plus calme, le suit. “Tu as souffert? Tu as craint de mourir? La vie t'est-elle tellement chère?” demande Jésus en se dégageant de Judas qui l'embrasse et pleure. “Pas la vie. Je craignais Dieu. Mourir sans ton pardon… Je ne cesse pas de t'offenser. J'offense tout le monde. Même elle… Et elle m'a répondu en me servant de mère. Je me suis senti coupable et j'ai craint la mort…” “Oh! crainte salutaire, si elle peut te rendre saint! Mais moi, je te pardonne, toujours, tu le sais. Il suffit que tu aies la volonté de te repentir. Et toi, Élise, as-tu pardonné?” “C'est un grand enfant déchaîné. Je sais être indulgente.” “Tu as été courageuse, Élise. Je le sais.” “Si elle n'avait pas été là! Je ne sais pas si je t'aurais revu, Maître!” “Tu vois donc que ce n'est pas par haine, mais par amour qu'elle était restée près de toi… N'as-tu pas été blessée, Élise?” “Non, Maître. Les pierres tombaient tout autour de moi sans me blesser, mais mon cœur a été très angoissé en pensant à Toi…” “Tout est fini désormais. Suivons la femme qui veut nous conduire dans une maison sûre.” Ils se remettent en route en prenant un petit chemin éclairé par la lune… qui s'en va vers l'orient. Jésus a pris l'Iscariote par le bras et il est en avant avec lui. Il lui parle doucement. Il essaie de travailler son cœur secoué par la peur passée du jugement de Dieu: “Tu vois, Judas, comme il est facile de mourir. La mort est toujours aux aguets autour de nous. Tu vois comme ce qui nous paraît une chose négligeable quand nous sommes pleins de vie devient une chose grande, effroyablement grande, quand la mort nous effleure. Mais pourquoi vouloir avoir ces peurs, se les créer pour les trouver en face de soi au moment de mourir, alors qu'avec une vie sainte, on peut ignorer l'épouvante du proche jugement de Dieu? Ne te semble-t-il pas qu'il vaut la peine de vivre en juste pour avoir une mort tranquille? Judas, mon ami, la divine, paternelle miséricorde a permis cet événement pour qu'il fût un appel à ton cœur. Il est encore temps pour. toi, Judas… Pourquoi ne veux-tu pas donner à ton Maître qui va mourir la grande, la très grande joie de te savoir revenu au Bien?” “Mais peux-tu encore me pardonner, Jésus?” “Et te parlerais-je ainsi, si je ne le pouvais pas? Comme tu me connais peu encore! Moi, je te connais. Je sais que tu es comme quelqu'un qui est saisi par une pieuvre géante. Mais si tu voulais, tu pourrais encore te libérer. Oh! tu souffrirais, certainement. T'arracher à ces chaînes qui te mordent et t'empoisonnent serait douloureux. Mais après quelle joie, Judas! Tu crains de ne pas avoir la force de réagir contre ceux qui te suggestionnent? Moi, je puis t'absoudre à l'avance du péché de transgression du rite pascal… Tu es un malade. Pour les malades, la Pâque n'est pas obligatoire. Personne n'est plus malade que toi. Tu es comme un lépreux. Les lépreux ne montent pas à Jérusalem, tant qu'ils sont tels. Crois, Judas, que de comparaître devant le Seigneur avec un esprit immonde tel que le tien, ce n'est pas l'honorer, mais l'offenser. Il faut d'abord…” “Pourquoi, alors, ne me purifies-tu pas et ne me guéris-tu pas?” demande Judas, déjà dur, récalcitrant. “Je ne te guéris pas! Quand quelqu'un est malade, il cherche à se guérir par lui-même, à moins que ce ne soit un tout petit ou un sot qui ne sait pas vouloir…” “Traite-moi comme de telles personnes. Traite-moi en sot, et pourvois Toi-même, à mon propre insu.” “Ce ne serait pas juste, parce que tu peux vouloir. Tu sais ce qui est bien et ce qui est mal pour toi. Et il ne servirait à rien que je te guérisse sans ta volonté de rester guéri.” “Donne-la-moi aussi.” “Te la donner? T'imposer alors une volonté bonne? Et ton libre arbitre? Que deviendrait-il alors? Que serait ton moi d'homme, de créature libre? Succube?” “Comme je suis succube de Satan, je pourrais l'être de Dieu!” “Comme tu me blesses, Judas! Comme tu transperces mon cœur! Mais pour ce que tu me fais, je te pardonne… Succube de Satan, as-tu dit. Moi, je ne disais pas cette chose redoutable…” “Mais tu la pensais parce qu'elle est vraie et que tu la connais, s'il est vrai que tu lis dans les cœurs des hommes. S'il en est ainsi, tu sais que je ne suis plus libre de moi… Il m'a pris et…” “Non. Il s'est approché de toi, en te tentant, en t'essayant, et tu l'as accueilli. Il n'y a pas de possession s'il n'y a pas au début une adhésion à quelque tentation satanique. Le serpent insinue sa tête entre les barreaux serrés mis pour défendre les cœurs, mais il n'entrerait pas si l'homme ne lui élargissait pas un passage pour admirer son aspect séducteur, pour l'écouter, pour le suivre… Alors seulement l'homme devient succube, possédé, mais parce qu'il le veut. Dieu aussi flèche des cieux les lumières très douces de son paternel amour, et ses lumières pénètrent en nous. Ou plutôt: Dieu, à qui tout est possible, descend dans le cœur des hommes. C'est son droit. Pourquoi alors l'homme qui sait qu'il devient esclave, succube de l'Horrible, ne sait-il pas se rendre serviteur de Dieu, ou plutôt fils de Dieu, et pourquoi chasse-t-il son Père très Saint? Tu ne me réponds pas? Tu ne me dis pas pourquoi tu as préféré Satan à Dieu, pourquoi tu as voulu Satan? Mais il serait encore temps pour te sauver! Tu sais que je vais à la mort. Personne ne le sait comme toi… Je ne refuse pas de mourir… Je vais. Je vais à la mort, parce que ma mort sera la Vie pour tant d'hommes. Pourquoi ne veux-tu pas être de ceux-ci? Est-ce que ce sera pour toi seulement, mon ami, mon pauvre ami malade, que ma mort sera inutile?” “Elle sera inutile pour tant de gens, ne te fais pas d'illusions. Tu ferais mieux de fuir et de vivre loin d'ici, de jouir de la vie, d'enseigner ta doctrine, car elle est bonne, mais ne pas te sacrifier.” “Enseigner ma doctrine! Mais qu'est-ce que j'enseignerais désormais de vrai, si je faisais le contraire de ce que j'enseigne? Quel Maître serais-je si je prêchais l'obéissance à la volonté de Dieu et ne la faisais pas? L'amour des hommes, et qu'ensuite je ne les aimais pas? Le renoncement à la chair et au monde et qu'ensuite j'aimais ma chair et les honneurs du monde, le refus de donner le scandale et qu'ensuite je scandalisais non seulement les hommes, mais les anges? C'est Satan qui parle par toi en ce moment, comme il a parlé à Ephraïm, comme tant de fois il a parlé et agi, par ton intermédiaire, pour me troubler. Je les reconnais toutes ces actions de Satan, accomplies grâce à toi, et je ne t'ai pas haï, je n'ai pas éprouvé de lassitude de toi, mais seulement de la peine, une peine infinie. Comme une mère qui suit les progrès d'un mal qui amène son fils à la mort, j'ai observé la progression du mal en toi. Comme un père qui ne regrette rien pourvu qu'il trouve des remèdes pour son fils malade, Moi je n'ai rien épargné pour te sauver, j'ai surmonté les répugnances, les indignations, les amertumes, les découragements… Comme un père et une mère désolés, désillusionnés de toute puissance terrestre, se tournent vers le Ciel pour obtenir la vie d'un fils, ainsi j'ai gémi et je gémis pour implorer un miracle qui te sauve, te sauve, te sauve sur le bord de l'abîme qui déjà s'ouvre sous tes pieds. Judas, regarde-moi! Sous peu mon Sang sera répandu pour les péchés des hommes. Il ne m'en restera pas une goutte. Le boiront la terre, les pierres, les herbes, les vêtements de mes persécuteurs et les miens… le bois, le fer, les cordes, les épines du nabacà… et le boiront les esprits qui attendent le salut… Est-ce que toi seul tu ne veux pas le boire? Moi, pour toi seul, je donnerais tout le Sang que j'ai. Tu es mon ami. Comme on meurt volontiers pour l'ami! Pour le sauver! On dit: "Je meurs, mais je continuerai de vivre dans l'ami auquel j'ai donné la vie". Comme une mère, comme un père qui continuent de vivre dans leur descendance même après qu'ils se sont éteints. Judas, Moi, je t'en supplie! Je ne demande rien d'autre en cette veille de ma mort. Au condamné, les juges eux-mêmes, même les ennemis accordent une ultime grâce, exaucent le dernier désir. Moi, je te demande de ne pas te damner. Je ne le demande pas tant au Ciel qu'à toi, à ta volonté… Pense à ta mère, Judas. Que sera ta mère, ensuite? Que sera le nom de ta famille? Je fais appel à ton orgueil, il est plus fier que jamais, pour te défendre contre ton déshonneur. Ne te déshonore pas, Judas. Réfléchis. Les années passeront et les siècles, les royaumes et les empires tomberont, les étoiles perdront leur éclat, la configuration de la Terre changera, et tu seras toujours Judas, comme Caïn est toujours Caïn, si tu persistes dans ton péché. Les siècles auront une fin et il restera seulement le Paradis et l'Enfer. Dans le Paradis et dans l'Enfer, pour les hommes ressuscités et accueillis âmes et corps, pour l'éternité, là où il est juste qu'ils soient, tu seras toujours Judas, le maudit, le plus grand coupable, si tu ne te repens pas. Je descendrai pour libérer les esprits des Limbes, je les tirerai en foules du Purgatoire, et toi… je ne pourrai t'attirer où je suis… Judas, je vais mourir, j'y vais heureux, car elle est venue l'heure que j'attendais depuis des millénaires: l'heure de réunir les hommes à leur Père. Il y en a beaucoup que je ne réunirai pas. Mais le nombre des sauvés que je contemplerai en mourant me consolera du déchirement de mourir inutilement pour un si grand nombre. Mais, c'est Moi qui te le dis, il sera terrible de te voir parmi ces derniers, toi, mon apôtre, mon ami. Ne me donne pas cette inhumaine douleur!… Je veux te sauver, Judas. Te sauver. Regarde. Nous descendons au fleuve. Demain, à l'aube, quand tous dorment encore, nous le passerons, nous deux, et tu iras à Bozra, à Arbela, à Aëra, où tu veux. Tu connais les maisons des disciples. À Bozra, cherche Joachim et Marie, la lépreuse que j'ai guérie. Je te donnerai un écrit pour eux. Je dirai que pour ta santé, il te faut un repos tranquille dans un air différent. Et c'est la vérité, malheureusement, puisque tu as l'esprit malade et l'air de Jérusalem te serait mortel. Mais eux croiront qu'il s'agit de ton corps. Tu resteras là jusqu'à ce que je vienne t'en tirer. À tes compagnons, Moi, j'y penserai… Mais ne viens pas à Jérusalem. Tu vois? Je n'ai pas voulu des femmes, sauf des plus courageuses parmi elles, et celles qui par leur droit de mère doivent être près de leurs enfants.” “La mienne aussi?” “Non. Marie ne sera pas à Jérusalem…” “C'est la mère d'un apôtre, elle aussi, et elle t'a toujours honoré.” “Oui, elle aurait le droit comme les autres d'être près de Moi, elle qui m'aime avec une parfaite justice. Mais c'est justement pour cela qu'elle n'y sera pas. Parce que je lui ai dit de ne pas y être, et elle sait obéir.” “Pourquoi ne doit-elle pas y être? Qu'a-t-elle de différent de la mère de tes frères et de celle des fils de Zébédée?” “Toi. Et tu sais pourquoi je te le dis. Mais si tu m'écoutes, si tu vas à Bozra, j'enverrai prévenir ta mère et je la ferai accompagner pour qu'elle, qui est si bonne, t'aide à guérir. Crois-le: nous seuls t'aimons ainsi, sans mesure. Ils sont trois qui t'aiment dans le Ciel: le Père, le Fils, l'Esprit Saint, qui t'ont contemplé et qui attendent ta décision pour faire de toi la gemme de la Rédemption, la proie la plus grande arrachée à l'Abîme; et ils sont trois sur la Terre: ta mère, ma Mère et Moi. Rends-nous heureux, Judas! Nous du Ciel, nous de la Terre, ceux qui t'aiment d'un amour véritable.” “Tu le dis: il n'y en a que trois qui m'aiment; les autres… non.” “Pas comme nous, mais ils t'aiment tant. Élise t'a défendu. Les autres étaient inquiets pour toi. Quand tu es éloigné, tous te portent dans leur cœur et ont ton nom sur leurs lèvres. Tu ne connais pas tout l'amour qui t'entoure. Celui qui t'opprime te le cache. Mais crois à ma parole.” “Je te crois et je chercherai à te satisfaire. Mais je veux agir de moi-même. C'est de moi-même que j'ai erré, c'est de moi-même que je dois guérir du mal.” “Il n'y a que Dieu qui puisse agir de Lui-même. Cette pensée est de l'orgueil. Dans l'orgueil se trouve encore Satan. Sois humble, Judas. Prends cette main qui t'offre son amitié. Réfugie-toi sur ce cœur qui s'ouvre pour te protéger. Ici, avec Moi, Satan ne pourrait te faire du mal.” “J'ai essayé d'être avec Toi… Je suis descendu toujours plus… C'est inutile!” “Ne dis pas cela! Ne dis pas cela! Repousse le découragement. Dieu peut tout. Serre-toi à Dieu. Judas! Judas!” “Tais-toi! Que les autres n'entendent pas…” “Tu te préoccupes des autres et non de ton esprit? Malheureux Judas!…” Jésus ne parle plus, mais il continue de rester à côté de l'apôtre jusqu'à ce que la femme, qui était en avant de quelques mètres, entre dans une maison qui émerge d'un bois d'oliviers. Alors Jésus dit à son disciple: “Je ne dormirai pas cette nuit. Je prierai pour toi, et je t'attendrai… Que -Dieu parle à ton cœur. Et toi, écoute-le… Je resterai ici où je suis maintenant pour prier, jusqu'à l'aube… Rappelle-le-toi.” Judas ne Lui répond pas. Les autres sont arrivés et aussi les femmes, et tous restent ensemble en attendant le retour de la samaritaine. Elle ne tarde guère à revenir. Elle a avec elle une autre femme qui lui ressemble et qui les salue en disant: “Je n'ai pas beaucoup de pièces car j'ai déjà les moissonneurs qui pour le moment travaillent aux oliviers. Mais j'ai un grand grenier avec beaucoup de paille. Pour les femmes, j'ai de la place. Venez.” “Allez! Moi je reste ici à prier. La paix à vous tous” dit Jésus. Et pendant que les autres s'en vont, il retient sa Mère pour lui dire: “Je reste à prier pour Judas, ma Mère. Aide-moi, toi aussi…” “Je t'aiderai, mon Fils. Peut-être renaît-il en lui la volonté?” “Non, Maman. Mais nous devons faire comme si… Le Ciel peut tout, Maman!” “Oui. Et moi, je puis encore avoir des illusions. Pas Toi, mon Fils. Tu sais, mon Saint Fils! Mais moi, je t'imiterai toujours. Va et sois tranquille, mon amour! Même quand tu ne pourras plus lui parler parce qu'il te fuira, j'essaierai de te l'amener. Que seulement le Père très Saint écoute ma souffrance… Me laisses-tu prier avec Toi, Jésus? Nous prierons ensemble et ce sera autant d'heures pour te posséder pour moi seule…” “Reste, Maman. Je t'attends ici.” Marie s'en va rapidement et revient de même. Ils s'assoient sur leurs sacs, aux pieds des oliviers. Dans le grand silence, on entend le bruissement du fleuve peu éloigné, et le chant des cigales semble puissant dans le grand silence de la nuit. Puis, c'est le chant des rossignols. Une chouette rit et un petit duc pleure. Les étoiles se déplacent lentement dans le firmament où elles sont reines, maintenant que la lune qui est couchée ne les offusque plus. Puis un coq rompt l'air tranquille de son cri vibrant. Beaucoup plus loin, à peine perceptible, un autre coq lui répond. Puis de nouveau le silence rompu par un arpège de gouttes qui tombent des tuiles d'une maison toute proche sur le pavé qui l'entoure. Et puis un nouveau bruissement dans les feuillages comme s'ils secouaient l'humidité de la nuit et un cri isolé d'un oiseau qui se réveille, et en même temps un changement, dans le ciel, un retour de la lumière. C'est l'aube. Et Judas n'est pas venu… Jésus regarde sa Mère, blanche comme un lys contre l'olivier sombre, et il lui dit: “Nous avons prié, Mère. Notre prière, Dieu s'en servira…” “Oui, mon Fils. Tu es pâle comme la mort. Vraiment toute ta vitalité s'est exhalée pendant cette nuit, pour presser sur les portes des Cieux et sur les décrets de Dieu!” “Toi aussi, tu es pâle, Mère. Grande est ta fatigue.” “Grande est ma douleur, à cause de ta douleur.” La porte de la maison s'ouvre avec précaution… Jésus tressaille. Mais ce n'est que la femme qui les a conduits, qui sort sans faire de bruit. Jésus soupire: “J'ai espéré que j'avais pu me tromper!” La femme s'avance avec son panier vide. Elle voit Jésus. Elle le salue et allait continuer, mais Lui l'appelle et lui dit: “Que le Seigneur te récompense pour tout. Je voudrais pourtant, mais je n'ai rien avec Moi.” “Je ne voudrais rien, Rabbi. Aucune compensation. Mais si je ne veux pas d'argent, il y a une chose que je voudrais pourtant. Et celle-là, tu peux me la donner!” “Quoi, femme?” “Que change le cœur de mon époux. Et cela tu peux le faire parce que tu es vraiment le Saint de Dieu.” “Va en paix. Il te sera fait comme tu le demandes. Adieu.” La femme s'en va rapidement vers sa maison qui doit être bien triste. Marie commente: “Une autre malheureuse. C'est pour cela qu'elle est bonne!…” Se montre depuis le grenier la tête ébouriffée de Pierre, et derrière elle le visage lumineux de Jean, et puis le profil sévère du Thaddée et le visage brunâtre du Zélote et le visage maigre du jeune Benjamin… Ils sont tous réveillés. Voici que de la maison sort, la première de toutes, Marie de Magdala et derrière Nique, et puis les autres. Toutes sont réunies et la femme qui leur a donné l'hospitalité apporte une seille de lait encore écumeux. Alors apparaît l'Iscariote. Il n'a plus sa bande mais le bleu du coup qu'il a reçu lui colore la moitié du front et l'œil est encore plus sombre dans le cercle violâtre. Jésus le regarde. Judas regarde Jésus, et puis tourne la tête ailleurs. Jésus lui dit: “Achète à la femme ce qu'elle peut nous fournir. Nous allons en avant. Rejoins-nous.” Et réellement Jésus s'éloigne après avoir salué la femme. Tous le suivent.
Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie http://www.mariavaltorta.com/

Dimanche 20 juin 2010, Douzième dimanche du temps ordinaire

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 9,18-24.
Un jour, Jésus priait à l'écart. Comme ses disciples étaient là, il les interrogea : « Pour la foule, qui suis-je ? » Ils répondirent : « Jean Baptiste ; pour d'autres, Élie ; pour d'autres, un prophète d'autrefois qui serait ressuscité. » Jésus leur dit : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre prit la parole et répondit : « Le Messie de Dieu. » Et Jésus leur défendit vivement de le révéler à personne, en expliquant : « Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu'il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. » Il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix chaque jour, et qu'il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera.
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Correspondance dans "l'Evangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta : Tome 5, Ch 31, p 208 - CD 5, piste 78 -
La plaine côtoie le Jourdain avant qu'il se jette dans le lac de Méron. Une belle plaine sur laquelle de jour en jour croissent plus luxuriantes les céréales et fleurissent les arbres à fruits. Les collines, au-delà desquelles se trouve Cédès, sont maintenant derrière des pèlerins qui, transis de froid, cheminent vivement aux premières lumières du jour, en jetant un œil d'envie sur le soleil qui s'élève et en le cherchant dès que ses rayons touchent les prés et caressent les frondaisons. Ils doivent avoir dormi à la belle étoile, ou au mieux dans un pailler, car les vêtements sont froissés et conservent des brins de paille et des feuilles sèches qu'ils enlèvent à mesure qu'ils les découvrent à la lumière plus forte. Le fleuve s'annonce par son bruissement, qui paraît puissant dans le silence matinal de la campagne, et par une rangée serrée d'arbres aux feuilles nouvelles qui tremblent à la brise légère du matin. Mais on ne le découvre pas encore, Enseveli comme il l'est dans la plaine plate. Quand ses eaux bleues, grossies de nombreux petits torrents qui descendent des collines à l'ouest, se voient scintillantes dans la verdure nouvelle des rives, on est presque sur le bord. “Suivons-nous la rive jusqu'au pont, ou bien passons-nous le fleuve ici?” demandent-ils à Jésus qui était seul, pensif, et qui s'est arrêté pour les attendre. “Voyez s'il y a une barque pour passer. Il vaut mieux aller par ici…” “Oui. Au pont qui est justement sur la route pour Césarée Panéade, nous pourrions rencontrer de nouveau quelqu'un envoyé sur nos traces” observe Barthélémy renfrogné en regardant Judas. “Non, ne me regarde pas de travers. Moi, je ne savais pas que l'on devait venir ici, et je n'ai rien dit. Il était facile de deviner que, de Séphet, Jésus serait allé aux tombes des rabbis et à Cédès. Mais je n'aurais jamais pensé qu'il voudrait pousser jusqu'à la capitale de Philippe. Eux l'ignorent donc, et nous ne les trouverons pas par ma faute, ni par leur volonté. À moins d'avoir Belzébuth pour les conduire” dit calme et humble l'Iscariote. “C'est bien, parce qu'avec certaines gens… Il faut avoir l'œil et surveiller les paroles, ne pas laisser de traces de nos projets, il faut faire attention à tout. Autrement notre évangélisation se changera en une fuite perpétuelle” réplique Barthélémy. Jean et André reviennent. Ils disent: “Nous avons trouvé deux barques. On passe pour une drachme par barque. Descendons sur le bord.” Et dans les deux petites barques ils passent, en deux fois, sur l'autre rive. La plaine plate et fertile les accueille aussi en cet endroit. Une plaine fertile mais peu peuplée. Seuls les paysans qui la cultivent y ont leur maison. “Hum! Comment allons-nous faire pour le pain? Moi, j'ai faim. Et ici… il n'y a pas même les épis philistins… De l'herbe et des feuilles, des feuilles et des fleurs. Je ne suis ni une brebis ni une abeille” murmure Pierre à ses compagnons qui sourient de sa remarque. Jude Thaddée se retourne - il était un peu en avant - et il dit: “Nous achèterons du pain au premier village.” “Pourvu qu'ils ne nous fassent pas fuir” termine Jacques de Zébédée. “Gardez-vous, vous qui dites de faire attention à tout, de prendre le levain des pharisiens et des sadducéens. Il me semble que vous êtes en train de le faire, sans réfléchir à ce que vous faites de mal. Soyez attentifs! Gardez-vous!” dit Jésus. Les apôtres se regardent l'un l'autre et chuchotent: “Mais que dit-il? Le pain nous a été donné par cette femme du sourd-muet et par l'hôte de Cédès. Et il est encore ici. Le seul que nous avons. Et nous ne savons pas si nous pourrons en trouver à prendre pour notre faim. Pourquoi donc dit-il que nous achetons aux pharisiens et aux sadducéens du pain avec leur levain? Peut-être ne veut-il pas qu'on achète dans ces villages…” Jésus, qui était de nouveau tout seul en avant, se retourne de nouveau. “Pourquoi avez-vous peur de rester sans pain pour votre faim? Même si tous ici étaient sadducéens et pharisiens, vous ne resteriez pas sans pain à cause de mon conseil. Ce n'est pas du levain qui se trouve dans le pain que je parle, par conséquent vous pourrez acheter où vous voudrez le pain pour vos ventres. Et si personne ne voulait vous en vendre, vous ne resteriez pas non plus sans pain. Ne vous souvenez-vous pas des cinq pains dont se rassasièrent cinq mille personnes? Ne vous rappelez-vous pas que vous avez. ramassé douze paniers pleins de restes? Je pourrais faire pour vous, qui êtes dix et qui avez un pain, ce que j'ai fait pour cinq mille avec cinq pains. Ne comprenez-vous pas à quel levain je fais allusion? À celui qui fermente dans le cœur des pharisiens, des sadducéens et des docteurs, contre Moi. C'est la haine et c'est l'hérésie. Or vous êtes en train d'aller vers la haine comme s'il était entré en vous une partie du levain pharisaïque. On ne doit pas haïr même celui qui est notre ennemi. N'ouvrez pas, même un soupirail, à ce qui n'est pas Dieu. Derrière le premier élément en entreraient d'autres contraires à Dieu. Parfois, pour vouloir combattre les ennemis à armes égales, on finit par périr ou être vaincu. Et une fois vaincus, vous pourriez à leur contact absorber leurs doctrines. Non. Ayez charité et réserve. Vous n'avez pas encore en vous suffisamment pour pouvoir les combattre, ces doctrines, sans en être infectés. Car certains éléments qu'elles ont, vous les avez vous aussi. Et la rancœur à leur égard en est un. Je vous dis encore qu'ils pourraient changer de méthode pour vous séduire et vous enlever à Moi, en usant de mille gentillesses, en se montrant repentis, désireux de faire la paix. Vous ne devez pas les fuir. Mais quand ils chercheront à vous donner leurs doctrines, sachez ne pas les accueillir. Voilà ce qu'est le levain dont je parle: l'animosité qui est contraire à l'amour, et les fausses doctrines. Je vous le dis: soyez prudents.” “Ce signe que les pharisiens demandaient hier, c'était du "levain", Maître?” demande Thomas. “C'était du levain et du poison.” “Tu as bien fait de ne pas le leur donner.” “Mais je le leur donnerai un jour.” “Quand? Quand?” demandent-ils, curieux. “Un jour…” “Et quel signe est-ce? Tu ne le dis pas même à nous, tes apôtres? Pour qu'on puisse le reconnaître tout de suite” demande Pierre désireux de savoir. “Vous, vous ne devriez pas avoir besoin d'un signe.” “Oh! ce n'est pas pour pouvoir croire en Toi! Nous ne sommes pas des gens à avoir de nombreuses pensées, nous. Nous en avons une seule: t'aimer” dit vivement Jacques de Zébédée.
“Mais les gens, vous qui les approchez si familièrement plus que Moi, et sans la crainte que je peux leur inspirer, que disent-ils que je suis? Et comment définissent-ils le Fils de l'homme?” “Certains disent que tu es Jésus, c'est-à-dire le Christ, et ce sont les meilleurs. D'autres t'appellent Prophète, d'autres seulement Rabbi, et d'autres, tu le sais, te disent fou et possédé.” “Quelques-uns pourtant se servent pour Toi du nom que tu te donnes et ils t'appellent: "Fils de l'homme".” “Et certains aussi disent que cela ne peut-être, parce que le Fils de l'homme c'est une chose bien différente. Et cela n'est pas toujours négation car, au fond, ils admettent que tu es plus que Fils de l'homme: tu es le Fils de Dieu. D'autres, au contraire, disent que tu n'es même pas le Fils de l'homme, mais un pauvre homme que Satan agite ou que bouleverse la folie. Tu vois que les opinions sont nombreuses et toutes différentes” dit Barthélémy. “Mais pour les gens, qu'est-ce donc que le Fils de l'homme?” “C'est un homme où sont toutes les vertus les plus belles de l'homme, un homme qui réunit en lui-même toutes les qualités requises d'intelligence, de sagesse, de grâce, dont nous pensons qu'elles étaient en Adam et certains, à ces qualités, ajoutent celle de ne pas mourir. Tu sais que déjà circule le bruit que Jean Baptiste n'est pas mort, mais seulement transporté ailleurs par les anges et qu'Hérode, pour ne pas se dire vaincu de Dieu, et plus encore Hérodiade, ont tué un serviteur et, après l'avoir décapité, ont présenté comme le cadavre du Baptiste le corps mutilé du serviteur. Les gens racontent tant de choses! Ainsi plusieurs pensent que le Fils de l'homme est Jérémie ou bien Élie, ou l'un des Prophètes et même le Baptiste en personne, en qui étaient grâce et sagesse et qui se disait le Précurseur du Christ. Le Christ: l'Oint de Dieu. Le Fils de l'homme: un grand homme né de l'homme. Un grand nombre ne peut admettre, ou ne veut pas admettre, que Dieu ait pu envoyer son Fils sur la terre. Tu l'as dit hier: "Ne croiront que ceux qui sont convaincus de l'infinie bonté de Dieu". Israël croit davantage dans la rigueur de Dieu que dans sa bonté…” dit encore Barthélémy. “Oui. En effet ils se sentent si indignes qu'ils jugent impossible que Dieu soit assez bon pour envoyer son Verbe pour les sauver. Ce qui fait obstacle à leur croyance c'est la dégradation de leurs âmes” confirme le Zélote, et il ajoute: “Tu dis que tu es le Fils de Dieu et de l'homme. En effet, en Toi, se trouve toute grâce et toute sagesse comme homme. Et je crois réellement que quelqu'un qui serait né d'Adam en état de grâce t'aurait ressemblé pour la beauté, l'intelligence et toute autre qualité. Et en Toi brille Dieu pour la puissance. Mais qui peut le croire de ceux qui se croient dieux et qui mesurent Dieu sur eux-mêmes, dans leur orgueil démesuré? Eux, les cruels, les haineux, les rapaces, les impurs, ils ne peuvent certainement pas penser que Dieu ait poussé sa douceur jusqu'à se donner Lui-même pour les racheter, son amour pour les sauver, sa générosité pour se livrer à l'homme, sa pureté pour se sacrifier parmi nous. Ils ne le peuvent pas, eux qui sont si impitoyables et pointilleux pour rechercher et punir les fautes.” “Et vous, qui dites-vous que je suis? Dites-le vraiment d'après votre jugement, sans tenir compte de mes paroles et de celles d'autrui. Si vous étiez obligés de me juger, qui diriez-vous que je suis?” “Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant” s'écrie Pierre en s'agenouillant, les bras tendus en haut, vers Jésus qui le regarde avec un visage tout lumineux et qui se penche afin de le relever pour l'embrasser en disant: “Tu es bienheureux, ô Simon, fils de Jonas! Car ce n'est pas la chair ni le sang qui te l'ont révélé, mais mon Père qui est dans les Cieux. Dès le premier jour que tu es venu vers Moi, tu t'es posé cette question, et parce que tu étais simple et honnête, tu as su comprendre et accepter la réponse qui te venait du Ciel. Tu n'avais pas vu les manifestations surnaturelles comme ton frère et Jean et Jacques. Tu ne connaissais pas ma sainteté de fils, d'ouvrier, de citoyen comme Jude et Jacques, mes frères. Tu n'as pas profité d'un miracle et tu ne m'as pas vu en accomplir, et je ne t'ai pas donné de signe de ma puissance comme je l'ai fait et comme l'ont vu Philippe, Nathanaël, Simon le Cananéen, Thomas, Judas. Tu n'as pas été subjugué par ma volonté comme Mathieu le publicain. Et pourtant tu t'es écrié: "Il est le Christ!" Dès la première heure que tu m'as vu, tu as cru et jamais ta foi n'a été ébranlée. C'est pour cela que je t'ai appelé Céphas, et pour cela c'est sur toi, Pierre, que j'édifierai mon Église et les puissances de l'Enfer ne prévaudront pas contre elle. C'est à toi que je donnerai les clefs du Royaume des Cieux. Et tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les Cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les Cieux, ô homme fidèle et prudent dont j'ai pu éprouver le cœur. Et ici, dès cet instant, tu es le chef auquel il faut donner l'obéissance et le respect comme à un autre Moi-même. Et c'est tel que je le proclame devant vous tous.”
Si Jésus avait écrasé Pierre sous une grêle de reproches, les pleurs de Pierre n'auraient pas été aussi forts. Il pleure et éclate en sanglots, le visage sur la poitrine de Jésus. Des pleurs qui n'auront leur égal que dans ceux incoercibles de sa douleur d'avoir renié Jésus. Maintenant ce sont des pleurs faits de mille sentiments humbles et bons… Un peu encore de l'ancien Simon -le pêcheur de Bethsaïda qui, à la première annonce de son frère, avait dit en riant: “Le Messie t'apparaît!… Vraiment!” incrédule et plaisant mais un peu de l'ancien Simon s'effrite sous ces pleurs pour faire apparaître, sous la couche mince de son humanité, toujours plus nettement le Pierre, Pontife de l'Église du Christ. Quand il lève son visage, timide, confus, il ne sait faire qu'un geste pour dire tout, pour promettre tout, pour se donner tout entier à son nouveau ministère: celui de jeter ses bras courts et musclés au cou de Jésus et de l'obliger à se pencher pour l'embrasser, en mêlant ses cheveux et sa barbe un peu hérissés et grisonnants, aux cheveux et à la barbe soyeux et dorés de Jésus, le regardant ensuite d'un regard adorant, affectueux, suppliant de ses yeux un peu bovins, luisants et rougis par les larmes qu'il a versées, en tenant dans ses mains calleuses, larges, épaisses, le visage ascétique du Maître penché sur le sien, comme si c'était un vase d'où coulait une liqueur vivifiante… et il boit, boit, boit douceur et grâce, sécurité et force, de ce visage, de ces yeux, de ce sourire… Ils se séparent enfin, reprenant leur route vers Césarée de Philippe et Jésus dit à tous: “Pierre a dit la vérité. Beaucoup en ont l'intuition, vous vous la connaissez. Mais vous, pour l'instant, ne dites à personne ce qu'est le Christ, dans la vérité complète qui vous est connue. Laissez Dieu parler dans les cœurs comme Il parle dans le vôtre. En vérité je vous dis que ceux qui, à mes affirmations et aux vôtres apportent la foi parfaite et le parfait amour, arrivent à savoir le vrai sens des mots: "Jésus, le Christ, le Verbe, le Fils de l'homme et de Dieu".”
Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie http://www.mariavaltorta.com/

Dimanche 13 juin 2010, Onzième dimanche du temps ordinaire

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 7,36-50.8,1-3.
Un pharisien avait invité Jésus à manger avec lui. Jésus entra chez lui et prit place à table. Survint une femme de la ville, une pécheresse. Elle avait appris que Jésus mangeait chez le pharisien, et elle apportait un vase précieux plein de parfum. Tout en pleurs, elle se tenait derrière lui, à ses pieds, et ses larmes mouillaient les pieds de Jésus. Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et y versait le parfum. En voyant cela, le pharisien qui avait invité Jésus se dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse. » Jésus prit la parole : « Simon, j'ai quelque chose à te dire. - Parle, Maître. » Jésus reprit : « Un créancier avait deux débiteurs ; le premier lui devait cinq cents pièces d'argent, l'autre cinquante. Comme ni l'un ni l'autre ne pouvait rembourser, il remit à tous deux leur dette. Lequel des deux l'aimera davantage ? » Simon répondit : « C'est celui à qui il a remis davantage, il me semble. - Tu as raison », lui dit Jésus. Il se tourna vers la femme, en disant à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré chez toi, et tu ne m'as pas versé d'eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas embrassé ; elle, depuis son entrée, elle n'a pas cessé d'embrasser mes pieds. Tu ne m'as pas versé de parfum sur la tête ; elle, elle m'a versé un parfum précieux sur les pieds. Je te le dis : si ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, c'est à cause de son grand amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d'amour. » Puis il s'adressa à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » Les invités se dirent : « Qui est cet homme, qui va jusqu'à pardonner les péchés ? » Jésus dit alors à la femme : « Ta foi t'a sauvée. Va en paix ! » Ensuite Jésus passait à travers villes et villages, proclamant la Bonne Nouvelle du règne de Dieu. Les Douze l'accompagnaient, ainsi que des femmes qu'il avait délivrées d'esprits mauvais et guéries de leurs maladies : Marie, appelée Madeleine (qui avait été libérée de sept démons), Jeanne, femme de Kouza, l'intendant d'Hérode, Suzanne, et beaucoup d'autres, qui les aidaient de leurs ressources.
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Correspondance dans "l’Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta : Tome 4, Ch 97, p 59 - CD 4 (1er cd), piste 22 -
Pour me réconforter de mes souffrances complexes et me faire oublier les méchancetés des hommes, mon Jésus m'accorde cette suave contemplation. Je vois une salle très riche. Un riche lampadaire à becs multiples est suspendu au milieu et il est tout allumé. Aux murs, des tapis très beaux, des sièges ornés de marqueterie et incrustés d'ivoire et de lames précieuses, et aussi des meubles très beaux. Au milieu, une grande table carrée, mais formée de quatre tables réunies. La table est certainement disposée de cette manière pour les nombreux convives (tous des hommes) et elle est couverte de très belles nappes et de riche vaisselle. Il y a de nombreuses amphores et des coupes précieuses et les serviteurs se déplacent tout autour, apportant des plats et versant des vins. Au milieu du carré, il n'y a personne. Je vois le très beau dallage, sur lequel se reflète la lumière du lampadaire à huile. A l'extérieur, par contre, il y a de nombreux lits-sièges tous occupés par des convives. Il me semble me trouver dans l'angle à moitié obscur situé au fond de la salle, près d'une porte qui est grande ouverte à l'extérieur, mais qui est en même temps fermée par un lourd tapis ou tapisserie qui pend de son architrave. Du côté le plus éloigné de la porte, se trouve le maître de maison avec les invités de marque. C'est un homme âgé, vêtu d'une ample tunique blanche serrée à la taille par une ceinture brodée. L'habit a aussi au cou, au bord des manches et du vêtement lui-même, des bandes de broderies appliquées comme si c'étaient des rubans brodés ou des galons, si on préfère les appeler ainsi. Mais la figure de ce petit vieux ne me plaît pas. C'est un visage méchant, froid, orgueilleux et avide. A l'opposé, en face de lui, se trouve mon Jésus. Je le vois de côté, je dirais presque par derrière. Il a son vêtement blanc habituel, des sandales, les cheveux séparés en deux sur le front et longs comme toujours. Je remarque que Lui et tous les convives ne sont pas allongés comme je croyais qu'on l'était sur ces lits-sièges, c'est-à-dire perpendiculairement à la table, mais parallèlement. Dans la vision des noces de Cana, je n'avais pas fait beaucoup attention à ce détail, j'avais vu qu'ils mangeaient appuyés sur le coude gauche, mais il me semblait qu'ils n'étaient pas couchés parce que les lits étaient moins luxueux et beaucoup plus courts. Ceux-ci sont de vrais lits, ils ressemblent aux divans modernes, à la mode turque. Jésus a Jean pour voisin, et comme Jésus s'appuie sur le coude gauche (comme tout le monde) il en résulte que Jean se trouve encastré entre la table et le corps du Seigneur, arrivant avec son coude gauche à l'aine du Maître, de manière à ne pas le gêner pour manger et à lui permettre aussi, s'il le veut, de s'appuyer confidentiellement sur sa poitrine. Il n'y a pas de femmes. Tout le monde parle, et le maître de maison s'adresse de temps en temps à Jésus avec une familiarité pleine d'affectation et une condescendance manifeste. Il est clair qu'il veut Lui montrer, et montrer à tous ceux qui sont présents, qu'il Lui a fait un grand honneur de l'inviter dans sa riche maison, Lui, pauvre prophète que l'on juge aussi un peu exalté… Je vois que Jésus répond avec courtoisie, paisiblement. Il sourit de son léger sourire à ceux qui l'interrogent, il sourit d'un sourire lumineux si celui qui Lui parle, ou même seulement le regarde, est Jean. Je vois se lever la riche tapisserie qui couvre l'embrasure de la porte et entrer une femme jeune, très belle, richement vêtue et soigneusement coiffée. La chevelure blonde très épaisse fait sur sa tête un véritable ornement de mèches artistement tressées. Elle semble porter un casque d'or tout en relief, tellement la chevelure est fournie et brillante. Elle a un vêtement dont je dirais qu'il est très excentrique et compliqué si je le compare à celui que j'ai toujours vu à la Vierge Marie Des boucles sur les épaules, des bijoux pour retenir les froncis en haut de la poitrine, des chaînettes d'or pour dessiner la poitrine, une ceinture avec des boucles d'or et des pierres précieuses. Un vêtement provocant qui fait ressortir les lignes de son très beau corps. Sur la tête un voile si léger… qu'il ne voile rien. Ce n'est qu'une parure, c'est tout. Aux pieds de très riches sandales avec des boucles d'or, des sandales de cuir rouge avec des brides entrelacées aux chevilles. Tous, sauf Jésus, se retournent pour la regarder. Jean l'observe un instant, puis il se tourne vers Jésus. Les autres la fixent avec une visible et mauvaise gourmandise. Mais la femme ne les regarde pas du tout et ne se soucie pas du murmure qui s'est élevé à son entrée et des clins d'œil de tous les convives, excepté Jésus et le disciple. Jésus fait voir qu'il ne s'aperçoit de rien, il continue de parler en terminant la conversation qu'il avait engagée avec le maître de maison. La femme se dirige vers Jésus et s'agenouille près des pieds du Maître. Elle pose par terre un petit vase en forme d'amphore très ventrue, enlève de sa tête son voile en détachant l'épingle précieuse qui le retenait fixé aux cheveux, elle enlève les bagues de ses doigts et pose le tout sur le lit-siège près des pieds de Jésus, ensuite elle prend dans ses mains les pieds de Jésus d'abord celui de droite, puis celui de gauche et en délace les sandales, les dépose sur le sol, puis elle Lui baise les pieds en sanglotant et y appuie son front, elle les caresse et ses larmes tombent comme une pluie qui brille à la lumière du lampadaire et qui arrose la peau de ces pieds adorables. Jésus tourne lentement la tête, à peine, et son regard bleu sombre se pose un instant sur la tête inclinée. Un regard qui absout. Puis il regarde de nouveau vers le milieu. Il la laisse libre dans son épanchement. Mais les autres, non. Ils plaisantent entre eux, font des clins d'œil, ricanent. Et le pharisien se met assis un moment pour mieux voir et son regard exprime désir, contrariété, ironie. C'est de sa part la convoitise pour la femme, ce sentiment est évident. Il est fâché d'autre part qu'elle soit entrée si librement, ce qui pourrait faire penser aux autres que la femme est… une habituée de la maison. C'est enfin un coup d'œil ironique à Jésus… Mais la femme ne fait attention à rien. Elle continue de verser des larmes abondantes, sans un cri. Seulement de grosses larmes et de rares sanglots. Ensuite elle dénoue ses cheveux en en retirant les épingles d'or qui tenaient en place sa coiffure compliquée et elle pose aussi ces épingles près des bagues et de la grosse épingle qui maintenait le voile. Les écheveaux d'or se déroulent sur les épaules. Elle les prend à deux mains, les ramène sur sa poitrine et les passe sur les pieds mouillés de Jésus, jusqu'à ce qu'ils soient secs. Puis elle plonge les doigts dans le petit vase et en retire une pommade légèrement jaune et très odorante. Un parfum qui tient du lys et de la tubéreuse se répand dans toute la salle. La femme y puise largement, elle étend, elle enduit, baise et caresse. Jésus, de temps en temps, la regarde avec une affectueuse pitié. Jean, qui s'est retourné étonné en entendant les sanglots, ne peut détacher le regard du groupe de Jésus et de la femme. Il regarde alternativement l'Un et l'autre. Le visage du pharisien est de plus en plus hargneux. J'entends ici les paroles connues de l'Évangile et je les entends dites sur un ton et accompagnées d'un regard qui font baisser la tête au vieillard haineux. J'entends les paroles d'absolution adressées à la femme qui s'en va en laissant ses bijoux aux pieds de Jésus. Elle a enroulé son voile autour de sa tête en y enserrant le mieux possible sa chevelure défaite. Jésus, en lui disant: “Va en paix”, lui pose un instant la main sur sa tête inclinée, mais avec une extrême douceur.
Jésus maintenant me dit: “Ce qui a fait baisser la tête au pharisien et à ses amis, et ce que l'Évangile ne rapporte pas, ce sont les paroles que mon esprit, par mon regard, ont dardé et enfoncé dans cette âme sèche et avide. J'ai répondu avec beaucoup plus de force que je ne l'aurais fait par des paroles car rien ne m'était caché des pensées des hommes. Et lui m'a compris dans mon langage muet qui était encore plus lourd de reproche que ne l'auraient été mes paroles. Je lui ai dit: "Non, ne fais pas d'insinuations malveillantes pour te justifier à tes propres yeux. Moi, je n'ai pas ta passion vicieuse. Cette femme ne vient pas à Moi poussée par la sensualité. Je ne suis pas comme toi, ni comme sont tes semblables. Elle vient à Moi parce que mon regard et ma parole, entendue par pur hasard, ont éclairé son âme où la luxure avait créé les ténèbres. Et elle vient parce qu'elle veut vaincre la sensualité et elle comprend, la pauvre créature, qu'à elle seule, elle n'y arriverait jamais. C'est l'esprit qu'elle aime en Moi, rien que l'esprit qu'elle sent surnaturellement bon. Après tant de mal qu'elle a reçu de vous tous, qui avez exploité sa faiblesse pour vos vices, en la payant ensuite par les coups de fouet du mépris, elle vient à Moi parce qu'elle se rend compte qu'elle a trouvé le Bien, la Joie, la Paix, qu'elle avait inutilement cherchés parmi les pompes du monde. Guéris-toi de cette lèpre de l'âme, pharisien hypocrite, sache avoir une juste vision des choses. Quitte l'orgueil de ton esprit et la luxure de ta chair. Ce sont des lèpres plus fétides que les lèpres corporelles. De cette dernière, mon toucher peut vous guérir parce que vous me faites appel pour elle, mais de la lèpre de l'esprit non, parce que de celle-là vous ne voulez pas guérir parce qu'elle vous plaît. Elle, elle le veut. Et voilà que je la purifie, que je l'affranchis des chaînes de son esclavage. La pécheresse est morte. Elle est là, dans ces ornements qu'elle a honte de m'offrir pour que je les sanctifie en les consacrant à mes besoins et à ceux de mes disciples, pour les pauvres que je secours avec le superflu d'autrui, parce que Moi, Maître de l'univers, je ne possède rien maintenant que je suis le Sauveur de l'homme. Elle est là, dans ce parfum répandu sur mes pieds, humilié comme ses cheveux, sur cette partie du corps que tu as négligé de rafraîchir avec l'eau de ton puits après tant de chemin que j'ai fait pour t'apporter la lumière, à toi aussi. La pécheresse est morte. Et Marie est revenue à la vie, redevenue belle comme une fillette pure par sa vive douleur, par la sincérité de son amour. Elle s'est lavée dans ses larmes. En vérité je te dis, ô pharisien, qu'entre celui qui m'aime dans sa jeunesse pure et celle-ci qui m'aime dans le sincère regret d'un cœur qui renaît à la Grâce, Moi je ne fais pas de différence, et à celui qui est Pur et à la Repentie je confie la charge de comprendre ma pensée comme nul autre, et celle de donner à mon Corps les derniers honneurs et le premier salut (je ne compte pas le salut particulier de ma Mère) quand je serai ressuscité". Voilà ce que je voulais dire par mon regard au pharisien. Mais à toi, je fais remarquer une autre chose, pour ta joie et la joie d'un grand nombre. A Béthanie aussi, Marie répéta le geste qui marqua l'aube de sa rédemption. Il y a des gestes personnels qui se répètent et qui traduisent une personne comme son style. Des gestes uniques. Mais, comme il était juste, à Béthanie le geste est moins humilié et plus confiant dans sa respectueuse adoration. Marie a beaucoup cheminé depuis l'aube de sa rédemption. Beaucoup. L'amour l'a entraînée comme un vent rapide vers les hauteurs et en avant. L'amour l'a brûlée comme un bûcher, détruisant en elle la chair impure et en rendant maître souverain en elle un esprit purifié. Et Marie, différente dans sa dignité de femme retrouvée, comme différente dans son vêtement, simple maintenant comme celui de ma Mère, dans sa coiffure, dans son regard, dans sa contenance, dans sa parole, toute nouvelle, a une nouvelle manière de m'honorer par le même geste. Elle prend le dernier de ses vases de parfum, mis en réserve pour Moi, et me le répand sur les pieds, sans pleurer, avec un regard que rendent joyeux l'amour et la certitude d'être pardonnée et sauvée, et sur la tête. Elle peut bien me faire cette onction et me toucher maintenant la tête, Marie, le repentir et l'amour l'ont purifiée avec le feu des séraphins et elle est un séraphin. Dis-le à toi-même, ô Maria, ma petite "voix", dis-le aux âmes. Va, dis-le aux âmes qui n'osent pas venir à Moi parce qu'elles se sentent coupables. Il est beaucoup, beaucoup, beaucoup pardonné à qui aime beaucoup. A qui m'aime beaucoup. Vous ne savez pas, pauvres âmes, comme vous aime le Sauveur! Ne craignez rien de Moi. Venez. Avec confiance. Avec courage. Je vous ouvre mon Cœur et mes bras. Souvenez-vous-en toujours: "Je ne fais pas de différence entre celui qui m'aime avec une pureté intacte et celui qui m'aime avec le sincère regret d'un cœur qui renaît à la Grâce". Je suis le Sauveur. Souvenez-vous-en toujours. Va en paix. Je te bénis.”
Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie http://www.mariavaltorta.com/

Dimanche 6 juin 2010, Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ, solennité

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 9,11-17.
La foule s'en aperçut et le suivit. Il leur fit bon accueil ; il leur parlait du règne de Dieu, et il guérissait ceux qui en avaient besoin. Le jour commençait à baisser. Les Douze s'approchèrent de lui et lui dirent : « Renvoie cette foule, ils pourront aller dans les villages et les fermes des environs pour y loger et trouver de quoi manger : ici nous sommes dans un endroit désert. » Mais il leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ils répondirent : « Nous n'avons pas plus de cinq pains et deux poissons... à moins d'aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce monde. » Il y avait bien cinq mille hommes. Jésus dit à ses disciples : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante. » Ils obéirent et firent asseoir tout le monde. Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il les bénit, les rompit et les donna à ses disciples pour qu'ils distribuent à tout le monde. Tous mangèrent à leur faim, et l'on ramassa les morceaux qui restaient : cela remplit douze paniers.
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Correspondance dans "l'Evangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta : Tome 4, Ch 136, p 328 - CD 4 (2ème cd), piste 137 -
C'est toujours le même endroit. Seulement le soleil ne vient plus de l'orient en filtrant à travers le fourré qui borde le Jourdain en ce lieu sauvage près de l'endroit où les eaux du lac débouchent dans le lit du fleuve, mais il arrive, pareillement oblique, du couchant, pendant qu'il descend dans une gloire de rouge, en rayant le ciel de ses derniers rayons. Et sous l'épais feuillage, la lumière est très adoucie et tend vers les teintes paisibles du soir. Les oiseaux, enivrés du soleil qu'ils ont eu tout le jour, de la nourriture abondante qu'ils ont prise dans les campagnes voisines, se livrent à une bacchanale de trilles et de chants au sommet des arbres. Le soir tombe avec les pompes finales de la journée. Les apôtres le font remarquer à Jésus qui donne toujours son enseignement d'après les exemples qui se présentent à Lui. “Maître, le soir approche, l'endroit est désert, éloigné des maisons et des villages, ombreux et humide. Sous peu, ici il ne sera plus possible de nous voir ni de marcher. La lune se lève tard. Renvoie le peuple pour qu'il aille à Tarichée ou aux villages du Jourdain pour acheter de la nourriture et chercher un logement.” “Il n'est pas nécessaire qu'ils s'en aillent. Donnez-leur à manger. ils peuvent dormir ici comme ils ont dormi en m'attendant.” “Il ne nous reste que cinq pains et deux poissons, Maître, tu le sais.” “Apportez-les-moi.” “André, va chercher l'enfant. C'est lui qui garde la bourse. Il y a peu de temps il était avec le fils du scribe et deux autres, occupé à se faire des couronnes de fleurs en jouant au roi.” André y va vivement et aussi Jean et Philippe se mettent à chercher Margziam. dans la foule toujours en déplacement. Ils le trouvent presque en même temps, avec son sac de vivres en bandoulière, un long sarment de clématite enroulé autour de la tête et une ceinture de clématite de laquelle pend, en guise d'épée, une massette dont la garde est la massette proprement dite, la lame sa tige. Avec lui, il y en a sept autres pareillement chamarrés, et ils font un cortège au fils du scribe, un enfant très grêle, avec l'œil très sérieux de qui a tant souffert qui, plus fleuri que les autres, tient le rôle de roi. “Viens, Margziam. Le Maître te demande!” Margziam. plante là ses amis et s'en va rapidement, sans même enlever ses… ornements floraux, mais les autres le suivent aussi et Jésus est vite entouré d'une couronne d'enfants enguirlandés. Il les caresse pendant que Philippe sort du sac un paquet avec du pain, au milieu duquel sont enveloppés deux gros poissons: deux kilos de poissons, un peu plus. Insuffisants même pour les dix-sept, ou plutôt les dix-huit avec Manaën, de la troupe de Jésus. On apporte ces vivres au Maître. “C'est bien. Maintenant apportez-moi dés paniers. Dix-sept, un pour chacun. Margziam donnera la nourriture aux enfants…” Jésus regarde fixement le scribe qui est toujours resté près de Lui et lui demande: “Veux-tu donner, toi aussi, la nourriture aux affamés?” “Cela me plairait, mais moi aussi j'en suis démuni.” “Donne la mienne. Je te le permets.” “Mais… tu as l'intention de rassasier presque cinq mille hommes, et en plus les femmes et les enfants, avec ces deux poissons et ces cinq pains?” “Sans aucun doute. Ne sois pas incrédule. Celui qui croit, verra s'accomplir le miracle.” “Oh! alors, je veux bien distribuer la nourriture, moi aussi!” “Alors, fais-toi donner un panier, toi aussi.” Les apôtres reviennent avec des paniers et des corbeilles larges et peu profonds, ou bien profonds et étroits. Et le scribe revient avec un panier plutôt petit. On se rend compte que sa foi ou son manque de foi lui l'a fait choisir comme le plus grand possible. “C'est bien. Mettez tout ici devant et faites asseoir les foules en ordre, en rangs réguliers, autant que possible.” Et pendant cette opération, Jésus élève les pains avec les poissons par dessus, les offre, prie et bénit. Le scribe ne le quitte pas un instant des yeux. Puis, Jésus rompt les cinq pains en dix-huit parts et de même les deux poissons en dix-huit parts. Il met un morceau de poisson, un bien petit morceau, dans chaque panier et fait des bouchées avec les dix-huit morceaux de pain. Chaque morceau en plusieurs bouchées. Elles sont nombreuses relativement: une vingtaine, pas plus. Chaque morceau est placé dans un panier, après avoir été fragmenté, avec le poisson. “Et maintenant prenez et donnez à satiété. Allez. Va, Margziam, le donner à tes compagnons.” “Oh! comme c'est lourd!” dit Margziam en soulevant son panier et en allant tout de suite vers ses petits amis. Il marche comme s'il portait un fardeau. Les apôtres, les disciples, Manaën, le scribe le regardent partir ne sachant que penser… Puis ils prennent les paniers, et en secouant la tête, se disent l'un à l'autre: “Le gamin plaisante! Ce n'est pas plus lourd qu'avant.” Le scribe regarde aussi à l'intérieur et met la main pour tâter au fond du panier parce qu'il n'y a plus beaucoup de lumière, là, sous le couvert où Jésus se trouve, alors que plus loin, dans la clairière, il fait encore assez clair. Mais pourtant, malgré la constatation, ils vont vers les gens et commencent la distribution. Ils donnent, ils donnent, ils donnent. Et de temps à autre, ils se retournent, étonnés, de plus en plus loin, vers Jésus qui, les bras croisés, adossé à un arbre, sourit finement de leur stupeur. La distribution est longue et abondante… Le seul qui ne manifeste pas d'étonnement c'est Margziam qui rit, heureux de remplir de pain et de poisson les mains de tant de pauvres enfants. Il est aussi le premier à revenir vers Jésus, en disant: “J'ai tant donné, tant, tant!… car je sais ce que c'est que la faim…” et il lève son visage qui n'est plus émacié qu'en un souvenir maintenant disparu, cependant il pâlit, en écarquillant les yeux… Mais Jésus le caresse et le sourire revient, lumineux, sur ce visage enfantin qui, confiant, s'appuie contre Jésus, son Maître et Protecteur. Tout doucement les apôtres et les disciples reviennent, rendus muets par la stupeur. Le dernier, le scribe qui ne dit rien. Mais il fait un geste qui est plus qu'un discours: il s'agenouille et baise la frange du vêtement de Jésus. “Prenez votre part, et donnez m'en un peu. Mangeons la nourriture de Dieu.” Ils mangent en effet du pain et du poisson, chacun selon son appétit… Pendant ce temps, les gens, rassasiés, échangent leurs impressions. Même ceux qui sont autour de Jésus se risquent à parler en regardant Margziam qui, en finissant son poisson, plaisante avec les autres enfants. “Maître” demande le scribe, “pourquoi l'enfant a-t-il tout de suite senti le poids, et nous pas? J'ai même fouillé à l'intérieur. Il n'y avait toujours que ces quelques bouchées de pain et cet unique morceau de poisson. J'ai commencé à sentir le poids en allant vers la foule, mais si cela avait pesé pour la quantité que j'ai donné, il aurait fallu un couple de mulets pour le transport, non plus le panier, mais un char complet chargé de nourriture. Au début, j'y allais doucement… puis je me suis mis à donner, à donner, et pour ne pas être injuste, je suis revenu vers les premiers en faisant une nouvelle distribution parce qu'aux premiers j'avais donné peu de chose. Et pourtant, il y en a eu assez.” “Moi aussi, j'ai senti que le panier devenait lourd pendant que j'avançais, et tout de suite j'ai donné abondamment, car j'ai compris que tu avais fait un miracle” dit Jean. “Moi, au contraire, je me suis arrêté et me suis assis, pour renverser sur mon vêtement le fardeau et me rendre compte… Alors j'ai vu des pains et des pains, et j'y suis allé” dit Manaën. “Moi, je les ai même compté pour ne pas faire piètre figure. Il y avait cinquante petits pains. Je me suis dit: "Je vais les donner à cinquante personnes, et puis je reviendrai". Et j'ai compté. Mais, arrivé à cinquante, il y avait toujours le même poids. J'ai regardé à l'intérieur. Il y en avait encore tant. Je suis allé de l'avant et j'en ai donné par centaine. Mais cela ne diminuait jamais” dit Barthélémy. “Moi, je le reconnais, je n'y croyais pas. J'ai pris dans mes mains les bouchées de pain et ce petit morceau de poisson et je les regardais en disant: "A quoi cela va servir? Jésus a voulu plaisanter!…" et je les regardais, je les regardais, restant caché derrière un arbre, espérant et désespérant de les voir croître. Mais c'était toujours la même chose. J'allais revenir quand Mathieu est passé et m'a dit: "Tu as vu comme ils sont beaux?". "Quoi?" ai-je dit. "Mais les pains et les poissons!… Tu es fou? Moi je vois toujours des morceaux de pain". "Va les distribuer avec foi, et tu verras". J'ai jeté dans le panier ces quelques bouchées et je suis allé avec réticence… Et puis… Pardonne-moi, Jésus, car je suis un pécheur!” dit Thomas. “Non, tu es un esprit du monde. Tu raisonnes comme les gens du monde.” “Moi aussi, Seigneur, alors” dit l'Iscariote. “Au point que j'ai pensé donner une pièce avec le pain en pensant: "Ils mangeront ailleurs. J'espérais t'aider à faire meilleure figure. Que suis-je donc, moi? Comme Thomas ou davantage?” “Bien plus que Thomas, tu es "monde".” “Mais pourtant j'ai pensé faire l'aumône pour être Ciel! C'étaient mes deniers à moi…” “Aumône à toi-même et à ton orgueil et non pas à Dieu. Ce dernier n'en a pas besoin et l'aumône à ton orgueil est une faute, pas un mérite.” Judas baisse la tête et se tait. “Moi, de mon côté” dit Simon le Zélote “je pensais que cette bouchée de poisson, ces bouchées de pain, il me fallait les fragmenter pour qu'elles suffisent. Mais je ne doutais pas qu'elles auraient suffi pour le nombre et la valeur nutritive. Une goutte d'eau, donnée par Toi, peut être plus nourrissante qu'un banquet.” “Et vous, que pensiez-vous?” demande Pierre aux cousins de Jésus. “Nous nous rappelions Cana… et nous ne doutions pas” dit sérieusement Jude. “Et toi, Jacques, mon frère, tu n'as pensé qu'à cela?” “Non. J'ai pensé que c'était un sacrement. Comme tu m'en as parlé… Est-ce ainsi ou je me trompe?” Jésus sourit: “Oui et non. A la vérité de la puissance nutritive d'une goutte d'eau, exprimée par Simon, il faut ajouter ta pensée pour une figure lointaine. Mais ce n'est pas encore un sacrement.” Le scribe garde une croûte entre ses doigts. “Qu'en fais-tu?” “Un… souvenir.” “Je la garde, moi aussi. Je la mettrai au cou de Margziam dans un sachet” dit Pierre. “Moi, je la porterai à notre mère” dit Jean. “Et nous? Nous avons tout mangé…” disent les autres, mortifiés. “Levez-vous. Faites de nouveau le tour avec les paniers, recueillez les restes. Séparez les gens les plus pauvres d'avec les autres et amenez-les-moi ici, avec les paniers. Et puis vous, mes disciples, allez tous vers les barques et prenez le large pour aller à la plaine de Génésareth. Je vais congédier les gens après avoir fait une distribution aux plus pauvres et puis je vous rejoindrai.” Les apôtres obéissent… et reviennent avec douze paniers combles de restes, et suivis d'une trentaine de mendiants ou de personnes très misérables. “C'est bien. Allez.” Les apôtres et ceux de Jean saluent Manaën et s'en vont avec un peu de regret de quitter Jésus. Mais ils obéissent. Manaën attend, pour quitter Jésus, que la foule, aux dernières lueurs du jour, s'en aille vers les villages ou cherche une place pour dormir parmi les joncs hauts et secs. Puis il fait ses adieux. Avant lui s'en est allé le scribe, un des premiers même, parce que, avec son petit garçon, il a suivi les apôtres. Lorsque tout le monde est parti ou s'est endormi, Jésus se lève, bénit les dormeurs et à pas lents se dirige vers le lac, vers la péninsule de Tarichée élevée de quelques mètres comme si c'était une avancée de colline dans le lac. Lorsqu'il en a rejoint le pied, sans entrer dans la ville, mais en la côtoyant, il gravit le monticule et s'installe sur un rocher, pour prier, face à l'azur et à la blancheur du clair de lune dans la nuit sereine.
Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie http://www.mariavaltorta.com/