"Lisez cette œuvre et faites-la lire"
Jésus (Chapitre 38, Volume 10 ) à propos de
l’Évangile tel qu’il m’a été révélé.

L'Évangile de la Messe Paul VI
et l’Évangile tel qu’il m’a été révélé de Maria Valtorta.
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Dimanche 26 décembre 2010, Fête de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 2,13-15.19-23. 
Après la visite des mages à Bethléem, l'ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi ; prends l'enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu'à ce que je t'avertisse, car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr. » Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l'enfant et sa mère, et se retira en Égypte, où il resta jusqu'à la mort d'Hérode. Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète : D'Égypte, j'ai appelé mon fils. Après la mort d'Hérode, l'ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte et lui dit : « Lève-toi ; prends l'enfant et sa mère, et reviens au pays d'Israël, car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant. » Joseph se leva, prit l'enfant et sa mère, et rentra au pays d'Israël. Mais, apprenant qu'Arkélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s'y rendre. Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth. Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par les prophètes : Il sera appelé Nazaréen.
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris 
Correspondance dans "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta : Tome 1, Ch 58, p 217 - CD 1, piste 91 - 
Je vois en esprit la scène suivante:
C’est la nuit. Joseph dort sur sa couchette dans sa chambre minuscule. Un sommeil tranquille de qui se repose de beaucoup de travail accompli honnêtement et soigneusement. Je le vois dans l’obscurité de la pièce, à peine amoindrie par un filet de lumière lunaire qui entre par la fente de la fenêtre à peine entrebâillée mais pas fermée complètement, comme si Joseph avait chaud dans ce petit local, ou comme s’il voulait avoir ce petit filet de lumière pour pouvoir se régler sur l’aube et se lever promptement. Il repose sur un côté, et dans son sommeil sourit à je ne sais quelle vision, qu’il a, à un songe. Mais le sourire se change en effroi. Il soupire profondément comme s’il avait un cauchemar et s’éveille en sursaut. Il s’assied sur le lit, se frotte les yeux et regarde autour de lui. Il regarde vers la petite fenêtre d’où vient le filet de lumière. La nuit est profonde, mais il saisit le vêtement étendu au pied du lit, et toujours assis sur le lit l’enfile sur la tunique blanche aux manches courtes qu’il a sur la peau. Il écarte les couvertures, met les pieds à terre et cherche ses sandales. Il les enfile et les lace. Il se lève et se dirige vers la porte en face de son lit, pas celle qui est sur le côté du lit et qui conduit à la pièce où furent accueillis les Mages. Il frappe doucement, à peine un tic-tic, avec l’extrémité des doigts. Il doit comprendre qu’on l’invite à entrer, car il ouvre précautionneusement la porte et la referme sans bruit. Avant de se diriger vers la porte, il a allumé une petite lampe à huile à une seule flamme et s’éclaire avec elle. Il entre, dans une chambre un peu plus grande que la sienne et où se trouve une couchette basse près d’un berceau. Il y a déjà une veilleuse allumée dont la petite flamme qui tremble dans un coin semble une petite étoile lumineuse faible et dorée qui permet de voir sans gêner le sommeil de qui dort. Mais Marie ne dort pas. Elle est agenouillée près du berceau dans son vêtement clair et elle prie, veillant Jésus qui dort tranquillement. Jésus qui a l’âge où je l’ai vu dans la vision des Mages. Un enfant d’un an environ, beau, rose et blond avec sa jolie petite tête aux cheveux bouclés enfoncée dans l’oreiller et une main fermée sous la gorge. “Tu ne dors pas?” demande Joseph à voix basse, étonné. “Pourquoi? Jésus n’est pas bien?” “Oh, non! Il est bien. Je prie. Mais je dormirai après. Pourquoi es-tu venu, Joseph?” Marie parle en restant à genoux comme elle était. Joseph parle à voix très basse pour ne pas éveiller le Bébé mais avec animation. “Il faut partir tout de suite d’ici, mais tout de suite. Prépare le coffre et un sac avec tout ce que tu peux y mettre. Je préparerai le reste. J’emporterai le plus de choses possible… À l’aube nous fuyons. Je le ferais encore plus tôt, mais je dois parler à la propriétaire de la maison…” “Mais pourquoi cette fuite?” “Je t’expliquerai après, c’est pour Jésus. Un ange me l’a dit: Prends l’Enfant et la Mère et fuis en Égypte ". Ne perds pas de temps. Je vais préparer tout ce que je puis.” Pas besoin de dire à Marie de ne pas perdre de temps. Dès qu’elle a entendu parler d’un ange, de Jésus et de fuir, elle a compris qu’il y a danger pour sa Créature et a bondi debout plus pâle avec son visage de cire, en portant angoissée une main sur son cœur. Elle a commencé à marcher, rapide et légère, à ranger les vêtements dans le coffre et dans un grand sac qu’elle a étendu sur son lit encore intact. Elle est angoissée mais elle ne perd pas la tête, elle fait les choses avec empressement mais aussi avec ordre. De temps en temps en passant près du berceau, elle regarde le Bébé qui dort, sans savoir. “As-tu besoin d’aide?” demande de temps à autre Joseph en passant la tête à la porte entrebâillée. “Non, merci” répond toujours Marie. Seulement quand le sac est plein et il doit être lourd, elle appelle Joseph pour qu’il l’aide à le fermer et à l’enlever du lit. Mais Joseph ne veut pas qu’on l’aide et se débrouille seul en prenant le long paquet et en le portant dans sa petite pièce. “Est-ce que je dois prendre les couvertures de laine?” demande Marie. “Prends le plus possible, car le reste nous le perdrons. Mais prends tout ce que tu peux. Ce sera utile parce que… parce que nous devons rester loin longtemps, Marie!…” Joseph est très triste en disant cela. Et pour Marie on peut penser ce qu’il en est. Elle plie en soupirant ses couvertures et celles de Joseph, qui les lie avec une corde. “Nous laisserons les courtepointes et les nattes” dit-il en ficelant les couvertures. “Même si je prends trois ânes, je ne peux trop les charger. Nous avons à parcourir une longue et pénible route, en partie à travers les montagnes et en partie dans le désert. Couvre bien Jésus. Les nuits seront tellement froides dans les montagnes et le désert. J’ai pris les cadeaux des Mages qui nous seront utiles là-bas. Tout ce que j’ai, je le dépense pour acheter les deux ânes. Nous ne pouvons pas les renvoyer et je dois payer comptant. Je vais sans attendre l’aube. Je sais où les trouver. Toi, finis de tout préparer” et il sort. Marie recueille encore quelque objet, puis après avoir observé Jésus, elle sort et revient avec des petits vêtements qui paraissent encore humides, peut-être lavés de la veille. Elle les plie, les enroule dans un linge et les met avec le reste. Plus rien. Elle se tourne et voit dans un coin un petit jouet de Jésus: une petite brebis taillée dans le bois. Elle la prend en sanglotant et la baise. Le bois porte les traces des petites dents de Jésus et les oreilles de la brebis sont toutes mordillées. Marie caresse cet objet sans valeur, taillé dans un morceau de bois blanc, mais de si grand prix pour elle parce que il lui dit l’affection de Joseph pour Jésus et lui parle de son Bébé. Elle le joint aux autres objets sur le coffre fermé. Maintenant il n’y a vraiment plus rien. Jésus seulement dans son berceau. Marie pense qu’il faudrait bien préparer le Bébé. Elle va au berceau et le remue un peu pour réveiller le Petit. Mais il gémit un instant, se retourne et continue de dormir. Marie caresse doucement les boucles de ses cheveux. Jésus ouvre sa petite bouche pour bailler. Marie se penche et le baise sur la joue. Jésus achève de se réveiller. Il ouvre les yeux. Il voit la Maman et sourit et tend ses mains vers son sein. “Oui, amour de ta Maman. Oui, le lait. Avant l’heure habituelle… Mais tu es toujours prêt à sucer ta Maman, mon saint petit agneau!” Jésus rit et joue en agitant ses petits pieds hors des couvertures agitant les bras avec une de ces joies enfantines, si charmantes à voir. Il appuie ses pieds contre l’estomac de sa Maman, se courbe et appuie sa tête blonde sur son sein. Puis il se rejette en arrière et rit en saisissant les cordons qui ferment le vêtement de Marie et en essayant de l’ouvrir. Dans sa chemisette de lin, il apparaît très beau, grassouillet, rose comme une fleur. Marie se penche et restant ainsi en travers du berceau dont elle se fait une protection, elle pleure et rit à la fois, pendant que le Bébé babille avec ces paroles - qui n’en sont pas - de tous les bébés et où on distingue nettement “Maman”. Il la regarde étonné de la voir pleurer. Il étend la main vers les larmes claires qui sillonnent les joues de Marie et la mouille en faisant des caresses. Puis dans cette délicieuse attitude, il s’appuie de nouveau sur le sein maternel, se serre tout contre en le caressant de sa petite main. Marie baise sa chevelure, le prend, s’assied et l’habille. Voilà: le petit vêtement de laine est enfilé et ses pieds ont chacun des sandales minuscules. Elle lui donne le lait et Jésus suce avidement le bon lait de sa Maman. Quand il lui semble qu’à droite il n’en vient plus qu’un peu, il s’en va chercher à gauche et rit, et ce faisant il regarde par en dessous sa Maman. Puis il s’endort, la tête sur le sein de Marie, sa petite joue rose et ronde contre le sein blanc et arrondi de sa Mère. Marie se relève, doucement et le dépose sur la courte pointe de son lit. Elle le couvre de son manteau. Elle va au berceau et plie les petites couvertures. Elle se demande si elle doit prendre aussi le petit matelas. Il est si petit! Elle peut le prendre. Elle le met, avec l’oreiller, près des objets qui sont déjà sur le coffre. Et elle pleure sur le berceau vide, pauvre Maman, persécutée dans sa Créature! Joseph revient: “Es-tu prête? Jésus l’est-il aussi? As-tu pris ses couvertures, sa petite couchette? Nous ne pouvons emporter le berceau, mais au moins qu’il ait son petit matelas, le pauvre Petit qu’ils cherchent à faire mourir!” “Joseph!” Elle pousse un cri pendant qu’elle s’accroche au bras de Joseph. “Oui, Marie, à le faire mourir! Hérode veut sa mort… parce qu’il en a peur… pour son pouvoir royal, il a peur de cet Innocent, ce fauve immonde. Que fera-t-il quand il apprendra qu’il est en fuite, je ne sais. Mais nous serons loin alors. Je ne crois pas qu’il se vengera en le cherchant jusqu’en Galilée. Déjà il serait trop difficile de découvrir que nous sommes Galiléens et encore moins de Nazareth, et qui nous sommes, exactement. À moins que Satan ne l’aide pour le remercier d’être pour lui un serviteur dévoué. Mais… si cela arrivait… Dieu nous aidera de son côté. Ne pleure pas Marie. Te voir pleurer m’afflige bien plus que de devoir partir pour l’exil.” “Pardonne-moi, Joseph! Ce n’est pas pour moi que je pleure, ni pour le peu de bien que je perds. C’est pour toi… Tu as déjà dû tellement te sacrifier! Et maintenant tu vas te trouver sans clients, sans maison! Combien je te coûte, Joseph!” “Combien? Non, Marie. Tu ne me coûtes pas. Tu me consoles. Toujours. Ne pense pas à demain. Nous avons les richesses des Mages. Elles nous aideront pour les premiers temps. Puis, je trouverai du travail. Un ouvrier honnête et capable se débrouille, tout de suite. Tu as vu ici. Je n’arrivais pas à trouver du temps pour tout faire.” “Je sais, mais qui te guérira de ta nostalgie?” “Et toi, qui te guérira de la nostalgie de la maison qui t’est si chère?” “Jésus. En le possédant j’ai encore ce que j’ai eu là-bas.” “Et moi, possédant Jésus, je possède la patrie que j’espérais retrouver il y a quelques mois. Je possède mon Dieu. Tu vois que je n’ai rien perdu de ce qui par-dessus tout m’est cher. Il nous suffit de sauver Jésus et alors tout nous reste. Même si nous ne devions plus voir ce ciel, ces campagnes et celles plus chères de la Galilée, nous aurions tout parce que nous l’avons, Lui. Viens, Marie, l’aube commence à poindre il est temps de saluer notre hôtesse et de charger nos affaires. Tout ira bien.” Marie se lève obéissante. Elle s’enveloppe dans son manteau pendant que Joseph fait un dernier paquet qu’il emporte en sortant. Marie soulève délicatement le Bébé, l’enveloppe dans un châle et le serre sur son cœur. Elle regarde les murs qui l’ont abritée des mois durant et les effleure de la main. Bienheureuse maison qui as mérité d’être aimée et bénie par Marie! Elle sort. Elle traverse la petite pièce qui était celle de Joseph, elle entre dans l’autre pièce. La propriétaire, toute en larmes, la baise et la salue. Soulevant un coin du châle, elle baise au front le Bébé qui dort tranquille. Ils descendent le petit escalier extérieur. Il y a une première clarté de l’aube qui permet tout juste de distinguer les objets. Dans cette pénombre on aperçoit les trois montures. La plus robuste porte les charges. Les autres ont la selle. Joseph s’applique à bien disposer le coffre et les paquets sur le bât du premier âne. Je vois empaquetés et posés sur le haut du sac les outils de charpentier. De nouveau, adieux et larmes, puis Marie monte sur son âne, pendant que la propriétaire tient Jésus à son cou et le baise une dernière fois avant de le rendre à sa Mère. Joseph aussi monte en selle après avoir attaché son âne à celui qui porte les bagages pour être libre de tenir l’ânon de Marie. La fuite commence pendant que Bethléem, qui rêve encore à la scène fantasmagorique des Mages, dort tranquillement, inconsciente de ce qui l’attend.
C’est la fin de la vision.
Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie http://www.mariavaltorta.com/

Samedi 25 décembre 2010, Nativité du Seigneur Jésus-Christ, solennité (messe de la nuit)

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 2,1-14.
En ces jours-là, parut un édit de l'empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre - ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. - Et chacun allait se faire inscrire dans sa ville d'origine. Joseph, lui aussi, quitta la ville de Nazareth en Galilée, pour monter en Judée, à la ville de David appelée Bethléem, car il était de la maison et de la descendance de David. Il venait se faire inscrire avec Marie, son épouse, qui était enceinte. Or, pendant qu'ils étaient là, arrivèrent les jours où elle devait enfanter. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l'emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n'y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L'ange du Seigneur s'approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d'une grande crainte, mais l'ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd'hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l'ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu'il aime. »
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Correspondance dans "l'Evangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta : Tome 1, Ch 49, p 180 - CD 1, piste 74 -
(...) La lune est au zénith et elle cingle tranquille dans un ciel tout constellé. Les étoiles paraissent des clous de diamant enfoncés dans un immense baldaquin de velours bleu foncé. Et la lune rit au milieu avec sa figure toute blanche d’où descendent des fleuves de lumière laiteuse qui donnent une teinte blanche au paysage. Les arbres dépouillés de leur feuillage se détachent plus grands et sombres sur cette blancheur, pendant que les murets qui surgissent çà et là ressemblent à du lait caillé. Une maisonnette, dans le lointain, semble être un bloc de marbre de Carrare. Sur ma droite, je vois un endroit enclos sur deux côtés par une haie de ronces et sur les deux autres par un mur bas et grossier. Ce mur soutient le toit d’une sorte de hangar qui, à l’intérieur de l’enceinte est construit partie en maçonnerie, partie en bois en sorte qu’en été on doit en lever la partie faite en bois et le hangar se change en portique. De là, sort de temps en temps un bêlement intermittent et bref. Ce doit être des brebis qui rêvent ou qui croient l’aube proche à cause du clair de lune. C’est une clarté, excessive même, tant elle est intense, et qui s’accroît comme si l’astre s’approchait de la terre ou étincelait par suite d’un mystérieux incendie. Un berger s’avance sur le seuil. Il lève le bras à hauteur du front pour ménager ses yeux et regarde en l’air. Il semble impossible qu’on doive s’abriter de la clarté de la lune, mais elle est si vive qu’elle éblouit, en particulier celui qui sort d’un enclos, d’ordinaire ténébreux. Tout est calme, mais cette clarté est étonnante. Le berger appelle ses compagnons. Ils s’amènent tous à la porte. Un tas d’hommes hirsutes, de tous âges. Il y a des adolescents et d’autres qui déjà blanchissent. Ils commentent le fait étrange et les plus jeunes ont peur, spécialement un garçon d’une douzaine d’années qui se met à pleurer, s’attirant les moqueries des plus vieux. “De quoi as-tu peur, sot que tu es?” lui dit le plus vieux. “Tu ne vois pas que l’air est tranquille? Tu n’as jamais vu un clair de lune? Es-tu toujours resté sous la robe de la maman comme un poussin sous la poule couveuse? Mais, tu en verras des choses! Une fois j’étais allé vers les monts du Liban, plus loin encore. Je montais. J’étais jeune et la marche ne me fatiguait pas. J’étais riche aussi à cette époque… Une nuit, je vis une lumière telle que je pensai qu’Élie allait revenir avec son char de feu. Le ciel était tout embrasé. Un vieux - le vieux c’était lui - me dit: "Un grand événement va bientôt se produire dans le monde". Et pour nous ce fut un événement: l’arrivée des soldats de Rome. Oh! tu en verras si tu vis…” Mais le pastoureau ne l’écoute plus. Il semble n’avoir plus peur. En effet, il quitte le seuil et s’esquive de derrière les épaules d’un berger musclé derrière lequel il s’était réfugié et sort dans le pare qui se trouve devant le hangar. Il regarde en l’air et marche comme un somnambule ou comme s’il était hypnotisé par quelque chose qui le captive totalement. À un moment il crie: “Oh!” et reste comme pétrifié, les bras légèrement ouverts. Les autres se regardent, étonnés. “Mais qu’a donc ce sot?” dit quelqu’un. “Demain je le ramène à sa mère. Je ne veux pas d’un fou pour garder les brebis” dit un autre. Et le vieux qui a parlé précédemment dit alors: “Allons voir avant de juger. Appelez aussi les autres qui dorment et prenez des bâtons. Il y a peut-être une mauvaise bête ou des malandrins…” Ils rentrent, ils appellent les autres bergers et sortent avec des torches et des matraques. Ils rejoignent l’enfant. “Là, là” murmure-t-il en souriant. “Au-dessus de l’arbre regardez cette lumière qui arrive. On dirait qu’elle s’avance sur un rayon de lune. La voilà qui approche. Comme elle est belle!” “Moi, je ne vois qu’une clarté un peu vive.” “Moi aussi.” “Moi aussi” disent les autres. “Non. Je vois quelque chose qui ressemble à un corps” dit un autre en qui je reconnais le berger qui a donné le lait à Marie. “C’est un… c’est un ange!” crie l’enfant. “Le voilà qui descend et s’approche… Par terre! À genoux devant l’Ange de Dieu!” Un “Oh!” prolongé et respectueux s’élève du groupe des bergers qui tombent le visage contre terre et paraissent d’autant plus frappés par l’apparition qu’ils sont plus âgés. Les plus jeunes sont à genoux et regardent l’ange qui s’approche toujours plus, et s’arrête en l’air déployant ses grandes ailes, blancheur de perles dans la blancheur lunaire qui l’enveloppe, au-dessus du mur d’enceinte. “Ne craignez pas, je ne vous porte pas malheur. Je vous apporte la nouvelle d’une grande joie pour le peuple d’Israël et pour tous les peuples de la terre.” La voix angélique, c’est une harpe harmonieuse qui accompagne des voix de rossignols. “Aujourd’hui, dans la cité de David, est né le Sauveur.” À ces mots, l’ange ouvre plus grandes ses ailes et les agite comme par un tressaillement de joie et une pluie d’étincelles d’or et de pierres précieuses paraît s’en échapper. Un véritable arc-en-ciel qui dessine un arc de triomphe au-dessus du pauvre pare. “… le Sauveur qui est le Christ.” L’ange brille d’une lumière plus éclatante. Ses deux ailes, maintenant arrêtées et tendues vers le ciel semblent deux voiles immobiles sur le saphir de la mer, semblent deux flammes qui montent ardentes. “… Christ, le Seigneur!” L’ange replie ses ailes de lumière et s’en couvre comme d’un survêtement de diamant sur un habit de perles, il s’incline comme pour adorer avec les bras serrés sur le cœur et le visage qui disparaît, incliné comme il est sur la poitrine, dans l’ombre du haut des ailes repliées. On ne voit plus qu’une forme allongée et lumineuse, immobile pendant la durée d’un Gloria. Mais voici qu’il bouge. Il rouvre les ailes et lève son visage où la lumière s’épanouit en un sourire paradisiaque et il dit: “Vous le reconnaîtrez à ces signes: dans une pauvre étable, derrière Bethléem, vous trouverez un bébé enveloppé dans des langes couché dans une mangeoire d’animaux, parce que pour le Messie, il n’y a pas eu de toit dans la cité de David.” En disant cela, l’ange devient grave, même triste. Mais des Cieux arrive une foule - oh! quelle foule! - une foule d’anges qui lui ressemblent, une échelle d’anges qui descendent dans l’allégresse, éclipsent la lune par leur lumière paradisiaque. Ils se rassemblent autour de l’ange annonciateur, en agitant leurs ailes, en répandant des parfums, en une harmonie musicale où toutes les voix les plus belles de la création se retrouvent, mais portées à la perfection de leur sonorité. Si la peinture est l’effort de la matière pour devenir lumière, ici la mélodie est l’effort de la musique pour exprimer aux hommes la beauté de Dieu, et entendre cette mélodie c’est connaître le Paradis, où tout est harmonie de l’amour qui de Dieu se donne, se répandant pour réjouir les bienheureux et retourner de ceux-ci à Dieu et Lui dire: “Nous t’aimons!” Le “Gloria” angélique se répand en ondes de plus en plus étendues sur la campagne tranquille, ainsi que la lumière. Les oiseaux unissent leurs chants pour saluer cette lumière précoce et les brebis leurs bêlements pour ce soleil anticipé. Mais moi, comme déjà dans la grotte pour le bœuf et l’âne, j’aime croire que ce sont les animaux qui saluent leur Créateur, venu au milieu d’eux pour les aimer comme Homme et en plus que comme Dieu. Le chant décroît, et la lumière aussi pendant que les anges remontent aux Cieux… Les bergers reviennent à eux-mêmes. “As-tu entendu?” “Allons-nous voir?” “Et les animaux?” “Oh! il ne leur arrivera rien. Allons pour obéir à la parole de Dieu!…” “Mais, où aller?” “N’a-t-il pas dit qu’il était né aujourd’hui et qu’il n’avait pas trouvé de logement à Bethléem?” Et le berger qui a donné le lait c’est lui qui parle maintenant. “Venez, je sais. J’ai vu la femme et elle m’a fait de la peine. Je lui ai indiqué un endroit pour elle, parce que je pensais bien qu’elle ne trouverait pas de logement et à l’homme je lui ai donné du lait pour elle. Elle est si jeune et si belle. Elle doit être bonne comme l’ange qui nous a parlé. Venez, venez. Allons prendre du lait, des fromages, des agneaux et des peaux tannées de brebis. Ils doivent être très pauvres et… qui sait quel froid pour Celui que je n’ose nommer! Et penser que j’ai parlé à la Mère comme à une pauvre épouse!…” Ils vont au hangar et en sortent, peu après, portant qui des récipients de lait, qui des fromages ronds enveloppés dans des filets de sparterie, qui des paniers avec un agneau bêlant, qui des peaux de brebis apprêtées. “Moi je porte une brebis qui a eu un agneau il y a un mois. Son lait est excellent. Il pourra leur être utile si la femme en manque. Elle me semblait une bambine, et si pâle!… Un teint de jasmin, au clair de lune” dit le berger du lait. Et il les conduit. Ils s’en vont éclairés par la lune et des torches après avoir fermé le hangar et l’enceinte. Ils vont par les sentiers champêtres, à travers des haies de ronces dépouillées par l’hiver. Ils font le tour de Bethléem et arrivent à l’étable non par le chemin qu’avait suivi Marie, mais en sens contraire. Ainsi ils ne passent pas devant les grottes mieux aménagées mais trouvent immédiatement le refuge qu’ils cherchent. Ils s’approchent au trou. “Entre!” “Moi, je n’ose pas.” “Entre, toi.” “Non.” “Regarde au moins.” “Toi, Lévi qui as vu l’ange le premier, cela veut dire que tu es plus bon que nous, regarde.” Vraiment ils l’avaient d’abord traité de fou… mais maintenant il leur est utile que le gamin ose ce que eux n’osent pas. L’enfant hésite mais se décide ensuite. Il s’approche du refuge, écarte un peu le manteau… et s’arrête en extase. “Que vois-tu?” lui demandent-ils anxieux à voix basse. “Je vois une femme toute jeune et belle et un homme penché sur une mangeoire et j’entends… j’entends un bébé qui pleure et la femme lui dit d’une voix… oh! quelle voix!” “Que dit-elle?” “Elle dit: "Jésus, mon tout petit! Jésus, amour de ta Maman! Ne pleure pas, mon petit Enfant!" Elle dit: "Oh! si je pouvais te dire: ‘Prends le lait, mon tout petit’. Mais je ne l’ai pas encore!" Elle dit: "Tu as si froid, mon amour! Le foin te pique. Quelle douleur pour ta Maman de t’entendre pleurer ainsi! Sans pouvoir te soulager". Elle dit: "Dors, ma petite âme! Mon cœur se fend de t’entendre et de voir tes larmes". Elle le baise et réchauffe ses petits pieds avec ses mains. Elle est penchée abaissant ses mains sur la mangeoire.” “Appelle! Montre que tu es là!” “Moi non. Vous plutôt qui nous avez conduit et la connaissez.” Le berger ouvre la bouche et se borne à un soupir bruyant. Joseph se retourne et vient à la porte. “Qui êtes-vous?” “Des bergers. Nous vous apportons de la nourriture et de la laine. Nous venons adorer le Sauveur.” “Entrez.” Ils entrent dans l’étable qui s’éclaire à la lumière des torches. Les vieux poussent les jeunes devant eux. Marie se retourne et sourit: “Venez” dit-elle. “Venez!” et elle les invite de la main et par son sourire et elle prend le garçon qui a vu l’ange et l’attire à elle, tout près de la crèche. Et l’enfant regarde, radieux. Les autres, invités aussi par Joseph, s’avancent avec leurs cadeaux. Et puis, avec des paroles brèves, émues, les déposent aux pieds de Marie. Et puis, ils regardent le petit Bébé qui pleure doucement et ils sourient, émus et heureux. L’un d’eux plus hardi dit: “Prends, Mère, elle est soyeuse et propre. Je l’avais préparée pour le bambin qui va bientôt naître chez nous, mais je te la donne. Mets ton Fils dans cette laine, elle sera douce et chaude.” Et il offre une peau de brebis, une très belle peau avec une longue toison de laine toute blanche. Marie soulève Jésus et l’en enveloppe. Elle le montre aux bergers qui, à genoux sur la litière du sol, le regardent extasiés. Ils se font plus hardis et l’un d’eux propose: “Il faudrait Lui donner une gorgée de lait ou mieux de l’eau et du miel. Mais nous n’avons pas de miel. On en donne aux tout petits. J’ai sept enfants, je suis au courant…” “Voilà du lait. Prends, Femme.” “Mais il est froid. Il faut du chaud. Où est Élie? C’est lui qui a la brebis.” Élie doit être l’homme au lait, mais il n’est pas là. Il s’est arrêté dehors et regarde par une fente et il est perdu dans l’obscurité de la nuit. “Qui vous a amenés ici?” “Un ange nous a dit de venir et Élie nous a conduits. Mais où est-il à présent?” Un bêlement de la brebis le trahit. “Avance, on demande de toi.” Il entre avec la brebis, intimidé d’être le plus remarqué. “C’est toi?” dit Joseph qui le reconnaît. Et Marie lui sourit en disant: “Tu es bon.” Ils traient la brebis, et trempant l’extrémité d’un linge dans le lait chaud et écumeux, Marie baigne les lèvres au Petit qui suce cette douceur crémeuse. Ils sourient tous, et plus encore lorsque avec le coin de la toile encore entre les lèvres, Jésus s’endort dans la tiédeur de la laine. “Mais vous ne pouvez rester ici. Il fait froid et humide. Et puis… avec cette odeur d’animaux! Ça ne va pas… et…. ça ne va pas pour le Sauveur.” “Je le sais” dit Marie avec un grand soupir. “Mais il n’y a pas de place pour nous à Bethléem.” “Prends courage, ô Femme. Nous allons te chercher une maison.” “Je vais en parler à ma patronne” dit l’homme au lait, Élie. “Elle est bonne. Elle vous accueillera, dut-elle vous céder sa pièce. Dès qu’il va faire jour, je lui en parle. Elle a sa maison toute pleine, mais elle vous donnera une place.” “Pour le Petit au moins. Moi et Joseph, n’importe si nous restons encore par terre. Mais pour le Petit…” “Ne soupire pas, Femme, j’y pense. Je raconterai à beaucoup de gens ce qui nous a été dit. Vous ne manquerez de rien. Pour le moment, prenez ce que notre pauvreté peut vous donner. Nous sommes des bergers…” “Nous sommes pauvres, nous aussi” dit Joseph. “Et ne pouvons vous dédommager.” “Oh! nous ne voulons pas! Même si vous le pouviez nous ne le voudrions pas! Le Seigneur nous a déjà récompensés. La paix, il l’a promise à tout le monde. Les anges disaient: "Paix aux hommes de bonne volonté". Mais à nous, il l’a déjà donnée car l’ange a dit que cet Enfant, c’est le Sauveur, le Christ, le Seigneur. Nous sommes pauvres et ignorants, mais nous savons que les Prophètes disent que le Sauveur sera le Prince de la Paix et à nous il a dit d’aller l’adorer. Ainsi il nous a donné sa paix. Gloire à Dieu au plus haut des Cieux et gloire à celui qui est son Christ! Et toi, sois bénie, Femme qui l’as engendré! Tu es Sainte puisque tu as mérité de le porter! Commande-nous, comme une Reine, car nous serons contents de te servir. Que pouvons-nous faire pour toi?” “Aimer mon Fils, et avoir toujours dans le cœur vos pensées de maintenant.” “Mais pour toi, tu ne désires rien? Tu n’as pas de parents à qui faire savoir que ton Fils est né?” “Oui, j’en aurais. Mais ils ne sont pas près d’ici. Ils sont à Hébron…” “J’y vais moi” dit Élie. “Qui sont-ils?” “Zacharie, le prêtre, et Elisabeth ma cousine.” “Zacharie, oh! Je le connais bien. En été je vais sur ces montagnes où il y a de riches et beaux pâturages et je suis l’ami de son berger. Quand je vais te savoir arrangée, je vais chez Zacharie.” “Merci, Élie.” “De rien. C’est grand honneur pour moi, pauvre berger, d’aller parler au prêtre et de lui dire: "Le Sauveur est né".” “Non. Tu lui diras: "Marie de Nazareth, ta cousine, a dit que Jésus est né, et de venir à Bethléem".” “C’est ainsi que je dirai.” “Dieu t’en récompense, je me souviendrai de toi, de vous tous…” “Tu parleras à ton Enfant de nous?” “Oui.” “Je suis Élie.” “Moi Lévi.” “Moi Samuel.” “Moi Jonas.” “Moi Isaac.” “Moi Tobie.” “Moi Jonathas.” “Et moi Daniel.” “Et Siméon, moi.” “Et moi, mon nom est Jean.” “Moi je m’appelle Joseph et mon frère Benjamin, nous sommes jumeaux.” “Je me rappellerai vos noms.” “Il nous faut partir… Mais nous reviendrons… Et nous t’en amènerons d’autres pour adorer!…” “Comment revenir au pare en laissant ce Petit?” “Gloire à Dieu qui nous l’a montré!” “Fais-nous baiser son habit” dit Lévi avec un sourire d’ange. Marie lève doucement Jésus et, assise sur le foin, présente aux baiser, les pieds minuscules, enveloppés d’un linge. Ceux qui ont de la barbe se l’essuient d’abord. Tous, presque, pleurent et quand ils doivent partir, ils sortent à reculons, laissant leur cœur près de la crèche… La vision se termine ainsi pour moi: Marie assise sur la paille avec l’Enfant sur son sein et Joseph qui accoudé au bord de la crèche, regarde et adore.
(...) Les bergers sont les premiers adorateurs du Corps de Dieu. En eux il y a toutes les qualités requises pour être des adorateurs de mon Corps, âmes eucharistiques. Une foi assurée: ils croient à l’ange promptement et aveuglément. La générosité: ils donnent toute leur richesse au Seigneur. L’humilité: ils s’approchent des personnes plus pauvres humainement d’eux, modestement, avec des actes qui n’humilient pas, et se disent leurs serviteurs. Le désir: ce qu’ils ne peuvent donner d’eux-mêmes, ils s’ingénient promptement à le procurer avec un zèle courageux. La promptitude de l’obéissance: Marie désire que Zacharie soit averti et Élie y va tout de suite. Il ne remet pas à plus tard. L’amour, enfin: ils ne peuvent s’arracher de la crèche, et toi tu dis: "Ils y laissent leur cœur". C’est bien dit. Mais ne faudrait-il pas se comporter ainsi, même avec mon Sacrement? C’est une autre chose, mais c’est pour toi seule que je le dis: remarque à qui se montre d’abord l’ange et qui mérite d’éprouver les sentiments affectueux de Marie. Au jeune garçon, Lévi. À qui a une âme d’enfant, Dieu se montre et montre ses mystères. Il lui permet d’entendre les paroles divines et celles de Marie. Et qui a une âme d’enfant a aussi la sainte hardiesse de Lévi et dit: "Fais-moi baiser le vêtement de Jésus". Il le dit à Marie, parce que Marie est toujours celle qui vous donne Jésus. Elle, la porteuse de l’Eucharistie, Elle le Ciboire Vivant. Qui va à Marie me trouve. Qui me demande à Elle me reçoit par Elle. Le sourire de ma Mère, quand une créature Lui dit: "Donne moi ton Jésus, que je l’aime" fait briller les Cieux d’une plus vive et joyeuse splendeur, tant elle en a de la joie. Dis-lui donc: "Fais-moi baiser le vêtement de Jésus, fais-moi baiser ses plaies". Et ose encore davantage. Dis-lui: "Fais reposer ma tête sur le cœur de ton Jésus pour y puiser la béatitude". Viens et repose-toi, comme Jésus au berceau, entre Jésus et Marie.”
Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie. http://www.mariavaltorta.com/

Dimanche 19 décembre 2010, Quatrième Dimanche de l'Avent

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 1,18-24. 
Voici quelle fut l'origine de Jésus Christ. Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu'ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la répudier en secret. Il avait formé ce projet, lorsque l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint ; elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c'est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Tout cela arriva pour que s'accomplît la parole du Seigneur prononcée par le prophète: Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d'Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous ». Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l'ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse.
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris 
Correspondance dans "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta : Tome 1, Ch 42, p 155 - CD 1, piste 63 - 
 Après cinquante trois jours, la Maman recommence à se manifester avec cette vision qu’Elle me dit de noter dans ce livre. La joie renaît en moi, parce que voir Marie, c’est posséder la joie. Je vois donc le petit jardin de Nazareth. Marie file à l’ombre d’un pommier à la frondaison touffue et surchargé de fruits qui commencent à rougir. On dirait des joues d’enfants arrondies et rosées. Mais Marie n’a pas ces belles couleurs. Le teint que ses joues avaient à Hébron a disparu. Le visage est pâle comme de l’ivoire. Seules les lèvres y dessinent une courbe de pâle corail. Sous les paupières abaissées, deux ombres obscures, et le bord des yeux est gonflé comme après des pleurs. Je ne vois pas les yeux, parce qu’elle a la tète plutôt inclinée, attentive à son travail, et plus encore à des pensées attristantes car je l’entends soupirer comme quelqu’un qui souffre douloureusement dans son cœur. Elle est toute habillée de blanc, de vêtements de lin blancs parce qu’il fait très chaud, bien que la fraîcheur encore intacte des fleurs me dise que c’est le matin. Elle a la tête découverte et le soleil qui joue avec le feuillage du pommier, remué par un vent très léger, et qui filtre en faisant des raies de lumière sur la terre brune des parterres, dessine des ronds lumineux sur sa tête blonde et sur les cheveux qui ont des reflets d’or pur. De la maison ne vient aucun bruit, ni non plus du voisinage. On entend le murmure d’un filet d’eau qui coule dans une vasque au fond du jardin. Marie sursaute en entendant un coup frappé résolument à la porte extérieure de la maison. Elle pose sa quenouille et son fuseau et se lève pour aller ouvrir. Bien que son habit soit souple et ample, elle n’arrive pas à cacher complètement la rondeur du bassin. Elle se trouve en face de Joseph. Elle pâlit jusqu’aux lèvres. En ce moment son visage semble une hostie tant il est exsangue. Marie regarde d’un œil qui interroge avec tristesse. Le regard de Joseph paraît suppliant. Ils gardent le silence, en se regardant. Puis Marie ouvre la bouche: “A cette heure, Joseph? As-tu besoin de quelque chose? Que veux-tu me dire? Viens.” Joseph entre et ferme la porte. Il ne parle pas encore. “Parle Joseph, qu’est-ce que tu veux?” “Ton pardon.” Joseph s’incline comme s’il voulait s’agenouiller. Mais Marie, toujours si réservée pour le toucher, le prend résolument par les épaules et l’en empêche. La couleur va et vient sur le visage de Marie, tantôt rouge, tantôt pâle comme il était avant. “Mon pardon? Je n’ai rien à te pardonner, Joseph. Je n’ai qu’à te remercier encore de tout ce que tu as fait ici en mon absence et pour l’amour que tu me portes.” Joseph la regarde et je vois deux grosses larmes qui se forment dans la cavité de son œil profond. Elles restent comme sur le bord d’un vase et puis roulent sur les joues et sur la barbe. “Pardon, Marie. J’ai manqué de confiance. Maintenant, je sais. Je suis indigne d’avoir un tel trésor. J’ai manqué de charité. Je t’ai accusée en mon cœur. Je t’ai accusée sans justice puisque je ne t’avais pas demandé de me dire la vérité. J’ai failli envers la Loi de Dieu en ne t’aimant pas comme je me serais aimé…” “Oh! non! Tu n’as pas manqué!” “Oui, Marie. Si j’avais été accusé d’un pareil crime, je me serais défendu. Toi… Je ne t’ai pas permis de te défendre, puisque j’allais prendre une décision sans t’interroger. Je t’ai manqué en t’offensant par un soupçon. Rien qu’un soupçon, c’est une offense, Marie. Qui soupçonne méconnaît. Je ne t’ai pas connue comme je le devais. Mais pour la douleur que j’ai soufferte… trois journées de supplice, pardonne-moi, Marie.” “Je n’ai rien à te pardonner. Mais plutôt je te demande pardon de la douleur que je t’ai causée.” “Oh! oui, quelle douleur ç’a été! Quelle douleur! Regarde. Ce matin, on m’a dit que j’avais des cheveux blancs sur les tempes et des rides sur le visage. Plus de dix ans de vie se sont écoulés en ces jours. Mais pourquoi, Marie, as-tu été humble au point de me cacher à moi, ton époux, ta gloire, et permettre que je te soupçonne?” Joseph n’est pas à genoux, mais il est tellement courbé que c’est tout comme, et Marie pose sur sa tête sa petite main en souriant. Il semble qu’elle l’absolve. Elle dit: “Si mon humilité n’avait pas été parfaite, je n’aurais pas mérité de concevoir Celui qu’on attendait. Celui qui vient annuler la faute d’orgueil qui a ruiné l’homme. Et puis j’ai obéi… Dieu m’a demandé cette obéissance. Elle m’a coûté tellement… pour toi, pour la douleur que tu en éprouverais. Mais je n’avais qu’à obéir. Je suis la servante de Dieu et les serviteurs ne discutent pas les ordres qu’ils reçoivent. Ils les exécutent, Joseph, même s’ils leur font pleurer du sang.” Marie pleure doucement en disant cela. Si doucement que Joseph tout courbé ne s’en aperçoit que quand une larme tombe à terre. Alors il redresse la tête et - c’est la première fois que je le vois faire cela - il serre les petites mains de Marie dans ses mains fortes et hâlées et baise l’extrémité de ces doigts délicats qui sortent comme des boutons de pêcher de l’étreinte des mains de Joseph. “Maintenant il faut pourvoir, parce que…” Joseph n’ajoute rien, mais regarde le corps de Marie, qui s’assied tout de suite, pour ne pas rester ainsi exposée au regard qui se pose sur elle. “Il faudra faire vite. Je viendrai ici… Nous accomplirons le mariage… La semaine prochaine, ça va…?” “Tout ce que tu fais est bien Joseph. Tu es le chef de la maison moi, je suis ta servante.” “Non, c’est moi qui suis ton serviteur. Je suis le bienheureux serviteur de mon Seigneur qui grandit en ton sein. Toi, tu es la bénie entre toutes les femmes d’Israël. Ce soir, je préviendrai les parents. Et après… quand je serai ici, nous travaillerons pour préparer tout à sa venue… Oh! comment pourrai-je recevoir dans ma maison mon Dieu? Dans mes bras Dieu? J’en mourrai de joie!… Je ne pourrai jamais oser le toucher!…” “Tu le pourras, comme moi je le pourrai, avec la grâce de Dieu.” “Mais toi, c’est toi. Moi, je suis un pauvre homme, le plus pauvre des fils de Dieu!…” “Jésus vient pour nous qui sommes pauvres, pour nous faire riches en Dieu. Il vient vers nous deux, parce que nous sommes les plus pauvres et que nous le reconnaissons. Réjouis-toi, Joseph. La race de David a le Roi qu’elle attendait et notre maison devient plus fastueuse que le palais royal de Salomon, car ici il y aura le Ciel et nous partagerons avec Dieu le secret de paix que plus tard les hommes apprendront. Il grandira parmi nous et nos bras seront un berceau pour le Rédempteur qui grandit, et nos fatigues Lui procureront le pain… Oh! Joseph! Nous entendrons la voix de Dieu nous appeler "père et Mère!" Oh!…” Marie pleure de joie. Des larmes si heureuses! Et Joseph, agenouillé maintenant à ses pieds, pleure, la tête cachée dans l’ample vêtement de Marie qui descend en faisant des plis sur le pauvre carrelage de la petite pièce. La vision se termine là.


Marie dit: “Que personne n’interprète d’une manière inexacte ma pâleur. Elle ne provenait pas d’une crainte humaine. Humainement j’aurais dû m’attendre à la lapidation. Mais ce n’était pas le motif de ma crainte. Je souffrais de la douleur de Joseph. Même la pensée qu’il m’aurait accusée ne me troublait pas en elle-même. Seulement il me déplaisait qu’en s’arrêtant à la pensée de m’accuser il manquât à la charité. Quand je le vis, mon sang ne fit qu’un bond à cause de cela. C’était le moment où un juste aurait pu offenser la Justice en manquant à la charité. Et qu’un juste y manquât, lui qui n’y manquait jamais, cela m’aurait causé la plus extrême douleur. Si je n’avais pas porté l’humilité à son extrême limite comme je l’ai dit à Joseph, je n’aurais pas mérité de porter en moi Celui qui, pour effacer l’orgueil de la race humaine s’anéantissait, Lui, qui était Dieu, jusqu’à devenir un homme. Je t’ai fait voir cette scène qu’aucun évangile ne rapporte parce que je voulais attirer l’attention des hommes trop étrangère aux conditions essentielles pour plaire à Dieu et recevoir dans le cœur sa continuelle venue. Foi. Joseph a cru aveuglément à la parole du messager céleste. Il ne demandait qu’à croire parce qu’il était sincèrement convaincu que Dieu est bon et qu’à lui, qui avait espéré dans le Seigneur, le Seigneur n’aurait pas réservé la douleur d’être trahi, trompé, bafoué par son prochain. Il ne demandait qu’à croire en moi, parce que, honnête comme il l’était, il ne pouvait penser qu’avec douleur que les autres ne le fussent pas. Il vivait la Loi, et la Loi dit: "Aime ton prochain comme toi-même". Nous nous aimons tellement que nous nous croyons parfaits même quand nous ne le sommes pas. Pourquoi alors cesser d’aimer le prochain à la pensée qu’il est imparfait? Charité absolue. La charité qui sait pardonner, qui veut pardonner. Pardonner d’avance, en excusant dans son cœur les défauts du prochain. Pardonner tout de suite en accordant toutes les circonstances atténuantes au coupable. Humilité absolue comme la charité. Savoir reconnaître qu’on a manqué, même par une simple pensée, et ne pas avoir l’orgueil, plus nuisible encore que la faute qui précède, de se refuser à dire: "Je me suis trompé". Dieu excepté, tout le monde se trompe. Quel est celui ou celle qui peut dire: "Je ne me trompe jamais"? Et l’humilité encore plus difficile: celle qui sait tenir cachées les merveilles de Dieu en nous, quand il n’est pas nécessaire de les faire connaître pour Lui en donner la louange, pour ne pas déprécier le prochain qui n’a pas reçu ces dons particuliers de Dieu. S’il le veut, oh! s’il le veut, Dieu se révèle Lui-même en son serviteur! Elisabeth me "vit" telle que j’étais, mon époux me reconnut pour ce que j’étais, quand ce fut l’heure pour lui de le savoir. Laissez au Seigneur le soin de vous proclamer ses serviteurs. Il en est amoureusement pressé, car toute créature qu’Il élève à une mission particulière, est une gloire nouvelle qui s’ajoute à la sienne infinie, parce que c’est le témoignage de ce qu’est l’homme tel que Dieu le voulait: une perfection mineure qui reflète son Auteur. Restez dans l’ombre et dans le silence, ô privilégiés de la Grâce, pour pouvoir entendre les uniques paroles qui sont "vie", pour pouvoir mériter d’avoir au-dessus de vous et en vous le Soleil qui éternellement resplendit. Oh! Lumière plus que bienheureuse, qui es Dieu, qui es la joie de tes serviteurs, resplendis sur ces serviteurs qui t’appartiennent, qu’ils en exultent en leur humilité en te louant, Toi seul qui disperses les orgueilleux, mais qui élèves les humbles qui t’aiment, jusqu’aux splendeurs de ton Royaume.”  
Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie http://www.mariavaltorta.com/

Dimanche 12 décembre 2010, Troisième Dimanche de l'Avent, année A.

 Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 11, 2-11. 
 Jean le Baptiste, dans sa prison, avait appris ce que faisait le Christ. Il lui envoya demander par ses disciples : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Jésus leur répondit : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! » Tandis que les envoyés de Jean se retiraient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu'êtes-vous allés voir au désert ? un roseau agité par le vent ?. . . Alors, qu'êtes-vous donc allés voir ? un homme aux vêtements luxueux ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois. Qu'êtes-vous donc allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu'un prophète. C'est de lui qu'il est écrit : Voici que j'envoie mon messager en avant de toi, pour qu'il prépare le chemin devant toi. Amen, je vous le dis : Parmi les hommes, il n'en a pas existé de plus grand que Jean Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui.
 Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris 
 Correspondance dans "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta : Tome 4, Ch 129, p 279 - CD 4 (1er cd), piste 118 - 
 Jésus est seul avec Mathieu qui, blessé à un pied, n'a pas pu aller prêcher avec les autres. Mais cependant des malades et des gens désireux d'entendre la Bonne Nouvelle occupent la terrasse et l'espace libre du jardin pour l'entendre et obtenir son aide. Jésus achève son discours en disant: “Après avoir contemplé ensemble la grande phrase de Salomon: "C'est dans l'abondance de la justice que se trouve la plus grande force" je vous exhorte à posséder cette abondance parce que c'est la monnaie qu'il faut pour entrer dans le Royaume des Cieux. Demeurez avec ma paix et que Dieu soit avec vous.” Puis il se tourne vers les pauvres et les malades - et, dans beaucoup de cas, ce sont à la fois l'un et l'autre - et il écoute avec bonté leurs doléances, donne un secours en argent, conseille par ses paroles, guérit par l'imposition des mains et par la parole. Mathieu, à ses côtés, fait la distribution de l'argent. Jésus écoute avec attention une pauvre veuve qui Lui parle en pleurant de la mort imprévue de son mari menuisier, à son établi, survenue quelques jours auparavant: “Je suis accourue pour te chercher ici, et toute la parenté du mort m'a accusée d'être inconvenante et dure de cœur, et maintenant elle me maudit. Mais moi, j'étais venue parce que je sais que tu ressuscites et je sais que, si j'avais pu te trouver, mon mari serait ressuscité. Tu n'y étais pas… Maintenant lui est dans le tombeau depuis deux semaines… et je reste avec cinq enfants… Les parents me haïssent et ne m'aident pas. J'ai des oliviers et des vignes. Pas beaucoup, mais ils me donneraient du pain pour l'hiver si je pouvais les garder jusqu'à la récolte. Mais je n'ai pas d'argent car l'homme, depuis quelque temps, n'était pas en bonne santé. Il travaillait peu et, pour se soutenir, mangeait et ne buvait que trop. Il disait que le vin lui faisait du bien… au contraire, il a fait le double mal de le tuer et de dissiper les économies déjà réduites par son peu de travail. Il allait finir un char et un coffre, et avait mis en chantier deux lits, des étagères et des tables. Mais maintenant… Rien n'est fini, et mon garçon n'a pas encore huit ans. Je vais perdre l'argent… Je devrai vendre l'outillage, le bois. Le char et le coffre, je ne peux même pas les vendre comme tels, bien qu'ils soient presque terminés, et je devrai les céder comme bois de chauffage. Et l'argent ne suffira pas car, moi, ma mère âgée et malade, et cinq enfants, nous sommes sept personnes… Je vendrai le vignoble et les oliviers… Mais tu sais comme est le monde… Il étrangle ceux qui sont dans le besoin. Dis-moi, que dois-je faire? Je voulais garder l'établi et les outils pour le fils qui connaît déjà quelque chose du bois… je voulais garder la terre pour vivre, et pour doter mes filles…” Il est en train d'écouter tout cela quand un remue-ménage parmi les gens l'avertit qu'il y a quelque chose de nouveau. Il se retourne pour voir et voit trois hommes qui se fraient un chemin à travers la foule. Il se tourne de nouveau pour parler à la veuve: “Où habites-tu?” “A Corozaïn, près du chemin qui mène à la Fontaine Chaude. Une maison basse entre deux figuiers.” “C'est bien. Je viendrai finir le char et le coffre, et tu les vendras à ceux qui les ont commandés. Attends-moi demain à l'aurore.” “Toi! Toi, travailler pour moi!” l'étonnement suffoque la femme. “Je reprendrai mon travail et je te donnerai la paix. En même temps, aux gens sans cœur de Corozaïn, je donnerai une leçon de charité.” “Oh! oui! Sans cœur! S'il y avait eu encore le vieil Isaac! Il ne m'aurait pas laissée mourir de faim. Mais lui est retourné vers Abraham…” “Ne pleure pas. Va-t-en tranquille. Voilà ce dont tu as besoin pour aujourd'hui. Demain, Moi je viendrai. Va en paix.” La femme se prosterne pour baiser ses vêtements et s'en va plus tranquille. “Maître trois fois saint, puis-je te saluer?” demande l'un des trois hommes qui sont survenus et qui se sont arrêtés respectueusement derrière Jésus, en attendant qu'il congédie la femme, et qui ont donc entendu la promesse de Jésus. Et cet homme qui salue, c'est Manaën. Jésus se tourne et dit avec un sourire: “Paix à toi, Manaën! Tu t'es donc souvenu de Moi?” “Toujours, Maître. Et j'avais décidé de venir te trouver chez Lazare ou au Jardin des Oliviers pour être avec Toi. Mais avant la Pâque, le Baptiste a été pris. Il a été repris par trahison, et moi je craignais qu'en l'absence d'Hérode, venu à Jérusalem pour la Pâque, Hérodiade ne commandât de tuer le Saint. Elle n'a pas voulu aller à Sion pour les fêtes, disant qu'elle était malade. Malade, oui, de haine et de luxure… Je suis allé à Macheronte pour surveiller… et retenir la femme perfide qui serait capable de tuer de sa main… Et elle ne le fait pas par crainte de perdre la faveur d'Hérode qui… par peur ou par conviction, défend Jean, en se limitant à le garder en prison. En ce moment Hérodiade a fui la chaleur accablante de Macheronte pour aller dans un château qui lui appartient. Et je suis venu avec mes amis et disciples de Jean. Il les a envoyés pour t'interroger et je me suis uni à eux.” Les gens, entendant parler d'Hérode et comprenant quel est celui qui en parle, s'empressent avec curiosité autour du groupe de Jésus et des trois. “Que vouliez-vous me demander?” demande Jésus après les échanges de salutations avec les deux austères personnages. “Parle, Manaën, toi qui sais tout, et Lui es plus attaché” dit l'un des deux. “Voici, Maître. Tu dois être indulgent si, par trop d'amour, les disciples arrivent à se méfier de Celui qu'ils croient opposés à leur maître ou désireux de le supplanter. C'est ce que font les tiens et de même ceux de Jean. C'est une jalousie compréhensible qui montre tout l'amour des disciples pour leurs maîtres. Quant à moi… je suis impartial, et eux qui sont avec moi peuvent le dire, car je te connais et je connais Jean, et je vous aime avec justice, au point que t'aimant Toi, pour ce que tu es, j'ai préféré faire le sacrifice de rester près de Jean parce que je le vénère, lui aussi, pour ce qu'il est, et actuellement parce qu'il est plus en danger que Toi. Maintenant, à cause de cet amour qu'attisent par leur rancœur les pharisiens, eux sont arrivés à douter que tu es le Messie. Et ils l'ont avoué à Jean, croyant lui faire plaisir en lui disant: "Pour nous, c'est toi qui es le Messie. Il ne peut y avoir quelqu'un de plus saint que toi". Jean a commencé par leur faire des reproches en les appelant blasphémateurs et puis, après les reproches, avec plus de douceur, il leur a expliqué tout ce qui te désigne comme le vrai Messie. Enfin, voyant qu'ils n'étaient pas encore persuadés, il a pris deux d'entre eux, ceux-ci, et leur a dit: "Allez le trouver et dites-lui en mon nom: 'Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre?' ". Il n'a pas envoyé les disciples autrefois bergers, car eux croient et il n'aurait servi à rien de les envoyer. Mais il a choisi parmi ceux qui doutent pour qu'ils t'approchent et que leurs paroles dissipent les doutes de ceux qui sont comme eux. Je les ai accompagnés pour pouvoir te voir. J'ai parlé. Toi, maintenant, apaise leurs doutes.” “Mais ne nous crois pas hostiles, Maître! Les paroles de Manaën pourraient te le faire penser. Nous… nous… Nous connaissons depuis des années le Baptiste et nous l'avons toujours vu saint, pénitent, inspiré. Toi… nous ne te connaissons que par les paroles d'autrui. Et tu sais ce qu'est la parole des hommes… Elle crée et détruit renommée et louange par le contraste entre ceux qui exaltent et ceux qui dénigrent, comme un nuage se forme et se dissipe par l'effet de deux vents contraires.” “Je sais, je sais. Je lis dans votre esprit, et vos yeux lisent la vérité dans ce qui vous entoure, de même que vos oreilles ont entendu mon entretien avec la veuve. Cela suffirait pour vous persuader. Mais je vous dis: observez ce qui m'entoure. Ici, il n'y a pas de riches ni de jouisseurs, il n'y a pas de personnes scandaleuses. Mais des pauvres, des malades, des israélites honnêtes qui veulent connaître la Parole de Dieu. Et rien d'autre. Celui-ci, celui-là, cette femme, et puis cette fillette, et ce vieillard sont venus ici malades et maintenant ils sont en bonne santé. Interrogez-les et ils vous diront ce qu'ils avaient et comment je les ai guéris, et comme ils sont maintenant. Faites, faites. Moi, pendant ce temps, je parle avec Manaën” et Jésus va se retirer. “Non, Maître. Nous ne doutons pas de tes paroles. Donne-nous seulement une réponse à apporter à Jean, pour qu'il voie que nous sommes venus et pour qu'il puisse se baser sur elle pour persuader nos compagnons.” “Allez rapporter ceci à Jean: "Les sourds entendent, cette fillette était sourde et muette. Les muets parlent, et cet homme était muet de naissance. Les aveugles voient". Homme, viens ici. Dis-leur ce que tu avais” dit Jésus en prenant un miraculé par le bras. Celui-ci dit: “Je suis maçon, et il m'est tombé sur la figure un seau plein de chaux vive. Elle m'a brûlé les yeux. Depuis quatre ans j'étais dans les ténèbres. Le Messie a humecté mes yeux desséchés avec sa salive et ils sont redevenus plus frais que quand j'avais vingt ans. Qu'il en soit béni.” Jésus reprend: “Et avec les aveugles, les sourds, les muets guéris, se redressent les boiteux et courent les estropiés. Voilà ce vieillard qui était tout à l'heure déformé et qui maintenant est droit comme un palmier du désert et agile comme une gazelle. Se guérissent les maladies les plus graves. Toi, femme, qu'avais-tu?” “Un mal au sein pour avoir trop donné de lait à des bouches voraces et le mal, avec le sein, me rongeait la vie. Maintenant, regardez” et elle entrouvre son vêtement, montrant son sein intact et elle ajoute: “Ce n'était qu'une plaie et ma tunique encore couverte de pus le montre. Maintenant je m'en vais à la maison mettre un vêtement propre. Je suis forte et heureuse. Alors que seulement hier j'étais mourante, amenée ici par des gens charitables, et si malheureuse… à cause des enfants qui allaient être sans mère. Louange éternelle au Sauveur!” “Vous entendez? Et vous pouvez interroger le chef de la synagogue de cette ville sur la résurrection de sa fille et, en allant à Jéricho, passez par Naïm. Informez-vous au sujet du jeune homme ressuscité en présence de toute la ville et au moment où on allait le mettre au tombeau. Vous pourrez ainsi rapporter que les morts ressuscitent. Que beaucoup de lépreux sont guéris, vous pouvez le savoir dans de nombreuses localités d'Israël, mais si vous voulez aller à Sicaminon, cherchez-en parmi les disciples et vous en trouverez plusieurs. Dites donc à Jean que les lépreux sont purifiés. Et dites, puisque vous le voyez, que la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Et bienheureux celui qui ne sera pas scandalisé à mon sujet. Dites cela à Jean. Et dites-lui que je le bénis avec tout mon amour.” “Merci, Maître. Bénis-nous aussi avant notre départ.” “Vous ne pouvez partir par cette chaleur. Soyez donc mes hôtes jusqu'au soir. Vous vivrez pendant un jour la vie de ce Maître qui n'est pas Jean, mais que Jean aime parce qu'il sait qui il est. Venez à la maison. Il y fait frais et je vous restaurerai. Adieu, mes auditeurs. La paix soit avec vous” et après avoir congédié les foules, il rentre à la maison avec les trois hôtes… … Je ne sais pas ce qu'ils disent pendant ces heures de chaleur étouffante. Ce que je vois maintenant, ce sont les préparatifs du départ des deux disciples pour Jéricho. Il semble que Manaën reste car on n'a pas amené son cheval avec les deux ânes robustes devant l'ouverture du mur de la cour. Les deux envoyés de Jean, après plusieurs inclinations au Maître et à Manaën, montent en selle et se retournent encore pour regarder et saluer jusqu'à ce qu'un détour de la route les dérobe à la vue. Beaucoup de gens de Capharnaüm se sont rassemblés pour voir ce départ, car la nouvelle de la venue des disciples de Jean et la réponse que leur a faite Jésus ont fait le tour du pays et je crois aussi des autres pays voisins. Je vois des personnes de Bethsaïda et de Corozaïn, qui se sont présentées aux envoyés de Jean en demandant de ses nouvelles et en lui envoyant leurs salutations - ce sont peut-être d'anciens disciples du Baptiste - qui restent maintenant en groupe avec des gens de Capharnaüm pour commenter. Jésus, avec à son côté Manaën, va rentrer dans la maison en parlant. Mais les gens se pressent autour de Lui, curieux d'observer le frère de lait d'Hérode et ses manières pleines de respect pour Jésus et ils désirent parler avec le Maître. Il y a aussi Jaïre, le chef de synagogue mais, grâce à Dieu, il n'y a pas de pharisiens. C'est justement Jaïre qui dit: “Jean sera content! Non seulement tu lui as envoyé une réponse exhaustive mais aussi, en les retenant, tu as pu les instruire et leur montrer un miracle.” “Et puis, quel miracle!” dit un homme. “J'avais amené exprès ma fillette aujourd'hui pour qu'ils la voient. Elle n'a jamais été aussi bien et, pour elle, c'est une joie de venir trouver le Maître. Vous avez entendu, hein? sa réponse? "Je ne me souviens pas de ce que c'est que la mort. Mais je me souviens qu'un ange m'a appelée en me faisant passer à travers une lumière de plus en plus vive au bout de laquelle était Jésus. Et comme je l'ai vu alors, avec mon esprit qui revenait en moi, je ne le vois plus maintenant. Vous et moi, en ce moment, nous voyons l'Homme, mais mon esprit a vu le Dieu renfermé dans l'Homme". Et comme elle est devenue bonne, depuis lors! Elle l'était bonne, mais maintenant c'est vraiment un ange. Ah! pour moi, que tous disent ce qu'ils veulent, il n'y a de saint que Toi!” “Mais Jean aussi est saint” dit quelqu'un de Bethsaïda. “Oui, mais il est trop sévère.” “Il ne l'est pas davantage pour les autres que pour lui-même.” “Mais il ne fait pas de miracles et l'on dit qu'il jeûne pour être comme un mage.” “Et pourtant il est saint” la discussion s'étend dans la foule. Jésus lève la main et l'étend avec le geste habituel qu'il a quand il réclame le silence et l'attention parce qu'il veut parler. Le silence se fait tout de suite. Jésus dit: “Jean est saint et grand. Ne regardez pas ses manières de faire ni l'absence de miracles. En vérité je vous le dis: "C'est un grand du Royaume de Dieu". C'est là qu'il apparaîtra dans toute sa grandeur. Plusieurs se lamentent de ce qu'il était et est sévère jusqu'à paraître dur. En vérité je vous dis que lui a fait un travail de géant pour préparer les voies du Seigneur. Et celui qui travaille ainsi n'a pas de temps à perdre en mollesses. Ne disait-il pas lui, quand il était le long du Jourdain, les paroles où Isaïe l'annonce, lui et le Messie: "Toute vallée sera comblée, toute montagne sera abaissée, les voies tortueuses seront redressées et les voies raboteuses aplanies" et cela pour préparer les voies au Sauveur et Roi? Mais, en vérité, il a fait, lui, plus que tout Israël pour me préparer la route! Et qui doit abattre les montagnes et combler les vallées, redresser les chemins et rendre douces les montées pénibles, ne peut que travailler avec rudesse. C'est qu'il était le Précurseur et il ne me devançait que de quelques lunes et il fallait que tout soit fait avant que le Soleil soit haut sur le jour de la Rédemption. Ce jour est arrivé, le Soleil monte pour resplendir sur Sion et de là sur tout le monde. Jean a préparé la route, comme il le devait. Qu'êtes-vous allés voir dans le désert? Un roseau que le vent courbe dans toutes les directions? Mais qu'êtes-vous allés voir? Un homme vêtu souplement? Mais ces gens habitent les maisons des rois, enveloppés de vêtements souples et servis avec respect par mille serviteurs et courtisans, courtisans eux aussi d'un pauvre homme. Ici, il y en a un. Demandez-lui s'il n'a pas de dégoût pour la vie de cour et de l'admiration pour le rocher solitaire et rugueux sur lequel en vain se ruent la foudre et la grêle et sur lequel luttent les vents imbéciles pour l'arracher alors qu'il reste solide avec l'élan de toutes ses parties vers le ciel, avec sa pointe qui d'en haut prêche la joie tant elle est élancée, pointue comme une flamme qui s'élève. Voilà ce qu'est Jean. C'est ainsi que le voit Manaën car il a compris la vérité de la vie et de la mort, et il voit la grandeur là où elle se trouve, même si elle se cache sous des apparences sauvages. Et vous, qu'avez-vous vu en Jean quand vous êtes allés le voir? Un prophète? Un saint? Je vous le dis: il est plus qu'un prophète. Il est plus que beaucoup de saints, plus que des saints car c'est lui dont il est écrit: "Voici que J'envoie devant vous mon ange pour préparer ton chemin devant Toi". Ange. Réfléchissez. Vous savez que les anges sont de purs esprits créés par Dieu à sa ressemblance spirituelle, servant de lien entre l'homme: perfection de la création visible et matérielle, et Dieu: perfection du Ciel et de la Terre, Créateur du Royaume spirituel et du règne animal. Dans l'homme, même le plus saint, il y a toujours la chair et le sang pour mettre un abîme entre lui et Dieu. Et l'abîme s'approfondit par suite du péché qui alourdit même ce qu'il y a de spirituel dans l'homme. Voici alors que Dieu crée les anges, créatures qui atteignent le sommet de l'échelle de la création comme les minéraux en marquent la base, les minéraux, la poussière qui forme la terre, les matières inorganiques en général. Purs miroirs de la Pensée de Dieu, flammes qui s'appliquent à agir par amour, prêts pour comprendre, empressés d'agir, libres dans leur volonté comme nous, mais d'une volonté toute sainte qui ignore les révoltes et l'entraînement du péché. Voilà ce que sont les anges adorateurs de Dieu, ses messagers auprès des hommes, nos protecteurs, qui nous donnent la Lumière qui les enveloppe et le Feu qu'ils recueillent de leur adoration. Jean est appelé: "ange" par la parole prophétique. Eh bien, je vous le dis: "Parmi ceux qui sont nés de la femme, il ne s'en est jamais levé un plus grand que Jean Baptiste". Et pourtant le plus petit du Royaume des Cieux sera plus grand que lui-homme. Car quelqu'un du Royaume des Cieux est fils de Dieu et non fils de la femme. Tendez donc tous à devenir citoyens du Royaume. Que vous demandiez-vous l'un à l'autre?” “Nous disions: "Mais est-ce que Jean sera dans le Royaume? Et comment y sera-t-il?"“ “Lui, en son esprit est déjà du Royaume et il y sera après la mort comme un des soleils les plus brillants de l'éternelle Jérusalem. Et cela à cause de la Grâce qui, en lui, est sans défaut et à cause de sa propre volonté. Car il a été et il est violent même avec lui-même, pour une fin sainte. A partir du Baptiste le Royaume des Cieux appartient à ceux qui savent le conquérir par la force opposée au Mal et ce sont les violents qui le conquièrent. Car maintenant, on connaît ce qu'il faut faire et tout est donné pour cette conquête. Ce n'est plus le temps où ne parlaient que la Loi et les Prophètes. Eux ont parlé jusqu'à Jean. Maintenant c'est la Parole de Dieu qui parle et elle ne cache pas un iota de ce qu'il faut savoir pour cette conquête. Si vous croyez en Moi, vous devez donc voir Jean comme l'Élie qui doit venir. Qu'entende qui a des oreilles pour entendre. Mais, à qui comparerai-je cette génération? Elle est semblable à celle que décrivent ces garçons qui, assis sur la place, crient à leurs compagnons: "Nous avons joué et vous n'avez pas dansé; nous avons entonné des lamentations et vous n'avez pas pleuré". De fait, est venu Jean qui ne mange ni ne boit, et cette génération dit: "Il peut agir ainsi, car il a le démon qui l'aide". Le Fils de l'homme est venu, qui mange et boit, et ils disent: "C'est un gros mangeur et un buveur, ami de publicains et de pécheurs". Ainsi la Sagesse voit ses fils lui rendre justice! En vérité je vous le dis que seuls les tout petits savent reconnaître la vérité parce qu'il n'y a pas de malice en eux.” “Tu as bien parlé, Maître” dit le chef de la synagogue. “Voilà pourquoi ma fille, encore sans malice, te voit tel que nous n'arrivons pas à te voir. Et pourtant cette ville et celles voisines voient déborder sur elles ta puissance, ta sagesse et ta bonté et, je dois le reconnaître, elles ne progressent qu'en méchanceté à ton égard. Elles ne se repentent pas et le bien que tu leur donnes produit une fermentation de haine envers Toi.” “Comment parles-tu, Jaïre? Tu nous calomnies! Nous sommes ici parce que fidèles au Christ” dit quelqu'un de Bethsaïda. “Oui. Nous. Mais combien sommes-nous? Moins de cent sur trois villes qui devraient être aux pieds de Jésus. Parmi ceux qui manquent, et je parle des hommes, la moitié est hostile, un quart indifférent, l'autre je veux penser qu'il ne peut pas venir. N'est-ce pas une faute aux yeux de Dieu? Et est-ce qu'Il ne punira pas toute cette rancœur et cet entêtement dans le mal? Parle Toi, Maître, qui sais et qui, si tu te tais, c'est à cause de ta bonté mais pas parce que tu ignores. Tu es généreux et on prend cela pour de l'ignorance et de la faiblesse. Parle donc, et que ta parole puisse secouer au moins les indifférents, puisque les méchants ne se convertissent pas mais deviennent toujours plus méchants.” “Oui, c'est une faute et elle sera punie. Car le don de Dieu ne doit jamais être méprisé ni servir à faire du mal. Malheur à toi, Corozaïn, malheur à toi Bethsaïda, vous qui faites un mauvais usage des dons de Dieu? Si à Tyr et à Sidon il y avait eu les miracles produits parmi vous déjà depuis longtemps, vêtus de cilice et couverts de cendre, ses habitants auraient fait pénitence et seraient venus à Moi. Aussi je vous dis que pour Tyr et Sidon on usera d'une plus grande clémence que pour vous le jour du Jugement. Et toi, Capharnaüm, tu crois que seulement pour m'avoir donné l'hospitalité tu seras exaltée jusqu'au Ciel? Tu descendras jusqu'à l'enfer. Car si à Sodome avaient été faits les miracles que je t'ai donnés, elle serait encore florissante, parce qu'elle aurait cru en Moi et se serait convertie. Aussi il y aura plus de clémence pour Sodome au jour du Jugement dernier, parce qu'elle n'a pas connu le Sauveur et sa Parole et par conséquent sa faute est moins grande, que pour toi qui as connu le Messie et entendu sa parole et ne t'es pas convertie. Cependant, puisque Dieu est juste, pour ceux de Capharnaüm, de Bethsaïda et de Corozaïn qui ont cru et se sanctifient en obéissant à ma parole, on usera d'une grande miséricorde. Car il n'est pas juste que les justes soient englobés dans la ruine des pécheurs. Pour ce qui concerne ta fille, Jaïre, et la tienne, Simon, et ton enfant, Zacharie, et tes petits-enfants, Benjamin, je vous dis qu'eux qui sont sans malice voient déjà Dieu. Et vous voyez comme leur foi est pure et travaille en eux, unie à la sagesse céleste et au désir de charité que les adultes ne possèdent pas.” Et Jésus, levant les yeux vers le ciel qui s'assombrit vers le soir, s'écrie: “Je te remercie, ô Père, Seigneur du Ciel et de la Terre, d'avoir caché ces choses aux sages et aux savants et de les avoir révélées aux petits. C'est ainsi, Père, parce que c'est ainsi qu'il t'a plu de le faire. Tout m'a été remis par mon Père, et personne ne le connaît en dehors du Fils et de ceux auxquels le Fils aura voulu le révéler. Et Moi, je l'ai révélé aux petits, aux humbles, aux purs, car Dieu se communique à eux, et la vérité descend comme une semence sur les terres libres, et sur elle le Père fait pleuvoir ses lumières pour qu'elle s'enracine et produise une plante. En vérité le Père prépare ces esprits de ceux qui sont petits par l'âge ou par leur volonté pour qu'ils connaissent la vérité et que j'aie la joie de leur foi.”
 Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie. http://www.mariavaltorta.com/

Dimanche 5 décembre 2010, Deuxième Dimanche de l'Avent, année A

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 3,1-12. 
En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée : « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. » Jean est celui que désignait la parole transmise par le prophète Isaïe : A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Jean portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain venaient à lui, et ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés. Voyant des pharisiens et des sadducéens venir en grand nombre à ce baptême, il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient? Produisez donc un fruit qui exprime votre conversion, et n'allez pas dire en vous-mêmes : 'Nous avons Abraham pour père' ; car, je vous le dis : avec les pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. Moi, je vous baptise dans l'eau, pour vous amener à la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu ; il tient la pelle à vanner dans sa main, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier. Quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s'éteint pas. »
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris 
Correspondance dans "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta : Tome 2, Ch 3, p 17 - CD 2, piste 4 - 
Paroles de Jésus: “Ce que tu as écrit le 30 janvier pourrait donner occasion à ceux qui doutent, d’avancer leurs "mais" et leurs "si". C’est Moi qui vais répondre à ta place. Tu as écrit: "…quand je vois ainsi, mes forces physiques et particulièrement cardiaques subissent une grande dispersion". Il y aura certainement des "docteurs de l’impossible" qui diront: "C’est la preuve que ce qui lui arrive est humain, parce que le surnaturel procure toujours force et jamais faiblesse". Qu’ils m’expliquent alors pourquoi les grands extatiques, après une extase au cours de laquelle ils ont dépassé les possibilités humaines en supprimant la douleur, le poids de la matière conséquences de blessures internes et d’importantes hémorragies, jouissant d’une félicité qui les fait paraître beaux, même physiquement restent, dès que l’extase cesse, évanouis par terre, de façon à faire penser que leur âme s’est séparée d’eux. Qu’ils m’expliquent aussi pourquoi après quelques heures de la plus atroce agonie qui répète la mienne, telle que celle de ma servante Thérèse, telles que furent les agonies de ma sainte Gemma et de beaucoup d’autres âmes que mon amour et leur amour a rendu dignes de vivre ma Passion ces personnes reprennent ou reprenaient une force et un équilibre physique que les personnes les plus saines ne possèdent pas. Je suis le Maître de la vie et de la mort, de la santé et de la maladie. J’use de mes serviteurs à mon gré, comme d’un joli fil qui serait un jouet entre mes mains. Le miracle, en toi, un des miracles réside en ceci. Dans l’état physique où te trouves, état qui se prolonge miraculeusement, c’est que tu puisses arriver à cette béatitude sans en mourir, éprouvant ces transports alors que tu te trouves dans un état de prostration qui pour d’autres empêcherait même les pensées les plus rudimentaires. Le miracle réside dans cette vitalité qui reflue en toi en ces heures comme elle a reflué dans les heures où tu as écrit mes dictées ou celles des autres Esprits qui t’apportent leur céleste parole. Le miracle réside dans cette réacquisition subite de la force, après que la joie a consumé en toi ce reste de vitalité qui te reste pour écrire. Mais cette vitalité, c’est Moi qui te la transfuse. C’est comme du sang qui de Moi passe en tes veines épuisées, comme un flot qui se déverse sur une rive et l’arrose. La rive reste arrosée tant que le flot la baigne puis de nouveau reste aride jusqu’à un nouveau flot. C’est comme une opération qui te vide de mon Sang jusqu’à une nouvelle transfusion. Toi, pour ton compte, tu n’es qu’un rien. Tu es un pauvre être en agonie, qui travailles parce que je le veux, pour ce que j’ai en vue. Tu es une pauvre créature qui ne vaut que par ton amour. Tu n’as pas d’autres mérites. Amour et désir d’être pour d’autres, cause d’amour pour ton Dieu. C’est cela qui justifie ton être et ma bienveillance de te conserver en vie alors que, humainement parlant, depuis longtemps ton être aurait dû se désagréger dans la mort. Le sentiment d’être redevenue une "loque" comme tu dis, lorsque j’ai cessé de te porter avec Moi dans les champs de la contemplation et de te parler est pour toi et pour les autres la preuve que tout ce qui arrive, arrive par mon unique vouloir. Si quelqu’un pense humainement qu’avec le même vouloir et le même amour je pourrais te guérir et que ce serait la meilleure manière de prouver mon amour et ma bienveillance, je réponds que j’ai toujours conservé la vie à mes serviteurs, tant que j’ai jugé que leur mission devait continuer, mais je ne leur ai jamais procuré une vie humainement heureuse parce que mes missions se réalisent dans et par la souffrance et que d’autre part mes serviteurs n’ont qu’un désir semblable au mien: souffrir pour racheter. Il ne faut donc pas parler de "dispersion des forces", mais dire: "Après que la bonté de Jésus fait disparaître mon état d’infirmité pour ses intentions et pour ma joie, je reviens à ce que sa bonté m’a accordé d’être: crucifiée par son amour et pour son amour". Et maintenant vas de l’avant avec une obéissance pleine d’amour.”

A la même date le 3 - 2 - 44, au soir :

Je vois une plaine inhabitée et sans végétation. Il n’y a pas de champs cultivés, quelques rares plantes formant çà et là des touffes, comme des familles de végétaux là où le sol a un peu de profondeur et se trouve moins aride. Remarquez que se terrain aride et inculte est à ma droite alors que le Nord se trouve derrière moi, et se prolonge pour moi dans la direction du Sud. A gauche, en revanche, je vois un fleuve aux berges plutôt basses qui coule lentement lui aussi du Nord au Sud. D’après le mouvement très lent de l’eau, je comprends que son lit n’a pas une pente très forte et que ce fleuve coule dans une sorte de dépression de la plaine. Le courant est à peine suffisant pour empêcher la stagnation de l’eau et la formation d’un marécage. L’eau n’a pas de profondeur: c’est un point où l’on aperçoit le fond. J’estime qu’il n’y a pas plus d’un mètre de profondeur, un mètre et demi -au maximum. Large comme l’Arno vers S. Miniato-Empoli: je dirais vingt mètres. Mais je n’ai pas le coup d’œil et mes estimations sont approximatives. Pourtant l’eau est d’un azur légèrement vert à proximité des berges où l’humidité du sol entretient une bande verte touffue qui réjouit l’œil fatigué de cette morne étendue de pierres et de sable qui s’étend indéfiniment en avant. Cette voix intérieure dont je vous ai expliqué que j’entends m’expliquer ce que je dois remarquer et savoir, m’avertit que je vois la vallée du Jourdain. Je l’appelle vallée, parce que c’est l’appellation habituelle de la place où coule un fleuve, mais ici, il me parait inexact de lui donner ce nom parce que une vallée suppose des collines et dans le voisinage je n’en vois pas trace. En résumé, je me trouve près du Jourdain, et l’espace désolé que j’aperçois sur ma droite est le désert de Juda. Si parler de désert est juste pour désigner ce lieu inhabité et sans trace du travail de l’homme, il convient moins à l’idée que nous nous faisons du désert. Ici, pas de dunes du désert comme nous le concevons, mais seulement une terre dénudée parsemée de pierres et de débris, comme sont les terrains d’alluvions après une crue. Dans le lointain, des collines. Et puis, près du Jourdain une grande paix, une ambiance spéciale qui dépasse celle d’un paysage ordinaire, quelque chose qui rappelle ce qu’on ressent sur les bords du lac Trasimène. C’est un lieu qui évoque des vols angéliques et des voix célestes. Je ne sais pas bien exprimer ce que j’éprouve, mais j’ai le sentiment de me trouver dans un lieu qui parle à l’esprit. Pendant ces observations, je vois la scène envahie par les gens le long - par rapport à moi - de la rive droite du Jourdain. Il y a beaucoup d’hommes et une grande variété d’habillements. Quelques-uns semblent des gens du peuple, d’autres des riches, il y en a assez, plusieurs paraissent des pharisiens, avec leurs vêtements ornés de franges et de galons. Au milieu, debout sur un rocher un homme que je reconnais du premier coup pour le Baptiste bien que ce soit la première fois que je le vois. Il parle à la foule et je vous assure que sa prédication manque plutôt de douceur. Jésus a appelé Jacques et Jean "les fils du tonnerre". Mais alors quel nom donner à ce fougueux orateur? On pourrait pour Jean Baptiste parler de coup de foudre, d’avalanche, de tremblement de terre, tant il est impétueux et sévère dans son discours et ses gestes. Il parle de la venue du Messie et exhorte les auditeurs à préparer leurs cœurs en les débarrassant de ce qui les encombre et en redressant leurs pensées. Mais c’est un parler frénétique et rude. Le Précurseur n’a pas la main légère de Jésus pour soigner les blessures des cœurs. C’est un médecin qui les met à nu, fouille et taille sans pitié. Pendant que je l’écoute - je ne rapporte pas ses paroles, parce que ce sont celles des Évangélistes mais qui dévalent en un discours torrentiel - je vois s’avancer le long d’un sentier le long de la bordure herbeuse et ombragée qui côtoie le Jourdain, mon Jésus. Ce chemin de campagne, plutôt sentier que chemin, semble dessiné par les caravanes et les voyageurs qui pendant des années et des siècles l’ont parcouru pour arriver à un point où le fond du lit se relève et permet de passer à gué. Le sentier continue sur l’autre rive du fleuve et se perd dans la verdure de l’autre berge. Jésus est seul. Il marche lentement et en avançant il arrive derrière Jean. Il avance sans bruit, tout en écoutant la voix tonnante du Pénitent du désert, comme si Jésus était aussi une des nombreuses personnes qui venaient vers Jean pour se faire baptiser et se préparer à la purification pour la venue du Messie. Rien ne distingue Jésus des autres gens. Il semble un homme du peuple pour son vêtement, un seigneur pour la beauté de ses traits, mais aucun signe divin ne le distingue de la foule. Cependant on dirait que Jean sent une particulière émanation spirituelle. Il se retourne et identifie tout de suite la source de cette émanation. Il descend vivement du rocher qui lui servait de chaire et s’en, va d’un air dégagé vers Jésus qui est arrêté à quelques mètres d’un groupe et s’appuie au tronc d’un arbre. Jésus et Jean se fixent un moment. Jésus, avec son regard d’azur, si doux. Jean avec son œil sévère, très noir, plein d’éclairs. Les deux, vus rapprochés sont l’antithèse l’un de l’autre. Tous les deux grands - c’est leur unique ressemblance - ils sont différents pour tout le reste. Jésus blond, aux longs cheveux peignés, au teint blanc ivoire, aux yeux d’azur, au vêtement simple, mais majestueux. Jean, hirsute aux cheveux noirs qui retombent à plat sur les épaules et taillés en escalier, avec une barbe noire coupée à ras qui lui couvre presque tout le visage qui n’empêche pas de découvrir ses joues creusées par le jeûne, des yeux noirs fiévreux, la peau bronzée par le soleil et les intempéries et le poil épais qui la couvre, demi nu avec son vêtement de peau de chameau retenu à la taille par une ceinture de peau et qui lui couvre le torse, descendant à peine au-dessous de ses flancs amaigris et laissant à droite les côtes découvertes, les côtes sur lesquelles se trouve, unique tissu, la peau tannée par l’air. En vis à vis, on dirait un sauvage et un ange. Jean, après avoir fixé sur Lui son regard pénétrant, s’écrie: “Voici l’Agneau de Dieu. Comment peut-il se faire que mon Seigneur vienne vers moi?” Jésus répond tranquillement: “C’est pour accomplir le rite de pénitence.” “Jamais, Seigneur. C’est moi qui dois venir à Toi pour être sanctifié, et c’est Toi qui viens vers moi?” Et Jésus, en lui mettant une main sur la tête, parce que Jean s’était incliné devant Jésus, lui répond: “Permets que tout se fasse comme je veux, pour que s’accomplisse toute justice et que ton rite achemine les hommes vers un plus haut mystère et qu’il leur soit annoncé que la Victime est dans ce monde.” Jean l’observe avec un œil dont une larme adoucit le regard, et le précède vers la rive. Jésus enlève son manteau et sa tunique, gardant une sorte de caleçon court et descend dans l’eau où se trouve déjà Jean. Jean le baptise en Lui versant sur la tête de l’eau du fleuve, avec une sorte de tasse suspendue à sa ceinture et qui semble être une coquille ou une demi-calebasse séchée et vidée. Jésus est proprement l’Agneau, l’Agneau dans la blancheur de sa chair, la modestie de ses traits, la douceur de son regard. Pendant que Jésus remonte sur la rive, et qu’après s’être vêtu, il se recueille en prière, Jean le montre à la foule et témoigne de l’avoir reconnu au signe que l’Esprit de Dieu lui avait indiqué et qui désignait infailliblement le Rédempteur. Mais je suis polarisée par le spectacle de Jésus qui prie et je ne vois plus que cette figure lumineuse qui se détache sur le fond vert de la rive.
Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie http://www.mariavaltorta.com/

Dimanche 21 novembre 2010, Solennité du Christ, Roi de l'Univers

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 23,35-43. 
On venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à regarder. Les chefs ricanaient en disant : « Il en a sauvé d'autres : qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui. S'approchant pour lui donner de la boisson vinaigrée, ils lui disaient : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Une inscription était placée au-dessus de sa tête : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L'un des malfaiteurs suspendus à la croix l'injuriait : « N'es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous avec ! » Mais l'autre lui fit de vifs reproches : « Tu n'as donc aucune crainte de Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c'est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n'a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne. » Jésus lui répondit : « Amen, je te le déclare : aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris 
Correspondance dans "l’Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta : Tome 9, Ch 29, p 279 - CD 9, piste 106 - 
 Quatre hommes musclés, qui par leur aspect me paraissent juifs et juifs dignes de la croix plus que les condamnés, certainement de la même catégorie que les flagellateurs, sautent d'un sentier sur le lieu du supplice. Ils sont vêtus de tuniques courtes et sans manches et ils ont dans les mains des clous, des marteaux et les cordes qu'ils montrent aux condamnés en se moquant d'eux. La foule est agitée par un délire cruel. Le centurion offre à Jésus l'amphore pour qu'il boive la mixture anesthésique du vin myrrhe. Mais Jésus la refuse. Les deux larrons, au contraire, en boivent une quantité. Puis l'amphore à la bouche largement évasée est placée près d'une grosse pierre, presque en haut de la cime. On donne aux condamnés l'ordre de se dévêtir. Les deux larrons le font sans aucune pudeur. Ils s'amusent même à faire des actes obscènes vers la foule et en particulier vers le groupe sacerdotal tout blanc dans ses vêtements de lin et qui est revenu tout doucement sur la petite place plus basse, en profitant de sa qualité pour s'insinuer à cet endroit. Aux prêtres se sont unis deux ou trois pharisiens et d'autres puissants personnages que la haine rend amis. Et je vois des personnes connues comme le pharisien Giocana et Ismaël, le scribe Sadoc, Éli de Capharnaüm… Les bourreaux offrent aux condamnés trois loques pour qu'ils se les attachent à l'aine, et les larrons les prennent avec les plus horribles blasphèmes. Jésus, qui se déshabille lentement à cause de la douleur des blessures, la refuse. Il pense peut-être garder les courtes culottes qu'il a gardées même dans la flagellation. Mais quand on Lui dit de les enlever, il tend la main pour mendier le chiffon aux bourreaux pour cacher sa nudité. C'est vraiment l'Anéanti jusqu'à devoir demander un chiffon aux criminels. Mais Marie a vu et elle a enlevé le long et fin linge blanc qui lui voile la tête sous le manteau foncé et dans lequel elle a déjà versé tant de pleurs. Elle l'enlève sans faire tomber le manteau, le donne à Jean pour qu'il le présente à Longin pour son Fils. Le centurion prend le voile sans difficulté. Quand Jésus va se déshabiller complètement, en se tournant non vers la foule mais vers le côté où il n'y a personne, montrant ainsi son dos sillonné de bleus et des ampoules saignant par les blessures ouvertes ou les croûtes sombres, Longin Lui présente le voile maternel. Jésus le reconnaît. Il s'en enveloppe en lui faisant faire plusieurs fois le tour du bassin en le fixant bien pour qu'il ne tombe pas… Et sur le lin baigné seulement jusqu'alors de pleurs, tombent les premières gouttes de sang, car de nombreuses blessures à peine couvertes de sang coagulé, quand il se baisse pour enlever ses sandales et déposer ses vêtements, se sont rouvertes, et le sang recommence à couler. Maintenant Jésus se tourne vers la foule, et on voit ainsi que la poitrine aussi, les bras, les jambes ont été toutes frappées par les fouets. À la hauteur du foie il y a un énorme bleu et sous l'arc costal gauche il y a sept traces en relief, terminées par sept petites déchirures sanglantes à l'intérieur d'un cercle violacé… un coup féroce de fouet dans cette région si sensible du diaphragme. Les genoux, contusionnés par les chutes répétées qui ont commencé tout de suite après sa capture et se sont terminées sur le Calvaire, sont noirs d'hématomes et ouverts sur la rotule, spécialement le genou droit, en une vaste déchirure sanglante. La foule le méprise en formant une sorte de chœur: “Oh! Beau! Le plus beau des enfants des hommes! Les filles de Jérusalem t'adorent…” Et elle entonne sur le ton d'un psaume: “Mon aimé est candide et rubicond, distingué entre mille et mille. Sa tête est d'or pur, ses cheveux des grappes de palmier, soyeux comme la plume du corbeau. Ses yeux sont comme deux colombes qui se baignent dans des ruisseaux non pas d'eau mais de lait, dans le lait de son orbite. Ses joues sont des parterres d'aromates, ses lèvres pourpres sont des lys qui ruissellent une myrrhe précieuse. Ses mains sont faites comme un travail d'orfèvre, terminées en jacinthe rose. Son tronc est de l'ivoire veiné de saphir. Ses jambes sont des colonnes parfaites, de marbre blanc sur des bases d'or. Sa majesté est comme celle du Liban, il est plus majestueux que le cèdre élevé. Sa langue est imprégnée de douceur et lui n'est que délices” et ils rient et crient aussi: “Le lépreux! Le lépreux! Tu as donc forniqué avec une idole si Dieu t'a ainsi frappé? Tu as murmuré contre les saints d'Israël comme Marie de Moïse, si tu as été ainsi puni? Oh! Oh! le Parfait! Tu es le Fils de Dieu? Mais non! Tu es l'avorton de Satan! Lui, au moins, Mammon est puissant et fort. Toi… tu es une loque impuissante et dégoûtante.” Les larrons sont attachés sur les croix et amenés à leurs places, l'un à droite, l'autre à gauche par rapport à celle destinée à Jésus. Ils poussent des cris, des imprécations, des malédictions et surtout lorsque les croix sont portées près du trou et les secouent, alors que leurs poignets sont sciés par les cordes, leurs blasphèmes contre Dieu, contre la Loi, les romains et les juifs sont infernaux. C'est le tour de Jésus. Doux il s'allonge sur le bois. Les deux larrons étaient tellement rebelles, que n'arrivant pas à le faire, les quatre bourreaux avaient dû demander l'intervention des soldats pour les tenir, pour qu'à coups de pieds ils ne repoussent pas les argousins qui les attachaient par les poignets. Mais pour Jésus, il n'est pas besoin d'aide. Il se couche et met la tête où on Lui dit de la mettre. Il ouvre les bras comme on Lui dit de le faire, allonge les jambes comme on le Lui ordonne. Il s'occupe seulement de bien ajuster son voile. Maintenant son long corps, mince et blanc, se détache sur le bois sombre et le sol jaunâtre. Deux bourreaux s'assoient sur la poitrine pour la tenir immobile. Et je pense à l'oppression et à la souffrance qu'il doit avoir ressenties sous ce poids. Un troisième Lui prend le bras droit en le tenant d'une main à la première partie de l'avant-bras et de l'autre au bout des doigts. Le quatrième, qui a déjà dans les mains le long clou dont la tige quadrangulaire est en pointe, se termine en une plaque arrondie et plate, large comme un sou d'autrefois, regarde si le trou déjà fait dans le bois correspond à la jointure radio-ulnaire du poignet. Il va bien. Le bourreau applique la pointe du clou au poignet, lève le marteau et donne le premier coup. Jésus, qui avait les yeux fermés, pousse un cri et a une contraction à la suite de la douleur aiguë et ouvre les yeux qui nagent dans les larmes. Ce doit être une douleur atroce qu'il éprouve… Le clou pénètre en rompant les muscles, les veines, les nerfs, en brisant les os… Marie répond au cri de son Fils torturé par un gémissement qui a quelque chose de la plainte d'un agneau qu'on égorge, et elle se courbe, comme brisée, en tenant sa tête dans ses mains. Jésus pour ne pas la torturer ne crie plus. Mais les coups sont là, méthodiques, âpres, du fer contre le fer… et on pense que dessous c'est un membre vivant qui les reçoit. La main droite est clouée. On passe à la gauche. Le trou ne correspond pas au carpe. Alors ils prennent une corde, lient le poignet gauche et tirent jusqu'à déboîter la jointure et arracher les tendons et les muscles sans compter qu'ils déchirent la peau déjà sciée par les cordes de la capture. L'autre main aussi doit souffrir car elle est étirée par contrecoup et autour de son clou le trou s'élargit. Maintenant on arrive à peine au commencement du métacarpe, près du poignet. Ils se résignent et ils clouent où ils peuvent, c'est-à-dire entre le pouce et les autres doigts, exactement au centre du métacarpe. Là le clou entre plus facilement, mais avec une plus grande souffrance car il doit couper des nerfs importants, si bien que les doigts restent inertes alors que ceux de la main droite ont des contractions et des tremblements qui indiquent leur vitalité. Mais Jésus ne crie plus, il pousse seulement une plainte rauque derrière ses lèvres fortement fermées, et des larmes de douleur tombent par terre après être tombées sur le bois. Maintenant c'est le tour des pieds. À deux mètres et plus de l'extrémité de la croix il y a un petit coin, à peine suffisant pour un pied. On y porte les pieds pour voir si la mesure est bonne, et comme il est un peu bas, et que les pieds arrivent difficilement, on étire par les chevilles le pauvre Martyr. Le bois rêche de la croix frotte ainsi sur les blessures, déplace la couronne qui ainsi arrache de nouveaux cheveux et menace de tomber. Un bourreau, d'un coup de poing, la remet en place… Maintenant ceux qui étaient assis sur la poitrine de Jésus se lèvent pour se placer sur les genoux, car Jésus a un mouvement involontaire pour retirer ses jambes en voyant briller au soleil le clou très long qui, en longueur et en largeur est le double de ceux qui ont servi pour les mains. Et ils pèsent sur les genoux écorchés, et pressent les pauvres jambes couvertes de contusions pendant que les deux autres accomplissent le travail, beaucoup plus difficile de clouer un pied sur l'autre, en cherchant à combiner ensemble les deux jointures des tarses. Bien qu'ils s'appliquent à tenir les pieds immobiles à la cheville et aux dix doigts, contre le coin, le pied qui est dessous se déplace à cause de la vibration du clou, et ils doivent le déclouer presque parce qu'après être entré dans les parties molles, le clou, déjà épointé pour avoir traversé le pied droit, doit être amené un peu plus vers le milieu. Et ils frappent, frappent, frappent… On n'entend que le bruit atroce du marteau sur la tête du clou, car sur tout le Calvaire ce ne sont que yeux et oreilles tendues, pour recueillir tout geste et tout bruit et en jouir… Par dessus le son âpre du fer, on entend la plainte sourde d'une colombe: le rauque gémissement de Marie qui se courbe de plus en plus à chaque coup, comme si le marteau la blessait elle, la Mère Martyre. Et on comprend qu'elle semble près d'être brisée par cette torture. La crucifixion est redoutable, égale à la flagellation pour la douleur, plus atroce à voir car on voit le clou disparaître dans les chairs vivantes, mais en compensation, elle est plus brève. Alors que la flagellation épuise par sa durée. Pour moi, l'Agonie du Jardin, la Flagellation et la Crucifixion sont les moments les plus atroces. Elles me dévoilent toute la torture du Christ. La mort me soulage car je me dis: “C'est fini!” Mais elles ne sont pas la fin. Elles sont le commencement pour de nouvelles souffrances. Maintenant la croix est traînée près du trou et elle rebondit sur le sol inégal, en secouant le pauvre Crucifié. On dresse la croix qui échappe par deux fois à ceux qui la lèvent et retombe une fois soudainement, et une autre fois sur le bras droit de la croix, en donnant un affreux tourment à Jésus, car la secousse qu'il subit déplace les membres blessés. Mais quand ensuite on laisse tomber la croix dans son trou, avant d'être immobilisée avec des pierres et de la terre, elle ondule en tous les sens en imprimant de continuels déplacements au pauvre Corps suspendu à trois clous, la souffrance doit être atroce. Tout le poids du corps se déplace en avant et vers le bas, et les trous s'élargissent, en particulier celui de la main gauche, et s'élargit le trou des pieds alors que le sang coule plus fort. Le sang des pieds coule le long des doigts par terre et le long du bois de la croix, mais celui des mains suit les avant-bras, car ils sont plus hauts aux poignets qu'aux aisselles, par suite de la position, et il coule aussi le long des côtes en descendant de l'aisselle vers la taille. La couronne, quand la croix ondule avant d'être fixée, se déplace car la tête se rabat vers l'arrière, en enfonçant dans la nuque le gros nœud d'épines qui termine la couronne piquante, et puis revient se placer sur le front et griffe, griffe sans pitié. Finalement la croix est bien en place et il n'y a que le tourment d'y être suspendu. On dresse aussi les larrons qui, une fois mis verticalement, crient comme si on les écorchait vifs à cause de la torture des cordes qui scient les poignets et rendent les mains noires, en gonflant les veines comme des cordes. Jésus se tait. La foule ne se tait plus, au contraire, mais reprend son vacarme infernal. Maintenant la cime du Golgotha a son trophée et sa garde d'honneur. A la limite la plus élevée la croix de Jésus, aux côtés les deux autres. Une demie centurie de soldats l'arme au pied tout autour du sommet, à l'intérieur de ce cercle d'hommes armés, les dix cavaliers maintenant démontés qui jouent aux dés les vêtements des condamnés. Debout, entre la croix de Jésus et celle de droite, Longin. Il semble monter la garde d'honneur au Roi Martyr. L'autre demie centurie, au repos, est aux ordres de l'aide de camp de Longin sur le sentier de gauche et sur la place plus basse, en attendant d'être employée s'il en était besoin. De la part des soldats, c'est une indifférence à peu près totale. Seul quelqu'un lève parfois son visage vers les crucifiés. Longin, au contraire, observe tout avec curiosité et intérêt, il confronte, et juge mentalement. Il confronte les crucifiés, et le Christ spécialement, avec les spectateurs. Son œil pénétrant ne perd aucun détail et, pour mieux voir, de la main il protège ses yeux car le soleil doit le gêner. C'est en fait un soleil étrange, d'un jaune rouge d'incendie. Et puis il semble que l'incendie s'éteigne tout à coup à cause d'un nuage noir comme de la poix qui surgit de derrière les chaînes juives et qui parcourt rapidement le ciel et va disparaître derrière d'autres montagnes. Et quand le soleil revient il est si vif que l'œil ne le supporte que difficilement. En regardant il voit Marie juste au-dessous du talus, qui tient levé vers son Fils son visage déchiré. Il appelle un des soldats qui jouent aux dés et lui dit: “Si la Mère veut monter avec le fils qui l'accompagne, qu'elle vienne. Accompagne-la et aide-la.” Et Marie avec Jean, que l'on croit son “fils”, monte par un petit escalier creusé dans le tufeau, je crois, et franchit le cordon de soldats pour aller au pied de la croix, mais un peu à l'écart pour être vue et pour voir son Jésus. La foule lui déverse aussitôt les insultes les plus outrageantes, en la joignant dans les blasphèmes à son Fils. Mais elle, de ses lèvres tremblantes et blanches, cherche seulement à le réconforter, avec un sourire déchiré sur lequel viennent s'essuyer les larmes qu'aucune force de volonté ne réussit à retenir dans les yeux. Les gens, en commençant par les prêtres, scribes, pharisiens, sadducéens, hérodiens et autres de même acabit, se procurent le divertissement de faire une sorte de carrousel en montant par le chemin à pic, en passant le long de la hauteur terminale et en redescendant par l'autre chemin, ou vice versa. Et en passant au pied de la cime, sur la seconde petite place, ils ne manquent pas d'offrir leurs paroles blasphématrices en hommage au Mourant. Toute la turpitude, la cruauté, toute la haine et la folie dont les hommes sont capables avec la langue sortent à flots de ces bouches infernales. Les plus acharnés sont les membres du Temple avec les pharisiens pour les aider. “Eh bien? Toi, Sauveur du genre humain, pourquoi ne te sauves-tu pas? Il t'a abandonné ton roi Belzébuth? Il t'a renié?” crient trois prêtres. Et une bande de juifs: “Toi qui pas plus tard qu'il y a cinq jours, avec l'aide du démon, faisais dire au Père… ah! ah! ah! qu'Il t'aurait glorifié, comment donc ne Lui rappelles-tu pas de tenir sa promesse?” Et trois pharisiens: “Blasphémateur! Il a sauvé les autres, disait-il, avec l'aide de Dieu! Et il ne réussit pas à se sauver Lui-même! Tu veux qu'on te croie? Alors fais le miracle. Tu ne peux, hein? Maintenant tu as les mains clouées, et tu es nu.” Et des sadducéens et des hérodiens aux soldats: “Gare à l'envoûtement, vous qui avez pris ses vêtements! Il a en Lui le signe infernal!” Une foule en chœur: “Descends de la croix et nous croirons en Toi. Toi qui détruis le Temple… Fou!… Regarde-là, le glorieux et saint Temple d'Israël. Il est intouchable, ô profanateur! Et Toi, tu meurs.” D'autres prêtres: “Blasphémateur! Toi, Fils de Dieu? Et descends de là, alors. Foudroies-nous si tu es Dieu. Nous ne te craignons pas et nous crachons vers Toi.” D'autres qui passent et hochent la tête: “Il ne sait que pleurer. Sauve-toi, s'il est vrai que tu es l'Élu!” Les soldats: “Et sauve-toi, donc! Réduis en cendres cette subure de la subure! Oui! Subure de l'empire, voilà ce que vous êtes, canailles de juifs. Fais-le! Rome te mettra au Capitole et t'adorera comme une divinité!” Les prêtres avec leurs compères: “Ils étaient plus doux les bras des femmes que ceux de la croix, n'est-ce pas? Mais regarde: ils sont déjà prêts à te recevoir tes… (et ils disent un terme infâme). Tu as Jérusalem toute entière pour te servir de paranymphe” et ils sifflent comme des charretiers. D'autres lancent des pierres: “Change-les en pains, Toi qui multiplies les pains.” D'autres en singeant les hosannas du dimanche des palmes, lancent des branches, et crient: “Maudit celui qui vient au nom du Démon! Maudit son royaume! Gloire à Sion qui le sépare du milieu des vivants!” Un pharisien se place en face de la croix, il montre le poing en Lui faisant les cornes et il dit: “"Je te confie au Dieu de Sinaï" disais-tu? Maintenant le Dieu du Sinaï te prépare au feu éternel. Pourquoi n'appelles-tu pas Jonas pour qu'il te rende un bon service?” Un autre: “N'abîme pas la croix avec les coups de ta tête. Elle doit servir pour tes fidèles. Une légion entière en mourra sur ton bois. Je te le jure sur Jéhovah. Et pour commencer j'y mettrai Lazare. Nous verrons si tu l'enlèves à la mort, maintenant.” “Oui! Oui! Allons chez Lazare. Clouons-le de l'autre côté de la croix” et comme des perroquets, ils imitent la parole lente de Jésus en disant: “Lazare, mon ami, viens dehors! Déliez-le et laissez-le aller.” “Non! Il disait à Marthe et à Marie, ses femmes: "Je suis la Résurrection et la Vie". Ah! Ah! Ah! La Résurrection ne sait pas repousser la mort, et la Vie meurt!” “Voici Marie avec Marthe. Demandons-leur où est Lazare et allons le chercher.” Et ils s'avancent vers les femmes pour leur demander avec arrogance: “Où est Lazare? Au palais?” Et Marie-Magdeleine, alors que les autres femmes terrorisées fuient derrière les bergers, s'avance, retrouvant dans sa douleur sa vieille hardiesse du temps du péché, et elle dit: “Allez. Vous trouverez déjà au palais les soldats de Rome et cinq cents hommes armés de mes terres et ils vous castreront comme de vieux boucs destinés aux repas des esclaves aux meules.” “Effrontée! C'est ainsi que tu parles aux prêtres?” “Sacrilèges! Infâmes! Maudits! Tournez-vous! Derrière vous, vous avez, je le vois, les langues des flammes infernales.” Les lâches se tournent, vraiment terrorisés, tant est assurée l'affirmation de Marie, mais s'ils n'ont pas les flammes derrière eux, ils ont aux reins les lances romaines bien pointues. En effet Longin a donné un ordre et la demie centurie, qui était au repos, est entrée en faction et elle pique aux fesses les premiers qu'elle trouve. Ceux-ci s'enfuient en criant et la demie centurie reste pour fermer l'entrée des deux chemins et pour faire un barrage à la petite place. Les juifs crient des imprécations, mais Rome est la plus forte. La Magdeleine rabaisse son voile - elle l'avait levé pour parler à ceux qui les insultaient - et revient à sa place. Les autres se joignent. Mais le larron de gauche continue ses insultes du haut de sa croix. Il semble qu'il ait voulu rassembler tous les blasphèmes d'autrui et il les débite tous, en disant pour finir: “Sauve-toi et sauve-nous, si tu veux que l'on te croie. Le Christ, Toi? Tu es un fou! Le monde appartient aux fourbes et Dieu n'existe pas. Moi j'existe. Cela est vrai, et pour moi tout est permis. Dieu? Fariboles! Mises pour nous tenir tranquilles. Vive notre moi! Lui seul est roi et dieu!” L'autre larron, celui de droite, a Marie presque à ses pieds et il la regarde presque plus qu'il ne regarde le Christ. Depuis un moment il pleure en murmurant: “La mère”, il dit: “Tais-toi. Tu ne crains pas Dieu, même maintenant que tu souffres cette peine? Pourquoi insultes-tu celui qui est bon? Et son supplice est encore plus grand que le nôtre. Et il n'a rien fait de mal.” Mais l'autre continue ses imprécations. Jésus se tait. Haletant à cause de l'effort que Lui impose sa position, à cause de la fièvre et de son état cardiaque et respiratoire, conséquence de la flagellation subie sous une forme aussi violente, et aussi de l'angoisse profonde qui Lui avait fait suer sang, il cherche à se procurer un soulagement, en allégeant le poids qui pèse sur ses pieds, en se suspendant à ses mains par la force des bras. Peut-être le fait-il pour vaincre un peu la crampe qui déjà tourmente ses pieds et que trahit un frémissement musculaire. Mais le même frémissement affecte les fibres des bras qui sont forcés dans cette position et doivent être gelés à leurs extrémités parce que placés plus haut et délaissés par le sang qui arrive difficilement aux poignets et puis coule par les trous des clous en laissant les doigts sans circulation. Surtout ceux de gauche sont déjà cadavériques et restent sans mouvement, repliés vers la paume. Même les doigts des pieds expriment leur tourment. En particulier les gros orteils, peut-être parce que leur nerf est moins blessé, se lèvent, s'abaissent, s'écartent. Le tronc ensuite révèle toute sa peine avec son mouvement rapide mais sans profondeur qui le fatigue sans le soulager. Les côtes, très larges et élevées d'elles-mêmes, car la structure de ce Corps est parfaite, sont maintenant dilatées plus qu'il ne faut à cause de la position prise par le corps et de l’œdème pulmonaire qui s'est sûrement formé à l'intérieur. Et pourtant elles ne servent pas à alléger l'effort respiratoire d'autant plus que tout l'abdomen aide par son mouvement le diaphragme qui se paralyse de plus en plus. La congestion et l'asphyxie grandissent de minute en minute, comme l'indique la couleur cyanotique qui souligne les lèvres d'un rose allumé par la fièvre, et les étirements d'un rouge violet qui badigeonne le cou le long des veines jugulaires gonflées, et s'élargissent jusqu'aux joues, vers les oreilles et les tempes, alors que le nez est effilé et exsangue et que les yeux s'enfoncent en un cercle, qui est livide là où il est privé du sang que la couronne a fait couler. Sous l'arc costal gauche on voit le coup propagé à partir de la pointe du cœur, irrégulier, mais violent, et de temps en temps, par l'effet d'une convulsion interne, le diaphragme a un frémissement profond qui se manifeste par une détente totale de la peau dans la mesure où elle peut s'étendre sur ce pauvre Corps blessé et mourant. Le Visage a déjà l'aspect que nous voyons dans les photographies du Linceul, avec le nez dévié et gonflé d'un côté, et même le fait de tenir l'œil droit presque fermé, à cause de l'enflure qui existe de ce côté, augmente la ressemblance. La bouche, au contraire, est ouverte, avec sa blessure sur la lèvre supérieure désormais réduite à une croûte. La soif, donnée par la perte de sang, par la fièvre et par le soleil, doit être intense, au point que Lui, par un mouvement machinal, boit les gouttes de sa sueur et de ses larmes, et aussi les gouttes de sang qui descendent du front jusqu'à ses moustaches, et il s'en humecte la langue… La couronne d'épines l'empêche de s'appuyer au tronc de la croix pour aider la suspension par les bras et soulager les pieds. Les reins et toute l'épine dorsale se courbent vers l'extérieur en restant détachés du tronc de la croix à partir du bassin vers le haut, à cause de la force d'inertie qui fait pencher en avant un corps suspendu comme était le sien. Les juifs, repoussés au-delà de la petite place, ne cessent pas leurs insultes et le larron impénitent leur fait écho. L'autre, qui maintenant regarde la Mère avec une pitié toujours plus grande, et pleure, lui riposte âprement quand il se rend compte qu'elle aussi est comprise dans l'insulte. “Tais-toi! Rappelle-toi que tu es né d'une femme. Et réfléchis que les nôtres ont pleuré à cause de leurs fils, et ce furent des larmes de honte… parce que nous sommes des criminels. Nos mères sont mortes… Je voudrais pouvoir lui demander pardon… Mais le pourrai-je? C'était une sainte… Je l'ai tuée par la douleur que je lui ai donnée… Je suis un pécheur… Qui me pardonne? Mère, au nom de ton Fils mourant, prie pour moi.” La Mère lève un moment son visage torturé et elle le regarde, ce malheureux qui à travers le souvenir de sa mère et la contemplation de la Mère va vers le repentir, et elle paraît le caresser de son regard de colombe. Dismas pleure plus fort, ce qui déchaîne encore plus les moqueries de la foule et de son compagnon. La première crie: “Bravo! Prends-la pour mère. Ainsi elle a deux fils criminels!” Et l'autre renchérit: “Elle t'aime car tu es une copie mineure de son bien-aimé.” Jésus parle pour la première fois: “Père, pardonne-leur parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils font!” Cette prière vaine toute crainte chez Dismas. Il ose regarder le Christ et dit: “Seigneur, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton royaume. Pour moi, il est juste que je souffre ici. Mais donne-moi miséricorde et paix au-delà de la vie. Une fois je t'ai entendu parler et, dans ma folie, j'ai repoussé ta parole. Maintenant je m'en repens. De mes péchés, je me repens devant Toi, Fils du Très-Haut. Je crois que tu viens de Dieu. Je crois en ton pouvoir. Je crois en ta miséricorde. Christ, pardonne-moi au nom de ta Mère et de ton Père très Saint.” Jésus se tourne et le regarde avec une profonde pitié et il a un sourire encore très beau sur sa pauvre bouche torturée. Il dit: “Moi, je te le dis: aujourd'hui tu seras avec Moi au Paradis.” Le larron repenti se calme et, ne sachant plus les prières apprises pendant son enfance, il répète comme une oraison jaculatoire: “Jésus Nazaréen, roi des juifs, aie pitié de Moi. Jésus Nazaréen, roi des juifs, j'espère en Toi. Jésus Nazaréen, roi des juifs, je crois à ta Divinité.” L'autre persiste dans ses blasphèmes. Le ciel devient toujours plus sombre. Maintenant c'est difficilement que les nuages s'ouvrent pour laisser passer le soleil. Mais ils s'amoncellent en couches de plus en plus sombres, blanches, verdâtres, se surmontent, se démêlent selon les caprices d'un vent froid qui parcourt le ciel à intervalles et puis descend sur la terre et puis se tait de nouveau, et l'air est presque plus sinistre quand il se tait, étouffant et mort, que quand il siffle, coupant et rapide. La lumière, d'abord vive outre mesure, est en train de devenir verdâtre. Les visages prennent des aspects bizarres. Les soldats, sous leurs casques et dans leurs cuirasses d'abord brillantes et devenues maintenant comme enveloppées dans une lumière verdâtre et sous un ciel de cendre, présentent des profils durs comme s'ils étaient sculptés. Les juifs, en majorité bruns de peau et de cheveux et de barbe, paraissent des noyés tant leurs visages deviennent terreux. Les femmes semblent des statues de neige bleutée à cause de leur pâleur exsangue que la lumière accentue. Jésus semble devenir sinistrement livide, comme s'il commençait à se décomposer, comme s'il était déjà mort. La tête commence à retomber sur la poitrine. Ses forces manquent rapidement. Il tremble malgré la fièvre qui le brûle. Et dans sa faiblesse, il murmure le nom que d'abord il a seulement dit du fond du cœur: “Maman!” “Maman!”.'Il le murmure doucement comme dans un soupir, comme s'il éprouvait déjà un léger délire qui l'empêche de retenir autant que sa volonté le voudrait. Et Marie chaque fois ne peut s'empêcher de Lui tendre les bras comme pour le secourir. Les gens cruels rient de ce spasme du Mourant et de celle qui le partage. Ils montent de nouveau par derrière les bergers, qui cependant sont sur la petite place basse, les prêtres et les scribes. Comme les soldats voudraient les repousser, ils réagissent en disant: “N'y sont-ils pas ces galiléens? Nous devons y être nous aussi qui devons vérifier que justice soit faite complètement, et nous ne pouvons pas voir de loin dans cette lumière étrange.” En fait beaucoup commencent à s'impressionner de la lumière qui est en train d'envelopper le monde et certains ont peur. Les soldats aussi regardent le ciel et une sorte de cône qui semble de l'ardoise tant il est sombre, qui s'élève comme un pin de derrière un sommet. Il semble que ce soit une trombe marine. Il s'élève, s'élève et il semble qu'il produise des nuages de plus en plus noirs, comme si c'était un volcan vomissant de la fumée et de la lave. C'est dans cette lumière crépusculaire et effrayante que Jésus donne Jean à Marie et Marie à Jean. Il penche la tête car la Mère, pour mieux voir, s'est mise plus près sous la croix, et il lui dit: “Femme, voilà ton fils. Fils, voilà ta Mère.” Marie a le visage encore plus bouleversé après cette parole qui est le testament de son Jésus, qui n'a rien à donner à sa Mère sinon un homme, Lui, qui par amour de l'Homme, la prive de l'Homme-Dieu qui est né d'elle. Mais elle, la pauvre Mère, s'efforce de ne pleurer que silencieusement car elle ne peut pas, elle ne peut pas ne pas pleurer… Ses larmes coulent malgré les efforts qu'elle fait pour les retenir, bien que sa bouche ait son sourire déchirant qu'elle fixe sur ses lèvres pour Lui, pour le réconforter Lui… Les souffrances ne cessent de grandir et la lumière ne cesse de décroître. C'est dans cette lumière de fond marin que sortent de derrière les juifs Nicodème et Joseph, et ils disent: “Écartez-vous!” “Impossible! Que voulez-vous?” disent les soldats. “Passer. Nous sommes des amis du Christ.” Les chefs des prêtres se tournent: “Qui ose se déclarer comme ami du rebelle?” disent les prêtres indignés. Et Joseph, résolument: “Moi, noble membre du Grand Conseil: Joseph d'Arimathie, l'Ancien, et j'ai avec moi Nicodème, chef des juifs.” “Qui pactise avec le rebelle est un rebelle.” “Et qui pactise avec les assassins est un assassin, Eléazar d'Anna. J'ai vécu en juste. Et maintenant je suis âgé et près de mourir. Je ne veux pas devenir injuste alors que déjà le Ciel descend sur moi et avec Lui le Juge éternel.” “Et toi, Nicodème! Je m'étonne!” “Moi aussi, et d'une seule chose: qu'Israël soit tellement corrompu qu'il ne sait plus reconnaître Dieu.” “Tu me dégoûtes.” “Écarte-toi alors, et laisse-moi passer. Je ne demande que cela.” “Pour te contaminer davantage?” “Si je ne me suis pas contaminé en restant près de vous, rien ne me contamine plus. Soldat, pour toi la bourse et le billet de laissez-passer.” Et il passe au décurion le plus proche une bourse et une tablette de cire. Le décurion en prend connaissance et il dit aux soldats: “Laissez passer les deux.” Joseph et Nicodème s'approchent des bergers. Je ne sais même pas si Jésus les voit, dans ce brouillard de plus en plus épais et avec son œil qui déjà se voile dans l'agonie. Mais ils le voient et ils pleurent sans respect humain, bien que sur eux s'acharnent les imprécations des prêtres. Les souffrances sont toujours plus fortes. Le corps éprouve les premières cambrures de la tétanie et chaque clameur de la foule les exaspère. La mort des fibres et des nerfs s'étend des extrémités torturées au tronc, rendant de plus en plus difficile le mouvement de la respiration, plus faible la contraction diaphragmatique et plus désordonné le mouvement cardiaque. Le visage du Christ passe alternativement d'une rougeur intense à la pâleur verdâtre de celui qui meurt par hémorragie. La bouche se meut avec une fatigue plus grande car les nerfs surfatigués du cou et de la tête elle-même, qui des dizaines de fois ont servi de levier à tout le corps, en s'arc-boutant sur la barre transversale de la croix, propagent la crampe jusqu'aux mâchoires. La gorge, enflée par les carotides engorgées, doit faire mal et doit étendre son œdème à la langue qui paraît grossie et dont les mouvements sont très lents. La colonne vertébrale, même dans les moments où les contractions tétanisantes ne la courbent pas en un arc complet de la nuque aux anches, appuyées comme points extrêmes au tronc de la croix, se courbe de plus en plus en avant, car les membres ne cessent de s'alourdir du poids de la chair morte. Les gens voient ces choses peu et mal car la lumière est désormais couleur de cendre sombre et seuls peuvent bien voir ceux qui sont au pied de la croix. Jésus à un certain moment s'affaisse tout entier vers l'avant et le bas, comme s'il était déjà mort, il n'halète plus, la tête pend inerte en avant. Le corps, depuis les anches vers le haut, est complètement détaché en faisant un angle avec les bras de la croix. Marie pousse un cri: “Il est mort!” Un cri tragique qui se propage dans l'air obscurci. Et Jésus semble réellement mort. Un autre cri de femme lui répond, et dans le groupe des femmes je vois un mouvement. Puis une dizaine de personnes s'éloignent en soutenant quelque chose, mais je ne puis voir qui s'éloigne ainsi. Elle est trop faible la lumière brumeuse. On dirait que l'on est plongé dans une nuée épaisse de cendres volcaniques. “Ce n'est pas possible” crient des prêtres et des juifs. “C'est une feinte pour nous éloigner. Soldat, pique-le de ta lance. C'est un bon remède pour Lui rendre la voix.” Et comme les soldats ne le font pas, une volée de pierres et de mottes de terre volent vers la croix, frappant le Martyr et retombant sur les cuirasses romaines. Le remède, comme disent ironiquement les juifs, opère le prodige. Certainement une pierre a frappé adroitement peut-être la blessure d'une main ou la tête elle-même, car ils visaient vers le haut. Jésus pousse un gémissement pitoyable et revient à Lui. Le thorax recommence à respirer avec beaucoup de peine et la tête à se tourner de droite à gauche en cherchant un endroit pour se poser afin de moins souffrir, sans trouver autre chose qu'une peine plus grande. Avec une grande peine, en s'appuyant une fois encore sur ses pieds torturés, trouvant de la force dans sa volonté, uniquement en elle, Jésus se raidit sur la croix, se dresse comme s'il était un homme sain dans toute sa force, il lève son visage en regardant avec des yeux bien ouverts le monde qui s'étend à ses pieds, la ville lointaine qu'on entrevoit à peine comme une vague blancheur dans la brume, et le ciel noir où tout azur et toute trace de lumière ont disparu. Et vers ce ciel fermé, compact, bas, semblable à une énorme plaque d'ardoise sombre, il pousse un grand cri, triomphant par la force de sa volonté, par le besoin de son âme, de l'obstacle des mâchoires raidies, de sa langue enflée, de sa gorge gonflée: “Éloi, Éloi, lamma scébacténi!” (je l'entends parler ainsi). Il doit se sentir mourir, et dans un abandon absolu du Ciel, pour reconnaître par un tel cri l'abandon paternel. Les gens rient et se moquent. Ils l'insultent: “Dieu n'a que faire de Toi! Les démons sont maudits de Dieu!” D'autres crient: “Voyons si Élie qu'il appelle vient le sauver.” Et d'autres: “Donnez-lui un peu de vinaigre, pour qu'il se gargarise la gorge. C'est bon pour la voix! Élie ou Dieu, car on ne sait pas ce que veut le fou, sont loin… Il faut de la voix pour se faire entendre!” Et ils rient comme des hyènes ou comme des démons. Mais aucun soldat ne donne du vinaigre et personne ne vient du Ciel pour le réconforter. C'est l'agonie solitaire, totale, cruelle, même surnaturellement cruelle, de la Grande Victime. Elles reviennent les avalanches de douleur désolée qui déjà l'avaient accablé au Gethsémani. Elle revient la marée des péchés du monde entier pour frapper le naufragé innocent, pour l'engloutir dans leur amertume. Elle revient surtout la sensation, plus crucifiante que la croix elle-même, plus désespérante que toute torture, que Dieu l'a abandonné et que sa prière ne monte pas vers Lui… Et c'est le tourment final. Celui qui accélère la mort car il exprime les dernières gouttes de sang des pores, parce qu'il écrase les dernières fibres du cœur, car il termine ce que la première connaissance de cet abandon a commencé: la mort. Car c'est de cela comme première cause qu'est mort mon Jésus, ô Dieu qui l'as frappé à cause de nous! Après ton abandon, par l'effet de ton abandon, que devient une créature? Ou un fou, ou un mort. Jésus ne pouvait pas devenir fou car son intelligence était divine et, spirituelle comme l'est l'intelligence, elle triomphait du traumatisme total de Celui que Dieu frappait. Il devint donc un mort: le Mort, le très Saint Mort, le Mort absolument Innocent. Mort, Lui qui était la Vie, tué par ton abandon et par nos péchés. L'obscurité devient encore plus épaisse. Jérusalem disparaît complètement. Les pentes du Calvaire lui-même semblent s'annuler. Seule la cime est visible, comme si les ténèbres la surélevaient pour recueillir l'unique et dernière lumière qui restait, en la plaçant comme pour une offrande avec son trophée divin, sur une nappe d'onyx liquide, pour qu'elle soit vue par l'amour et par la haine. Et de cette lumière qui n'est pas de la lumière vient la voix plaintive de Jésus: “J'ai soif!” Il y a en effet un vent qui altère même ceux qui sont en bonne santé, un vent continu, maintenant, violent, chargé de poussière, froid, effrayant. Je pense à la douleur qu'il aura donné par son souffle violent aux poumons, au cœur, au gosier de Jésus, à ses membres glacés, engourdis, blessés. Mais vraiment tout s'est mis à torturer le Martyr. Un soldat va à un vase où les aides du bourreau ont mis du vinaigre avec du fiel parce que, par son amertume, il augmente la salivation chez les suppliciés. Il prend l'éponge plongée dans le liquide, l'enfile au bout d'un roseau fin et pourtant rigide qui est déjà préparé tout près, et il présente l'éponge au Mourant. Jésus se tend avidement vers l'éponge qui approche. On dirait un enfant affamé qui cherche le sein maternel. Marie qui voit et certainement a cette pensée, gémit, en s'appuyant sur Jean: “Oh! et je ne puis même pas Lui donner une goutte de mes pleurs… Oh! mon sein pourquoi ne donnes-tu plus le lait? Oh! Dieu pourquoi, pourquoi nous abandonnes-tu ainsi? Un miracle pour mon Fils! Qui me soulève pour que je le désaltère de mon sang, puisque je n'ai pas de lait?…” Jésus, qui a sucé avidement l'âpre et amère boisson, détourne la tête dégoûté. Cette boisson doit en plus brûler les lèvres blessées et gercées. Il se retire, s'affaisse, s'abandonne. Tout le poids du corps retombe sur les pieds et en avant. Ce sont les extrémités blessées qui souffrent la peine atroce de s'ouvrir sous le poids d'un corps qui s'abandonne. Plus un mouvement pour soulager cette douleur. Depuis le bassin jusqu'en haut, tout est détaché du bois et reste ainsi. La tête pend en avant si pesamment que le cou paraît creusé en trois endroits: à la gorge, complètement enfoncée, et de part et d'autre du sterno-cléido-mastoïdien. La respiration est de plus en plus haletante et entrecoupée. C'est déjà plus un râle syncopé qu'une respiration. De temps à autre un accès de toux pénible apporte aux lèvres une écume légèrement rosée. Les intervalles entre deux expirations deviennent toujours plus longs. L'abdomen est déjà immobile. Seul le thorax se soulève encore, mais avec beaucoup de difficulté et de peine… La paralysie pulmonaire s'accentue toujours plus. Et toujours plus faible, se transformant en une plainte enfantine, l'appel: “Maman!” Et la malheureuse murmure: “Oui, mon Trésor, je suis ici.” Et quand la vue qui se voile Lui fait dire: “Maman, où es-tu? Je ne te vois plus. Toi aussi tu m'abandonnes?” ce n'est même plus une parole, mais un murmure à peine audible pour qui recueille avec le cœur plutôt qu'avec l'ouïe tous les soupirs du Mourant. Elle dit: “Non, non, Fils! Moi je ne t'abandonne pas! Écoute-moi, mon aimé… Maman est ici, elle est ici… et son seul tourment est de ne pas pouvoir venir où tu es…” C'est un déchirement… Et Jean pleure sans retenue. Jésus doit entendre ses sanglots, mais il ne dit rien. Je pense que la mort imminente le fait parler comme s'il délirait et ne sait même pas ce qu'il dit et, malheureusement, ne comprend pas même le réconfort maternel et l'amour du Préféré. Longin - qui sans le remarquer a quitté son attitude de repos avec les mains croisées sur la poitrine et les jambes croisées, à cause de la longueur de l'attente repose tantôt un pied tantôt l'autre, et maintenant au contraire se raidit dans le garde-à-vous, la main gauche sur son épée, la main droite pendant le long de son côté comme s'il était sur les marches du trône impérial - ne veut pas s'émouvoir. Mais son visage s'altère dans l'effort qu'il fait pour vaincre l'émotion et ses yeux brillent d'une larme que seule retient sa discipline de fer. Les autres soldats, qui jouaient aux dés, ont cessé, et se sont levés pour remettre les casques qui avaient servi pour agiter les dés, et se tiennent en groupe près du petit escalier creusé dans le tuffeau, silencieux, attentifs. Les autres sont de service et ne peuvent changer de position. On dirait des statues. Mais l'un des plus proches et qui entend les paroles de Marie, bougonne quelque chose entre ses lèvres et hoche la tête. Un silence. Puis nette dans l'obscurité totale la parole: “Tout est accompli!” et ensuite c'est le halètement de plus en plus rauque avec, entre les râles, des intervalles de silence de plus en plus longs. Le temps court sur ce rythme angoissé. La vie revient quand l'air est rompu par le halètement âpre du Mourant… La vie cesse quand ce son pénible ne s'entend plus. On souffre de l'entendre… on souffre de ne pas l'entendre… On dit: “C'est assez de souffrance!” et on dit: “Oh Dieu! que ce ne soit pas son dernier soupir.” Toutes les Marie pleurent, la tête contre le talus. Et on entend bien leurs sanglots car maintenant toute la foule se tait de nouveau pour recueillir les râles du Mourant. Encore un silence. Puis, prononcée avec une infinie douceur, dans une ardente prière, la supplication: “Père, entre tes mains je remets mon esprit!” Encore un silence. Le râle aussi devient léger. Ce n'est plus qu'un souffle qui sort des lèvres et de la gorge. Puis, voilà, le dernier spasme de Jésus. Une convulsion atroce, qui paraît vouloir arracher du bois le corps qui y est fixé par trois clous, monte par trois fois des pieds à la tête, court à travers tous les pauvres nerfs torturés; soulève trois fois l'abdomen d'une manière anormale, puis le laisse après l'avoir dilaté comme par un bouleversement des viscères, et il retombe et se creuse comme s'il était vidé; elle se lève, gonfle, resserre si fortement le thorax que la peau se creuse entre les côtes qui se tendent en apparaissant sous l'épiderme et rouvrant les blessures de la flagellation; elle porte violemment en arrière une, deux, trois fois la tête qui frappe durement contre le bois; elle contracte en un seul spasme tous les muscles du visage, en accentuant la déviation de la bouche à droite, elle fait ouvrir et dilater les paupières sous lesquelles on voit rouler le globe oculaire et apparaître la sclérotique. Le corps se tend tout entier; dans la dernière des trois contractions c'est un arc tendu, vibrant, terrible à voir, et puis un cri puissant, impensable en ce corps épuisé, se dégage, déchire l'air, le “grand cri” dont parlent les Évangiles et qui est la première partie du mot “Maman”… Et plus rien… La tête retombe sur la poitrine, le corps en avant, le frémissement cesse et cesse aussi la respiration. Il a expiré. La Terre répond au cri de Celui qu'on a tué par un grondement effrayant. Il semble que de mille trombes des géants font sortir un son unique et, sur cet accord terrifiant, voici les notes isolées, déchirantes des éclairs qui sillonnent le ciel en tous sens, tombant sur la ville, sur le Temple, sur la foule… Je crois qu'il y aura eu des gens foudroyés car la foule est frappée directement. Les éclairs sont l'unique lumière et irrégulière qui permette de voir. Et puis tout à coup, pendant que durent encore les décharges de la foudre, la terre s'ébranle en un tourbillon de vent cyclonique. Le tremblement de terre et la trombe d'air se fondent pour donner un châtiment apocalyptique aux blasphémateurs. Le sommet du Golgotha ondule et danse comme un plat dans la main d'un fou, dans les secousses sussultoires et ondulatoires qui secouent tellement les trois croix qu'il semble qu'elles doivent les renverser. Longin, Jean, les soldats s'accrochent où ils peuvent, comme ils peuvent, pour ne pas tomber. Mais Jean pendant qu'avec un bras il se tient à la croix, avec l'autre soutient Marie qui, à cause de sa douleur et des secousses, s'abandonne sur son cœur. Les autres soldats, et surtout ceux du côté en pente, ont dû se réfugier au milieu pour ne pas être jetés en bas de la pente. Les larrons crient de terreur, la foule crie encore plus fort et voudrait s'enfuir, mais elle ne le peut. Les gens tombent les uns sur les autres, s'écrasent, se précipitent dans les fentes du sol, se blessent, roulent le long de la pente, deviennent fous. Par trois fois se répète le tremblement de terre et la trombe d'air et puis c'est l'immobilité absolue d'un monde mort. Seuls des éclairs, mais sans tonnerre, sillonnent encore le ciel et éclairent la scène des juifs qui fuient dans tous les sens, les mains dans les cheveux, ou tendues en avant, ou levées vers le ciel, méprisé jusque là et dont maintenant ils ont peur. L'obscurité est tempérée par une lueur lumineuse qui, aidée par l'émission silencieuse et magnétique des éclairs, permet de voir que beaucoup restent sur le sol: morts ou évanouis, je ne sais. Une maison brûle à l'intérieur des murs et les flammes s'élèvent droites dans l'air immobile, mettant une nuance de rouge vif sur le vert cendre de l'atmosphère. Marie lève sa tête de dessus la poitrine de Jean et regarde son Jésus. Elle l'appelle car elle le voit mal dans la faible lumière et avec ses pauvres yeux pleins de larmes. Trois fois elle l'appelle: “Jésus! Jésus! Jésus!” C'est la première fois qu'elle l'appelle par son nom depuis qu'il est sur le Calvaire. Enfin, dans un éclair qui fait une sorte de couronne sur la cime du Golgotha, elle le voit, immobile, tout penché en avant, avec la tête tellement inclinée en avant, et à droite, au point de toucher l'épaule avec la joue et les côtes avec le menton, et elle comprend. Elle tend ses mains qui tremblent dans l'air obscurci et crie: “Mon Fils! Mon Fils! Mon Fils!” Puis elle écoute… Elle a la bouche ouverte, elle semble vouloir écouter même avec elle, comme elle a les yeux dilatés pour voir, pour voir… Elle ne peut croire que son Jésus n'est plus… Jean lui aussi a regardé et écouté et il a compris que tout est fini. De ses bras il saisit Marie et cherche à l'éloigner en disant: “Il ne souffre plus.” Mais avant que l'apôtre termine la phrase, Marie, qui a compris, se dégage, tourne sur elle-même, se penche vers le sol, porte les mains à ses yeux et crie: “Je n'ai plus de Fils!” Et puis elle vacille et tomberait si Jean ne la recueillait toute sur son cœur, puis il s'assoit par terre pour mieux la soutenir sur sa poitrine, jusqu'à ce que les Marie remplacent l'apôtre auprès de la Mère. Elles, en effet, ne sont plus retenues par le cercle supérieur des soldats, car, maintenant que les juifs se sont enfuis, ils se sont rassemblés sur la petite place qui est au-dessous pour commenter l'événement. La Magdeleine s'assoit où était Jean, et allonge presque Marie sur ses genoux, la soutenant entre ses bras et sa poitrine, baisant son visage exsangue, renversé sur son épaule compatissante. Marthe et Suzanne, avec une éponge et un linge trempés dans le vinaigre, lavent ses tempes et ses narines, pendant que sa belle-sœur lui baise les mains en l'appelant d'une voix déchirante, et dès que Marie rouvre les yeux, et tourne vers elle un regard que la douleur rend pour ainsi dire hébété, elle lui dit: “Fille, fille chérie, écoute… dis-moi que tu me vois… Je suis ta Marie… Ne me regarde pas ainsi!…” Et après que le premier sanglot a ouvert la gorge de Marie et que les premières larmes tombent, elle, la bonne Marie d'Alphée, dit: “Oui, oui, pleure… Ici avec moi, comme près d'une maman, ma pauvre, sainte fille”, et quand elle l'entend dire: “Oh! Marie! Marie! tu as vu?”, elle dit en gémissant: “Oui! oui… mais… mais… fille… oh! fille!…” Elle ne trouve pas autre chose et elle pleure la vieille Marie, des pleurs désolés auxquels font écho toutes les autres, c'est-à-dire Marthe et Marie, la mère de Jean et Suzanne. Les autres pieuses femmes ne sont plus là. Je pense qu'elles sont parties et avec elles les bergers, quand on a entendu ce cri de femme… Les soldats parlent entre eux. “Tu as vu les juifs? Maintenant, ils avaient peur.” “Et ils se frappaient la poitrine.” “Les plus terrifiés c'étaient les prêtres!” “Quelle peur! J'ai senti d'autres tremblements de terre. Mais jamais comme celui-là. Regarde: la terre est restée pleine de crevasses.” “Et il s'est effondré tout un passage de la longue route.” “Et dessous, il y a des corps.” “Laisse-les! Autant de serpents de moins.” “Oh! un autre incendie! Dans la campagne… “Mais est-il vraiment mort?” “Et tu ne vois pas? Tu en doutes?” Apparaissent de derrière la roche Joseph et Nicodème. Certainement ils s'étaient réfugiés derrière l'abri de la montagne pour se sauver de la foudre. Ils vont trouver Longin. “Nous voulons le Cadavre.” “Seul le Proconsul l'accorde. Allez, et vite, car j'ai entendu dire que les juifs veulent aller au Prétoire et obtenir-le brisement des jambes. Je ne voudrais pas qu'ils Lui fassent affront.” “Comment le sais-tu?” “Rapport de l'enseigne. Allez. Je vous attends.” Les deux se précipitent par la descente rapide et disparaissent. C'est alors que Longin s'approche de Jean et lui dit un mot que je ne comprends pas, puis il se fait donner une lance par un soldat. Il regarde les femmes qui s'occupent toutes de Marie qui reprend lentement des forces. Elles tournent toutes le dos à la croix. Longin se met en face du Crucifié, étudie bien le coup, et puis le donne. La large lance pénètre profondément de bas en haut, de droite à gauche. Jean qui se débat entre le désir de voir et l'horreur de la vision, tourne la tête un instant. “C'est fait, ami” dit Longin et il ajoute: “C'est mieux ainsi. Comme à un cavalier, et sans briser les os… c'était vraiment un Juste!” De la blessure suinte beaucoup d'eau et à peine un filet de sang qui déjà forme des grumeaux. Suinte, ai-je dit. Il ne sort qu'en filtrant par la coupure nette qui reste inerte. S'il avait encore respiré, elle se serait ouverte et fermée par le mouvement du thorax et de l'abdomen… … Pendant que sur le Calvaire tout garde ce tragique aspect, je rejoins Joseph et Nicodème qui descendent par un raccourci pour faire plus vite. Ils sont presque en bas quand ils rencontrent Gamaliel. Un Gamaliel dépeigné, sans couvre-chef, sans manteau, avec son splendide vêtement souillé de terre et déchiré par les ronces. Un Gamaliel qui monte en courant et haletant, les mains dans ses cheveux clairsemés et plutôt gris d'homme âgé. Ils se parlent sans s'arrêter. “Gamaliel! Toi?” “Toi, Joseph? Tu le quittes?” “Moi, non. Mais pourquoi es-tu ici? Et ainsi?…” “Chose terrible! J'étais dans le Temple! Le signe! Le Temple tout ouvert! Le rideau pourpre et jacinthe pend déchiré! Le Saint des Saints est découvert! Anathème sur nous!” Il a parlé en continuant de courir vers le sommet, rendu fou par la preuve. Les deux le regardent s'éloigner… ils se regardent… disent ensemble: “"Ces pierres frémiront à mes dernières paroles!" Il le lui avait promis!…” Ils hâtent leur marche vers la ville. A travers la campagne, entre le mont et les murs, et au-delà, errent, dans l'air encore obscur, des gens à l'air hébété… Des cris, des pleurs, des lamentations… Il y en a qui disent: “Son Sang a fait pleuvoir du feu!” D'autres: “Parmi les éclairs Jéhovah est apparu pour maudire le Temple!” D'autres gémissent: “Les tombeaux! Les tombeaux!” Joseph saisit quelqu'un qui se cogne la tête contre les murs et il l'appelle par son nom, en le traînant avec lui au moment où il entre dans la ville: “Simon, mais qu'est-ce que tu dis?” “Laisse-moi! Un mort toi aussi! Tous les morts! Tous dehors! Et ils me maudissent.” “Il est devenu fou” dit Nicodème. Ils le laissent et vont vivement vers le Prétoire. La ville est en proie à la terreur. Des gens errent en se battant la poitrine; des gens font un bond en arrière ou se retournent épouvantés en entendant derrière eux une voix ou un pas. Dans un des si nombreux archivoltes obscurs, l'apparition de Nicodème, vêtu de laine blanche - car pour aller plus vite, il a enlevé sur le Golgotha son manteau foncé - fait pousser un cri de terreur à un pharisien qui s'enfuit. Puis il s'aperçoit que c'est Nicodème et il s'attache à son cou, étrangement expansif, en criant: “Ne me maudis pas! Ma mère m'est apparue et m'a dit: "Sois maudit pour toujours!"“ et puis il s'affaisse sur le sol en disant: “J'ai peur! J'ai peur!” “Mais ils sont tous fous!” disent les deux. Ils arrivent au Prétoire. C'est seulement là, pendant qu'ils attendent d'être reçus par le Proconsul, que Joseph et Nicodème réussissent à savoir la raison de telles terreurs. Beaucoup de tombeaux s'étaient ouverts par suite de la secousse tellurique et il y avait des gens qui juraient en avoir vu sortir les squelettes qui, pendant un instant, reprenaient une apparence humaine et s'en allaient en accusant ceux qui étaient coupables du déicide et en les maudissant. Je les quitte dans l'atrium du Prétoire où les deux amis de Jésus entrent sans faire tant d'histoires de dégoût stupide et de peur de contamination, et je reviens au Calvaire, rejoignant Gamaliel qui, désormais épuisé, monte les derniers mètres. Il avance en se battant la poitrine et, en arrivant sur la première des deux petites places, il se jette par terre, longue forme blanche sur le sol jaunâtre, et il gémit: “Le signe! Le signe! Dis-moi que tu me pardonnes! Un gémissement, même un seul gémissement, pour me dire que tu m'entends et me pardonnes.” Je comprends qu'il le croit encore vivant. Il ne se détrompe que quand un soldat le heurtant de sa lance lui dit: “Lève-toi et tais-toi. Inutile! Il fallait y penser avant. Il est mort. Et moi, païen, je te le dis: Celui que vous avez crucifié était réellement le Fils de Dieu!” “Mort? Tu es mort? Oh!…” Gamaliel lève son visage terrorisé, cherche à voir jusque là haut sur la cime, dans la lumière crépusculaire. Il voit peu, mais assez pour comprendre que Jésus est mort. Et il voit le groupe pieux qui réconforte Marie et Jean, debout à gauche de la croix, tout en pleurs, et Longin debout à droite, dans une posture solennelle et respectueuse. Il se met à genoux, tend les bras et pleure: “C'était Toi! C'était Toi! Nous ne pouvons plus être pardonnés. Nous avons demandé ton Sang sur nous. Et il crie vers le Ciel, et le Ciel nous maudit… Oh! Mais tu étais la Miséricorde!… Je te dis, moi, qui suis le rabbi anéanti de Juda: "Ton Sang sur nous, par pitié". Asperge-nous avec lui! Car lui seul peut nous obtenir le pardon…” il pleure. Et puis, plus doucement, il reconnaît sa secrète torture: “J'ai le signe demandé… Mais des siècles et des siècles de cécité spirituelle restent sur ma vue intérieure, et contre ma volonté de maintenant se dresse la voix de mon orgueilleuse pensée d'hier… Pitié pour moi! Lumière du monde, dans les ténèbres qui ne t'ont pas compris, fais descendre un de tes rayons! Je suis le vieux juif fidèle à ce qu'il croyait justice et qui était erreur. Maintenant je suis une lande brûlée, sans plus aucun des vieux arbres de la Foi antique, sans aucune semence ni tige de la Foi nouvelle. Je suis un désert aride. Opère le miracle de faire se dresser une fleur qui ait ton nom dans ce pauvre cœur de vieil israélite entêté. Toi, Libérateur, pénètre dans ma pauvre pensée, prisonnière des formules. Isaïe le dit:"… il a payé pour les pécheurs et il a pris sur Lui les péchés des multitudes". Oh! le mien aussi, Jésus de Nazareth…” Il se lève. il regarde la croix qui se fait toujours plus nette dans la lumière qui revient, et puis il s'en va courbé, vieilli, anéanti. Sur le Calvaire le silence revient, à peine interrompu par les pleurs de Marie. Les deux larrons, épuisés par la peur, ne parlent plus. Nicodème et Joseph reviennent rapidement, en disant qu'ils ont la permission de Pilate. Mais Longin, qui ne s'y fie pas trop, envoie au Proconsul un soldat à cheval pour savoir comment il doit faire aussi avec les deux larrons. Le soldat va et revient au galop avec l'ordre de remettre Jésus et de briser les jambes des autres, par volonté des juifs. Longin appelle les quatre bourreaux, qui se sont lâchement accroupis sous le rocher et sont encore terrorisés par l'événement, et ordonne que les deux larrons soient achevés à coups de massue. La chose arrive sans protestations pour Dismas, auquel le coup de massue déferrée au cœur après avoir frappé les genoux, brise à moitié sur ses lèvres le nom de Jésus, dans un râle. Pour l'autre larron, c'est avec des malédictions horribles. Leur râle est lugubre. Les quatre bourreaux voudraient aussi s'occuper de Jésus pour le détacher de la croix, mais Joseph et Nicodème ne le permettent pas. Joseph aussi enlève son manteau et dit à Jean de l'imiter et de tenir les échelles pendant qu'eux montent avec des leviers et des tenailles. Marie s'est levée tremblante, soutenue par les femmes, et s'approche de la croix. Pendant ce temps, les soldats s'en vont, leur besogne terminée. Longin, avant de descendre au-delà de la place inférieure, se tourne du haut de son cheval pour regarder Marie et le Crucifié. Puis le bruit des sabots résonne sur les pierres et celui des armes contre les cuirasses, et il s'éloigne de plus en plus. La paume gauche est déclouée. Le bras retombe le long du Corps qui maintenant pend à demi-détaché. Ils disent à Jean de monter lui aussi, en laissant les échelles aux femmes. Jean, monté sur l'échelle où était d'abord Nicodème, passe le bras de Jésus autour de son cou et le tient ainsi, tout abandonné sur son épaule, en l'enlaçant par son bras à la taille et il le tient par la pointe des doigts pour ne pas heurter l'horrible déchirure de la main gauche, qui est presque ouverte. Quand les pieds sont décloués, Jean a beaucoup de mal à tenir et soutenir le Corps de son Maître entre la croix et son propre corps. Marie se place déjà au pied de la croix, assise en lui tournant le dos, prête à recevoir son Jésus sur ses genoux. Mais le plus difficile c'est de déclouer le bras droit. Malgré tous les efforts de Jean, le Corps pend complètement en avant et la tête du clou est profondément enfoncée dans la chair, et comme ils ne voudraient pas le blesser davantage, les deux hommes compatissants peinent beaucoup. Finalement ils saisissent le clou avec les tenailles et le sortent tout doucement. Jean tient toujours Jésus par les aisselles, avec la tête renversée sur son épaule, pendant que Nicodème et Joseph le saisissent l'un aux cuisses, l'autre aux genoux, et le descendent avec précaution en le tenant ainsi par les échelles. Arrivés à terre, ils voudraient l'étendre sur le drap qu'ils ont placé sur leurs manteaux, mais Marie le veut. Elle a ouvert son manteau en le laissant pendre d'un côté et écarte les genoux pour faire un berceau à son Jésus. Pendant que les disciples tournent pour lui donner son Fils, la tête couronnée retombe en arrière et les bras pendent vers la terre et frotteraient le sol avec les mains blessées si la pitié des pieuses femmes ne les tenaient pas pour l'empêcher. Maintenant il est sur les genoux de sa Mère… Il semble un grand enfant fatigué qui dort pelotonné sur les genoux maternels. Marie le tient avec le bras droit qu'elle a passé derrière les épaules de son Fils et le gauche qu'elle a passé au-dessus de l'abdomen pour le soutenir aux anches. La tête est sur l'épaule maternelle. Elle l'appelle… l'appelle de sa voix déchirante. Puis elle le détache de son épaule et le caresse avec sa main gauche, prend et étend les mains et avant de les croiser elle les baise, et pleure sur les blessures. Puis elle caresse les joues, spécialement là où il y a des bleus et de l'enflure, elle baise les yeux enfoncés, la bouche restée légèrement tordue vers la droite et entrouverte. Elle voudrait remettre en ordre ses cheveux, comme elle l'a fait pour la barbe souillée de sang mais, en le faisant, elle rencontre les épines. Elle se pique pour enlever cette couronne et veut que ce soit elle qui le fasse, avec la seule main qu'elle a de libre et elle repousse tout le monde en disant: “Non! Non! Moi! Moi!” et il semble qu'elle ait entre ses doigts la tendre tête d'un nouveau-né tant elle le fait avec délicatesse., Et quand elle a pu enlever cette couronne torturante, elle se penche pour soigner par ses baisers toutes les éraflures des épines. De sa main tremblante elle sépare les cheveux en désordre, les remet en ordre, elle pleure et elle parle tout doucement. Avec, ses doigts elle essuie les larmes qui tombent sur les pauvres chairs glacées et couvertes de sang, et elle pense les nettoyer avec ses larmes et avec son voile qui est encore autour des reins de Jésus. Elle en tire à elle une extrémité et se met à nettoyer et à essuyer les membres saints. Elle ne cesse de Lui caresser le visage, et puis les mains, et puis les genoux couverts de contusions, et puis elle remonte pour essuyer le Corps sur lequel tombent ses nombreuses larmes. C'est en le faisant que sa main rencontre l'ouverture du côté. La petite main, couverte d'un linge fin, entre presque toute entière dans le large trou de la blessure. Marie se penche pour voir dans la demi-clarté qui s'est formée, et elle voit. Elle voit le côté ouvert et le cœur de son Fils. Elle crie, alors. Il semble qu'une épée lui ouvre le cœur, à elle aussi. Elle crie, et puis se renverse sur son Fils et paraît morte, elle aussi. On la secourt, on la réconforte, on veut lui enlever le divin Mort. Elle crie: “Où, où te mettrai-je? Dans quel lieu qui soit sûr et digne de Toi?” Joseph, tout penché en une inclination respectueuse, la main ouverte appuyée sur sa poitrine, dit: “Réconforte-toi, ô Femme! Mon tombeau est neuf et digne d'un grand. Je le Lui donne. Et Nicodème, mon ami, a déjà porté au tombeau les aromates que lui veut offrir personnellement, Mais, je t'en prie, puisque le soir approche, laisse-nous faire… C'est la Parascève. Sois bonne, ô Femme sainte!” Jean aussi et les femmes la prient dans le même sens et Marie laisse enlever de ses genoux son Fils, et elle se lève, angoissée, pendant qu'on l'enveloppe dans le drap, et elle les prie: “Oh! faites doucement!” Nicodème et Jean par les épaules, Joseph par les pieds, soulèvent la Dépouille non seulement enveloppée dans le drap mais étendue aussi sur les manteaux qui font office de brancard, et ils descendent par le chemin. Marie, soutenue par sa belle-sœur et la Magdeleine, suivie par Marthe, Marie de Zébédée et Suzanne, qui ont ramassé les clous, les tenailles, la couronne, l'éponge et le roseau, descend vers le tombeau. Sur le Calvaire restent les trois croix. Celle du milieu est nue et les deux autres ont leur trophée vivant qui meurt.
Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie http://www.mariavaltorta.com/